Cours de Droit intérnationnal privé S5 pour les étude en français

Droit en français

Cours de Droit intérnationnal privé S5 pour les étude en français

 

Introduction générale

 

 Section 1 : définition, domaine et objet du Droit intérnationnal privé

 

Le DIP peut être présenté comme la branche du droit qui réglemente les rapports de droit privé de caractère international par exemple, les mariages conclus entre deux personnes de nationalités différentes ou les contrats entre sociétés établies dans des états différents.

Dans ces exemples cités, l’existence d’un élément étranger fait entrer en jeu des règles particulières dont la recherche et l’application constituent l’objet du DIP.

L’existence de cet élément étranger qu’on appelle aussi élément d’extranéité peut être d’origines diverses.

Une conception simpliste voudrait voir dans le DIP, le droit des étrangers et par suite, résoudre tous les problèmes par l’application de la loi nationale. Il en est en réalité tout autrement.

Par ex : devant une juridiction française, une succession dans laquelle le défunt et tous les héritiers sont français n’en a pas moins le caractère international si au moment du décès, le défunt était domicilié hors de France.

De même, un contrat passé au Maroc entre deux Marocains est un contrat international s’il a pour objet la vente ou la location d’un immeuble situé à l’étranger. (Le contrat s’il porte sur un objet à l’étranger même s’ils sont du même pays, ils peuvent convenir de l’application d’une loi étrangère).

Le Droit intérnationnal privé touche à l’ensemble des matières juridiques, délits contractuels, statut personnel, statut réel, condition des étrangers…

L’accord est cependant loin d’être réalisé sur l’étendue exacte du DIP, les uns lui disputent le droit du travail ou le droit fiscal considérés comme des matières de droit public, d’autres veulent contrairement à la tradition en exclure le droit pénal.

Toutes ces discussions ne devraient pas avoir lieu puisque, de même qu’on ne saurait actuellement maintenir en droit interne une division rigide entre droit public et le droit privé, en ne saurait soustraire au domaine du DIP toute une branche du droit sous prétexte que celle-ci présente des aspects de droit public.

Tel que présenté, le DRoit intérnationnal privé semble mal dénommé malgré tout, le débaptiser ne serait pas facile car expression de DIP est bien enracinée dans les pays continentaux et aujourd’hui presque universellement employée.

En résumé donc, il y a le milieu des relations humaines totalement marocain, et un autre où il y a au moins un élément qui n’est pas marocain. Le domaine du DIP c’est donc ce milieu extra national qui se manifeste à tout législateur national. Pour qu’il y ait DIP, il faut qu’il y ait un élément extra national (externe) qu’on dit aussi d’extranéité ou international.

Quatre branches constituent traditionnellement la matière du DIP :

  • les conflits de lois qui sont le premier procédé général des solutions des problèmes du DIP et les conflits de juridiction.
  • la condition des étrangers et la nationalité qui forment le second procédé, règle matérielle propre des relations privées internationales.

1- il y a conflit de lois toutes les fois qu’une situation juridique pouvant se rattacher à plusieurs pays, il faut choisir entre les lois de ces différents états celle qui sera appelée à régir le rapport de droit considéré. C’est donc essentiellement un problème d’option.

Le procédé le plus général de solution des problèmes du DIP consiste alors non pas à les résoudre directement par des dispositions législatives propres, mais à désigner s’agissant de relations concernant les particuliers, la loi interne qui leur sera appliquée.

Par exemple, l’article trois du DCC (Dahir sur la condition civile des Français et des étrangers) dispose que l’état et la capacité des Français et des étrangers sont régis par la loi nationale.

(La loi nationale en DIP = la loi de la Nation de l’intéressé

 Si on veut lui appliquer la loi du Maroc, on dit loi locale).

(En matière délictuelle, l’article 16 du DCC impose que la loi du lieu de survenance soit appliquée même si par exemple l’accident survenu en France est entre deux Marocains, c’est la loi française qui s’applique).

On désigne traditionnellement ce système de solution par l’expression de conflit de lois, parce qu’il détermine les lois applicables à des relations privées internationales, c’est-à-dire des relations patrimoniales ou extra patrimoniales présentant des contacts avec plusieurs pays et leurs lois, soit un accident survenant en France, un Marocain auteur du coût du fusil qui a blessé un français est poursuivi par ce dernier en dommages-intérêts devant un tribunal Marocain.

La situation juridique de l’espèce se trouve en contact avec la France et le Maroc. Le juge marocain saisi doit-il appliquer à ce problème de responsabilité civile extra contractuelle, la loi française ou la loi marocaine ? La question se pose parce que le juge saisi d’un litige comportant comme en l’espèce un aspect international, n’applique pas forcément au fond du litige la loi de son pays qu’on appelle d’ordinaire la Lex fori.

2- conflit de juridictions

Il y a conflit de juridictions toutes les fois qu’un litige pose un problème d’extranéité et qu’il faut déterminer si le tribunal compétent est un tribunal marocain ou un tribunal étranger. Il se pose dans tous procès de DIP, et est nécessairement préalable au conflit de lois car avant de déterminer la loi applicable, le juge doit nécessairement se prononcer sur sa propre compétence.

Autrement dit, comme les lois de tous les pays concernés par le litige en question ont vocation à s’appliquer, il est permis de penser également que leurs tribunaux sont compétents, il y a alors un conflit de juridictions.

3- la condition des étrangers

Le problème de condition des étrangers ou de la jouissance de droits consiste à déterminer quelles doivent être les prérogatives dont peuvent bénéficier des étrangers sur le territoire marocain. Il s’agit des règles qui refusent aux étrangers la jouissance de certains droits reconnus aux nationaux. Ces refus établissent une différenciation sur la seule qualité d’étranger, il s’agit de savoir si l’étranger est apte à la jouissance des droits au même titre que le national.

De plus, quand un étranger veut exercer un droit au Maroc, il faut déterminer selon quelle loi il l’exercera, question de conflit de lois ; mais également s’il est admis à la jouissance de ce droit, question de conditions des étrangers.

La condition des étrangers englobe par ailleurs, leur situation au regard du droit public, liberté d’entrée et de circulation au Maroc, droits civiques et politiques.

Les règles de la condition des étrangers confèrent donc aux étrangers non seulement un statut précaire quant au séjour au Maroc, mais également inférieur à celui des Marocains quant à son contenu.

4– la nationalité

La nationalité peut se définir comme l’ensemble des règles qui déterminent l’allégeance d’un individu par rapport à un Etat. Les règles relatives à la nationalité définissent les conditions dans lesquelles la nationalité marocaine est attribuée à une personne à sa naissance, acquise ou perdue après la naissance.

C’est son lien avec la condition des étrangers qui peut expliquer d’un point de vue formel, l’inclusion de la nationalité dans le DIP. L’existence d’une condition des étrangers signifie que si l’étranger est sujet de droit Maroc, sa vocation à la jouissance des droits n’a pas la même étendue que celle des Marocains, ils peuvent faire l’objet notamment d’une expulsion discrétionnaire.

Pour conclure sur l’objet du DIP, remarquons que la tradition marocaine en groupant ainsi en une même matière de la nationalité, la condition des étrangers, les conflits de lois et les conflits de juridictions, donne une réponse d’ensemble à la question de la situation juridique de l’individu dans les relations privées internationales, elle étudie successivement les sujets de droit (à travers la nationalité et la condition des étrangers), l’exercice des droits (les conflits de lois) et la sanction des droits (les conflits de juridictions). 

Section 2 : l’évolution historique du Droit intérnationnal privé

(À développer individuellement)

Dans l’Antiquité (négation de la personnalité juridique de l’étranger)

Dans le droit musulman (Mezeghni)

Dans le droit marocain (voir jurisclasseur de droit comparé … (voir notes)).

 Section 3 : les sources du Droit intérnationnal privé

Le DIP se présente comme un droit national et la qualification de DIP a été critiquée par de très nombreux auteurs, le DIP n’est pas un droit commun à un certain nombre d’états, c’est un droit propre à chaque État.

Le qualificatif international trouve sa seule raison d’être dans l’objet de la matière, les relations entre particuliers sur la scène internationale (il est interne par ses sources (législation locale qui l’édicte, jurisprudence, doctrine) il est international dans son objet (réglemente les rapports des particuliers dans la scène internationale)).

Le DIP découle de deux sources, les sources internes et les sources internationales :

  A- les sources internes

       1- la loi

   a- en droit français

La loi joue un rôle important certes en matière de nationalité et de condition des étrangers mais beaucoup moins en matière de conflit de lois.

En dehors de l’article trois du code civil, les conflits de lois n’ont pas attiré particulièrement l’attention du législateur français dans un premier temps. Cependant, à l’heure actuelle, la matière a tendance à relever de plus en plus du domaine de la loi.

Les textes relatifs aux conflits de juridictions sont très rares.

b- certains états d’Europe de l’Est et de l’Ouest

Certains états d’Europe de l’Est et de l’Ouest ont codifié leur DIP, la Tchécoslovaquie en 1963, la Pologne en 1965, la Hongrie en 1979, la Suisse dans les années 90, le Portugal en 1966 et l’Autriche en 1978…

  c- des règles codifiées existent dans de nombreux états

Arabo-musulmans

Un chapitre consacré aux conflits de lois dans le code civil égyptien de 1949 a inspiré le code civil de Syrie, de l’Irak, du Koweït et de la Libye. Le Code civil algérien de 1975 contient lui aussi des dispositions relatives aux conflits de lois.

  d- au Maroc

Le DCC du 12/08/1913 (zone française) constitue la source principale du DIP, il constitue ainsi le premier code de DIP. Paru en langue française, il traite essentiellement des conflits de lois.

En 1914, un autre DCC sur la condition des espagnols et des étrangers.

En 1924, un autre DCC propre à la zone internationale de tanger.

Pour ce qui est des conflits de juridictions, citons le Dahir du 24/04/1959 modifiant celui du 04/04/1956 relatif au fonctionnement des juridictions de droit commun, la loi 26/01/1965, loi d’unification, d’arabisation et de marocanisation, le code de procédure civile de 1974 qui intéresse à plus d’un titre le DIP. Quant à la nationalité, elle est entièrement régie par le dahir du 06/09/1958 toujours en vigueur.

  2- la jurisprudence

Le droit écrit étant embryonnaire en France, ce sont les tribunaux judiciaires qui ont eu la charge d’élaborer un véritable système de DIP et continuent d’en combler les nombreuses lacunes, la loi joue en France un rôle fondamental. Cette même jurisprudence imprègne tous les systèmes juridiques qu’ils ont plus ou moins hérité du droit français.

Au Maroc, des lacunes et anomalies ont été constatées dans le DCC, lequel laisse sous silence certains conflits de lois par ex. il n’édicte aucune règle pour la recherche de paternité, l’adoption ou même la donation …

En outre, et d’une manière générale, le DCC ne réglemente en général que les situations juridiques sises ou nées au Maroc, alors que normalement les dispositions du DCC doivent guider les tribunaux aussi bien pour les situations internes que pour les situations externes du moment qu’ils sont appelés à connaître le procès concernant cette situation ex. Art 16.

 3- la doctrine

Etant donné la question de méthode qu’elle soulève, la matière des conflits de lois se prête bien plus que les autres branches du droit à la spéculation intellectuelle et à la construction de système, c’est ce qui explique le rôle particulièrement important joué par la doctrine.

B- les sources internationales

                             1- les traités bilatéraux

Les traités bilatéraux apparaissent surtout dans le domaine des conflits de juridictions, citons entre autres la convention Franco-marocaine du 05/10/1957 et la convention Maroco-tunisienne du 30/03/1952 toutes deux relatives à l’exequatur. Il existe aussi et depuis longtemps également des traités bilatéraux dans le domaine de la condition des étrangers.

                             2- les traités multilatéraux

Visent à des règles de valeur universelle, le grand obstacle auquel ils se heurtent est évidemment la difficulté de rassembler un grand nombre de consentements aux mêmes solutions.

D’importantes conventions ont unifié le droit applicable en matière de transport, de vente internationale … Etc.

En outre, un effort systématique d’unification des règles de conflits de lois a été entrepris par la conférence de (Lahaye) de droit international privé.

Au titre de l’article 1er de ces statuts, elle a pour mission d’unifier progressivement les règles du DIP. (Le Maroc a adhéré à cette conférence mais ne l’a pas ratifié)

                             3- la jurisprudence des juridictions internationales

Elle constitue elle aussi une source du DIP notamment en matière de nationalité et de condition des étrangers.

                                       a- l’institution la plus importante est la C.I.J

L’avis du 07/02/1923 intervenu dans un différend entre la France et l’Angleterre au sujet de décrets français sur la nationalité en Tunisie et au Maroc énonce qu’en matière de nationalité, les états ne sont liés les uns vis-à-vis des autres par aucune obligation autre que celles qui résultent des traités.

Dans l’arrêt Notebohn du 06/04/1955, la CIJ décide qu’un état ne saurait assumer la protection diplomatique d’un individu qu’il regarde comme son national quand le lien de nationalité est insuffisamment effectif.

En matière de condition des étrangers, la cour a décidé que l’expropriation sans indemnités est contraire au droit commun international ce qui implique que les états ne sont pas libres de traiter comme ils veulent les étrangers (arrêt du 25/05/1926 relatif à l’expropriation d’une usine allemande par la Pologne affaire Chorzów).

L’affaire Boll de la CIJ en date du 25/11/1958, est une nouvelle construction du DIP et plus spécialement aux mécanismes des lois de police, la cour a décidé que l’application de la loi suédoise en tant que loi de police à une mineure de mère suédoise et de père hollandais n’était pas contraire à la convention de Lahaye de 1904 sur la loi applicable à la tutelle des mineurs.

  b- la juridiction arbitrale

La CIJ n’étant ouverte qu’aux Etats et donc inapte à troncher toutes les questions de DIP nées des relations d’affaires, celles-ci sont développées du fait des relations commerciales internationales et des besoins de développement des pays.

Par ailleurs le commerce international se faisant entre ressortissants de pays différents, les tribunaux étatiques font l’objet d’une méfiance de la part des partenaires étrangers. La pratique s’est alors tournée vers l’arbitrage de droit privé dans les contrats internationaux. Il existe des organismes permanents spécialisés dans l’arbitrage international.

Les règles de fond appliquées par les sentences arbitrales sont un mélange emprunté à la fois au droit international public, aux principes communs aux différentes législations, aux principes généraux du droit et aux usages du commerce international.

Les nombreuses sentences déjà rendues ont fini par dégager un certain nombre de règles communes et spécifiques au commerce international on parle alors de Lex Mercatoria = loi du marché.

         Section 4 : branches techniques de réglementation en DIP ou méthode du DIP

Dès lors qu’un rapport de droit présente un ou plusieurs éléments d’extranéité et qu’il est donc rattaché à plusieurs systèmes juridiques, il se pose un problème d’option.

Parmi ces différents systèmes, qui ont tous vocation à s’appliquer, il faut choisir celui qu’il convient de retenir en définitive.

Le choix n’est pas arbitraire et ne dépend souvent ni de la volonté du juge ni de la volonté des parties. Le DIP a pour but de réglementer les rapports internationaux de droit privé, son champ d’application suppose la présence concurrente de plusieurs lois appartenant à des états différents.

La solution n’est pas l’élimination arbitraire de quelques unes d’entre elles au profit d’une seule mais l’agencement le plus rationnel pour garder au DIP la mission qui est la sienne c’est-à-dire la coopération judiciaire et juridique internationale.

Poursuivant un but propre, construit selon des données qui lui sont propres, le DIP obéit donc à une méthode propre, il possède une méthode originale qui est la méthode conflictuelle qui repose sur des règles de conflit qui sont elles-mêmes des règles du for (du tribunal saisi).

Chaque système de droit a son propre système de DIP et donc ses propres règles de conflit de sorte qu’il est fréquent qu’un même litige reçoive une solution différente selon qu’il est soumis au tribunal de tel pays ou de tel autre.

D’où les critiques adressées à la méthode conflictuelle accusée d’accentuer encore le caractère international du DIP, c’est pourquoi une controverse divise les internationalistes. Une méthode se trouve en concurrence avec la méthode conflictuelle, elle consiste à élaborer des règles matérielles de droit international.

 A- la méthode conflictuelle

Toutes les fois qu’un tribunal a à connaître d’un litige comportant un élément d’extranéité susceptible pour cette raison de se rattacher à deux ou plusieurs pays, il doit consulter sa propre règle de conflit, son propre système de DIP et déterminer ensuite la loi applicable par référence à cette règle de conflit de lois.

Les solutions de DIP seront données par le biais d’un facteur de rattachement auquel on va se référer par ex : (A)  désigne un problème international par exemple de statut personnel. Pour savoir quelle est la solution juridique à ce problème, il y a une règle. On dégage un facteur de rattachement (M), qui est la nationalité ou le domicile par exemple et c’est (X) le droit applicable qui donnera la solution.

On choisira quel est le facteur de rattachement qui importe pour appliquer le droit (X), c’est donc un procédé indirect car c’est une règle qui nous renvoie à une réglementation interne de tel pays déterminé, pour donner la solution et non une règle qui résoudra tous les problèmes.

                     A                       à                           M                     à                      X

 (problème international)                     (facteur de rattachement)                  (loi applicable)

Ex : statut personnel              à                    loi nationale            à                loi belge

Matière contractuelle             à      clauses dans le contrat         à          déterminer le droit

                                                       (autonomie de la volonté)                         compétent

Matière délictuelle                 à      loi du lieu de survenance     à          déterminer le droit

                                                                    du délit                                        compétent

Ainsi présentée, la règle de conflit présente trois caractéristiques :

1- le problème de conflit de lois est essentiellement un problème d’option, un problème de choix entre plusieurs rattachements possibles par ex. Un divorce est demandé par une personne contre son conjoint de nationalité différente devant les juridictions marocaines.

Ces juridictions feront-elles applications de la loi du mari, de loi de l’épouse ou de la loi du Maroc ?

Il résulte de ceci que la règle de conflit est en principe une règle bilatérale qui peut donner indifféremment compétence à l’application d’une loi locale ou d’une loi étrangère.

2- chaque État a son propre système de solution de conflit de lois.

3- enfin, la règle de conflit désigne comme loi applicable, une loi interne, la loi du pays qui a le rattachement le plus important avec le rapport de droit en cause.

La méthode conflictuelle a été critiquée à tel point que l’on a pu parler de crise de conflit de lois.

On lui reproche d’abord son caractère complexe, on lui reproche d’être trop abstraite et faite pour des spécialistes, sa subtilité même est incompatible avec la nécessité de régler des cas concrets notamment dans le domaine du commerce international où l’on doit prévoir des règles permettant des transactions.

On lui reproche par ailleurs, l’incertitude et l’imprévisibilité qu’elle engendre du moins dans les pays où les règles de conflits sont de construction jurisprudentielle.

La théorie des conflits de lois risque d’être ainsi un procédé arbitraire entre les mains des juges ce qui peut être très dangereux. Pour toutes ces raisons l’on se tourne à l’heure actuelle de plus en plus vers d’autres méthodes fondées sur l’établissement de règles propres au DIP.

 B- les règles matérielles

L’expression règles matérielles ou règles substantielles traduit l’idée fondamentale suivante : il s’agit de règles régissant directement le fond du droit, elles s’appliquent directement aux rapports de droit envisagés sans passer par la méthode de désignation d’un règle substantielle interne par une règle de conflit.

Une règle matérielle de droit international privé est donc une règle spécialement destinée aux relations internationales, une règle spécifique conçue pour un problème international. Il s’agit là d’un procédé relativement rare, on le retrouve surtout dans le domaine du commerce international.

L’élaboration et l’application des règles matérielles de droit international privé ne présentent pas de particularités notables par rapport à celles des règles matérielles de droit commun, seul le raisonnement auquel se livre le juge pour aboutir à son application est particulier.

En effet, le juge dans l’ordre duquel se trouve une règle matérielle propre aux relations internationales, doit l’appliquer automatiquement à l’exclusion de toute règle étrangère sans se soucier de savoir quel est l’ordre juridique compétent.

C’est la solution expressément adoptée par ex par la convention de (Lahaye) portant loi uniforme en matière de vente internationale d’objets mobiliers corporels du 15 juin 1955 dont l’art 90 dispose : « les frais de délivrance de la chose sont à la charge du vendeur, tous les frais postérieurs à la délivrance sont à la charge de l’acheteur ».

C- les lois d’application immédiate

Ce 3ème procédé de réglementation en droit international privé consiste à appliquer à une hypothèse internationale des dispositions du droit interne. Il existe en effet des cas où l’application des lois internes doit nécessairement avoir lieu bien qu’on doive prendre en considération des problèmes de la vie internationale par ex : le législateur marocain a prévu la semaine de 40 heures de travail si cela ne s’appliquait qu’aux employeurs nationaux, la loi n’atteindrait pas son but. Les employeurs étrangers chercheraient notamment des employés qui travailleraient plus de 40 heures pour le même salaire.

On appelle ainsi loi d’application immédiate, toutes les lois qui s’appliquent directement sans la loi de conflit classique qui la désignerait. On peut dire que le critère de distinction est la volonté ou l’intérêt de l’Etat à voir s’appliquer ou non sa propre loi en vue d’un but déterminé.

Dans le domaine où joue la méthode conflictuelle classique, l’Etat n’attache aucun intérêt particulier à voir s’appliquer la solution qu’il a édictée de sorte qu’il lui est indifférent de voir désignée la loi du for ou une loi étrangère.

Dans le cas inverse où l’Etat entend soustraire tel domaine aux aléas d’un rattachement à priori, il pose des règles qui doivent impérativement s’appliquer.

Cette catégorie de règles matérielles est dénommée lois de police qui sont définies comme des lois dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique du pays.

En résumé donc, le point de départ de la règle de conflit est la prise en considération des différentes lois susceptibles d’être appliquées. La question que l’on se pose est la suivante : quelle est la loi à appliquer à telle relation ? Pour les lois d’application immédiate en se pose plutôt la question inverse, quelles sont les relations qui tombent sous le coup de telle loi ?

La dualité des méthodes ainsi utilisées par le droit international privé nous conduit à répartir ce cours en deux parties : la première sera réservée à l’étude des règles de conflit de lois, la seconde aura pour objet les règles matérielles.

PARTIE I : LES REGLES DE CONFLIT DE LOIS

         Titre 1 : théorie générale des conflits de lois

                   Section 1 : position de la question

                             Para 1 :

La question des qualifications a été mise en lumière par Bartin et Kahn. L’importance de la qualification en droit international privé est très grande parce qu’elle commande la solution du conflit de lois.

En effet, le droit international privé pose des catégories de rattachement, il décide par exemple que l’état et la capacité sont soumis à la loi nationale ; de ce fait, le juge qui doit déterminer la loi applicable à une institution déterminée est nécessairement conduit à placer l’institution en question dans l’une ou l’autre des catégories.

À chaque fois que le juge procède à l’application des règles de rattachement, il doit rechercher si le rapport de droit qui lui est soumis le relève par exemple de la forme ou du fond, des successions ou des régimes matrimoniaux… Etc.

La loi susceptible de régir le rapport de droit en question dépend ainsi de l’étiquette que l’on appose à ce rapport de droit.

                             Para 2 :

La question en droit international privé présente une certaine spécificité. Envisagée en tant que tel, la qualification n’est pas un procédé de raisonnement propre au droit international privé, toutes les autres branches de droit la connaissent. En droit civil par exemple, le juge est appelé à rechercher si un contrat est une vente ou un louage.

Le problème spécifique du droit international privé n’est donc pas celui de la qualification elle-même, mais celui du conflit de qualification. En effet, il n’y aurait aucune difficulté particulière si les différents systèmes juridiques intéressés donnaient des qualifications analogues.

Dans la pratique, il arrive souvent que les différentes lois en conflit donnent du rapport de droit qui fait l’objet du litige, des qualifications différentes d’où la nécessité de déterminer si pour donner à la matière du litige la qualification adéquate il faut se référer au concept du droit du tribunal saisi ou à ceux du système juridique en conflit avec celui du for.

Trois exemples classiques illustrent cette difficulté :

                                       A- la succession du maltais (Bartholo)

Alger 24 décembre 1889, deux conjoints Anglo-maltais se marient à Malte où ils établissent leur premier domicile conjugal, ils émigrent ultérieurement en Algérie où le mari devait décéder par la suite. La femme prétend exercer sur les immeubles situés en Algérie un droit reconnu à l’époux survivant par la loi maltaise, la quarte du conjoint pauvre.

Le problème consistait dès lors à déterminer si la quarte du conjoint pauvre était un avantage matrimonial et dans ce cas elle devait être classée dans la catégorie de rattachement « régime matrimonial » ou si elle ne constituait pas plutôt un droit de succession proprement dit, ce qui conduisait à l’intégrer vers la catégorie de rattachement « successions ».

La loi applicable et par conséquent les prétentions de la veuve dépendaient de la qualification.

En effet, si l’on classait la quarte du conjoint pauvre dans la catégorie des « régimes

Matrimoniaux » c’est la loi maltaise en tant que loi du premier domicile matrimonial qui s’applique, ce qui assure à la veuve le bénéfice de la quarte du conjoint pauvre.

Si, au contraire, on classe la question dans la catégorie des successions, c’est la loi française qui s’applique en tant que loi de situation de l’immeuble. Ce qui conduit à débouter la veuve de sa demande.

                                       B- le mariage du grec orthodoxe (affaire Caraslanis cassation civile première 22 juin 1955)

Un grec orthodoxe épouse civilement une française en France alors que la loi grecque exige une célébration religieuse. Un tel mariage est-il valable ou non? Là encore la réponse dépend de la qualification donnée.

Si, le juge considère l’exigence de la célébration religieuse comme une condition de fond soumise à la loi nationale, la loi grecque est applicable et le mariage est donc nul. Si, au contraire, il analyse l’exigence de la célébration religieuse comme une condition de forme du mariage soumise à la loi du lieu de célébration du mariage, la loi française est applicable est le mariage est donc valable.

Or, le droit grec considère l’exigence de la célébration religieuse comme une condition de fond du mariage alors que le droit français la considère comme une condition de forme. Il en résulte ainsi un conflit de qualification.

                                       C- le testament du hollandais

L’ancien article 992 du code civil néerlandais (maintenant abrogé) interdit aux hollandais de tester en la forme holographe (entièrement de la main du testateur) et considère que cette prohibition vaut même pour les hollandais qui se trouvent à l’étranger.

Au contraire, le droit français admet le testament holographe. Aussi, si un hollandais rédige en France son testament sous la forme holographe, il y a un intérêt à déterminer si ce testament relève de la loi française qui le valide ou de la loi hollandaise qui l’annule. Là aussi, la réponse dépend de la qualification qu’on attribue, à la question.

Si, l’on considère le caractère holographe du testament comme une question de forme, on est conduit à appliquer la loi française en vertu de la règle locus regi actum (la loi du lieu de rédaction du contrat).

Si, au contraire, l’on considère le caractère holographe du testament comme une question de fond, on est conduit à appliquer la loi néerlandaise en tant que loi nationale du testateur. Or, le droit français considère qu’il s’agit d’une question de forme et le droit néerlandais considère qu’il s’agit d’une question de fond. Il y a donc grand intérêt à déterminer suivant quelle loi la qualification doit être donnée.

(P.S : Il y a conflit de qualification à chaque fois que la loi du for et la loi étrangère ne classent pas la question dans la même catégorie de lois donc pas les mêmes solutions).

                   Section 2 : détermination de la loi de qualification

Déterminer la loi de qualification consiste à rechercher par référence à quel système juridique la qualification doit être donnée.

                             Para 1 : la controverse doctrinale

                                       A- la qualification lege fori (qualifier en se référant à la lex fori)

D’après cette thèse, chaque juge doit qualifier en se référant à sa propre loi. Trois arguments plaident en faveur de cette thèse :

                                                 1- la qualification lege fori est la conséquence inévitable du caractère national des systèmes de solution de conflits de lois.

Si, au regard des tribunaux locaux, le règlement de tout conflit dépend en premier lieu de la règle de conflit de lois interne, cette règle interne de conflit de lois ne peut être interprétée qu’en recourant aux définitions que le DIP local prend en considération. La démarche consiste ici à interpréter la volonté de l’auteur de la règle de conflit. Quelles questions a-t-il voulu englober dans chaque catégorie puisque c’est la règle de conflit du for qui s’applique, il faut la prendre en considération avec le sens qu’elle a dans l’esprit du législateur du for.

Il serait déraisonnable de considérer que les termes et notions qu’utilise le législateur local sont, non tel qu’il les entend lui-même, mais tel qu’elles sont envisagées par le législateur étranger. On lie ainsi la qualification à l’idée de souveraineté. Il appartient au souverain du for de délimiter lui-même le champ d’application de sa propre loi.

                                                 2- à raison de la place qu’occupe la qualification dans le processus du raisonnement conflictuel, il est inconcevable que cette qualification soit soumise à une autre loi que la loi du for.

La qualification étant préalable à la solution du conflit de loi, la loi étrangère n’a aucun titre à s’appliquer au moment où l’on qualifie. La loi étrangère n’acquiert ce titre d’application que si elle est désignée par la règle de conflit de lois. Puisque cette désignation dépend précisément de la qualification, toute qualification autre que la qualification lege fori, suppose résolu le problème que l’on cherche à résoudre.

Pour reprendre l’exemple du testament du hollandais, demander à la loi néerlandaise s’il s’agit de forme ou de fond, c’est supposer la loi néerlandaise compétente. Or, c’est justement ce que la qualification devait servir à démontrer. C’est seulement si le tribunal saisi décide par exemple qu’il s’agit de capacité (de fond) que la loi hollandaise sera applicable en tant que loi nationale du testateur. La question de la qualification est donc préalable au choix de la loi. Tant que cette question de qualification n’est pas résolue, le juge saisi ne peut raisonner que selon sa propre loi.

                                                 3- c’est le juge qui est appelé à donner la qualification

Parce que la qualification présente ce caractère préalable, le seul rattachement dont la

certitude apparaît au moment où la qualification doit être donnée, c’est le rattachement

juridictionnel, ce qui justifie que la qualification doit être faite selon les concepts du droit du tribunal saisi.

                                       B- la qualification lege-causae

La qualification lege-causae consiste à demander la qualification au droit étranger,

éventuellement applicable au rapport de droit faisant l’objet du litige.

Dans l’exemple du testament du hollandais, le raisonnement d’un partisan de la qualification lege-causae est le suivant: il appartient au droit néerlandais de régir la capacité des hollandais, c’est donc par référence au concept néerlandais que les règles de capacité doivent être définies.

A partir du moment où le droit néerlandais considère que l’article 992 de son code civil pose une règle de capacité, ce serait le dénaturer que de lui attribuer une nature différente. Cette présentation de la qualification lege-causae se heurte à l’objection suivante : elle suppose que l’art 992 est applicable alors que son application n’est qu’éventuelle et dépend précisément de la qualification qui sera donnée. Tant que la qualification n’est pas intervenue, aucune certitude n’existe quant à la loi applicable.

Une autre présentation de la qualification lege-causae peut paraître plus raisonnable. Dans l’ex. du mariage du grec orthodoxe, le raisonnement est alors le suivant: le mariage fait partie intégrante du statut personnel à ce titre, il relève de la loi nationale et dans notre ex. la loi applicable aux conditions du mariage est en ce qui concerne le mari, la loi grecque. C’est donc a elle qu’il appartient de donner la qualification, c’est à dire de décider si l’exigence d’une célébration religieuse est une condition de fond ou de forme du mariage.

Ce raisonnement, s’il est intéressant dans son développement, il est vicié au départ parce qu’il repose sur une affirmation erronée à savoir que la règle de conflit du for soumet à la loi nationale, l’ensemble des conditions du mariage. Or, en droit français, seules les conditions de fonds du mariage, relèvent de la loi nationale, les conditions de forme relevant quant à elles, de la loi du lieu de célébration.

                                       C- qualification par référence à des concepts autonomes et universels

Rabel a soutenu que le juge ne devrait pas être prisonnier de la qualification par référence à une loi déterminée, mais qu’il devrait dégager par l’utilisation de la méthode comparative, des concepts autonomes différents des concepts internes et ayant une portée universelle.

Cette méthode aurait très certainement l’avantage de supprimer les conflits de qualification, dans la mesure où les juges des différents pays dégageraient les mêmes concepts. Autre avantage, elle permettrait également d’éviter les risques de dénaturation d’institutions étrangères inconnues du droit du for, et qu’il est impossible de faire entrer dans les catégories de rattachement de la lex fori.

Malgré tout, cette méthode relève de la fiction parce que sur le plan pratique, elle n’est pas viable. Son application imposerait au juge une tache impossible faute d’éléments

d’information suffisants.

                             Para 2 : le droit positif

                                       A-les droits étrangers

Les tribunaux français se sont longtemps abstenus de prendre partie dans la discussion

doctrinale concernant le conflit de qualification. Ayant eu par ex. à connaître à différentes reprises de la validité d’un testament d’un néerlandais, ils n’adoptaient aucune solution de principe. Le principe de la qualification lege fori devait cependant être consacré par la cour de cassation dans l’affaire Caraslanis.

Dans cet arrêt, la cour déclare expressément que : « la question de savoir si un élément de la célébration du mariage appartient à la catégorie des règles de forme ou à celle des règles de fond, doit être tranchée par les juges français suivant les conceptions du droit français, selon lesquelles le caractère laïque ou religieux du mariage est une question de forme ».

Plusieurs systèmes juridiques ont adhéré à cette position: Allemagne, Belgique, Suisse, Italie Egypte, Tunisie, Algérie…

                                       B- le droit marocain

La jurisprudence a opté pour la qualification lege-causae pour les raisons suivantes:

D’une part, on a avancé qu’il n’existait pas de lex fori en matière de statut personnel devant les tribunaux du Maroc compétents à l’égard des étrangers. Le tribunal ne peut donc recourir à sa propre loi, les règles de statut personnel applicables au Maroc étant diverses et de nature confessionnelle.

D’autre part, a-t-on fait remarquer, le Maroc n’a pas élaboré librement ses règles de conflit de lois. Il a dû respecter les engagements internationaux pris à cet égard, il n’appartient donc pas à la loi locale de définir l’empire des lois nationales. C’est l’état et la capacité tel que les entend chaque loi nationale qu’il faut appliquer. L’ordre international est supérieur à l’ordre local. La jurisprudence marocaine sous le protectorat était bien établie dans ce sens et ne laissait aucun doute.

Dans un arrêt de principe du 13 avril 1955, la cour de Rabat a énoncé expressément comme règle que les tribunaux du Maroc quand ils font application d’une loi étrangère, doivent qualifier selon cette même loi devenue la leur, et a décidé par suite qu’en application de la loi espagnole, dont la qualification doit seule être prise en considération, la célébration religieuse du mariage d’un ressortissant espagnol ne constitue pas une condition de forme mais une condition de fond essentielle à sa validité.

Cette solution jurisprudentielle fut approuvée par la doctrine de l’époque pour Leiris

notamment: « cette floraison des lois étrangères au Maroc n’est pas susceptible d’être

contrariée comme elle le serait dans n’importe quel pays d’Europe, par l’application de la théorie des qualifications… ici, toute disposition de statut personnel doit être appréciée suivant l’esprit du code dans lequel elle figure et non d’après l’esprit des lois françaises qui ne s’appliquent qu’aux français ou des lois traditionnelles marocaines qui ne concernent que les marocains. Casablanca interprétera comme Rotterdam l’art. du code néerlandais prohibant le testament olographe. Impossible de voir une simple manifestation de formalisme là où le législateur étranger entend édicter une règle touchant l’Etat et la capacité des personnes. ».

A l’heure actuelle, bien qu’aucune décision judiciaire n’ait pris clairement position sur la question, l’on est en droit d’admettre que la qualification lege fori doit être retenue. C’est d’ailleurs dans ce sens que deux arrêts de la cour suprême du 05 juillet 1967 et du 11 janvier 1982 ont été interprétés par la doctrine.

                   Section 3 : domaine de la loi de qualification

Le reproche que l’on adresse à la qualification lege fori serait fondé si le juge utilisant ce procédé, faisait bénéficier la loi du for d’un domaine s’étendant à l’ensemble de la

qualification. Or, il en est autrement en réalité.

D’une part, au sein même de la qualification lege fori, la référence au droit interne du for n’est pas exclusive, elle connaît des limitations.

D’autre part, le principe de la qualification lege fori connaît certaines exceptions il ne

recouvre pas toutes les qualifications.

                             Para 1 : limitation du rôle de la loi du for au sein de la qualification  lege fori

Les partisans de la qualification lege fori admettent d’une part que la loi étrangère peut avoir un rôle à jouer dans le processus même de la qualification, d’autre part que les catégories dans lesquelles l’institution doit être classée, ne sont pas nécessairement les catégories du droit interne.

                                       A- le rôle de la loi étrangère dans la qualification lege fori

Toutes les fois que le juge veut qualifier une institution étrangère, il doit nécessairement l’analyser pour en dégager les traits essentiels qui lui permettront d’en préciser la nature et de découvrir dans quelle catégorie de rattachement il convient de la ranger.

Quant il s’agit d’une institution étrangère, inconnue du droit local, une telle analyse ne peut être faite que selon la loi étrangère qui est la loi organique de l’institution. Ainsi, la quarte du conjoint pauvre ne pouvait être analysée que par référence à la loi maltaise.

Prétendre l’analyser selon la loi française aurait été à la fois un non sens et une impossibilité, puisque le droit interne français ne lui connaît aucune institution analogue. C’est pourquoi Batifole estime que la qualification comporte deux phases, une phase d’analyse et une phase de jugement.

Dans la qualification lege fori, la phase d’analyse se fait lege causae, seule la phase de

jugement est nécessairement soumise à la loi du for, pour reprendre l’exemple de la quarte du conjoint pauvre, le juge après l’avoir examiné d’après la loi maltaise et en avoir dégagé les caractéristiques essentielles, décidera lege fori si cette institution doit être intégrée dans la catégorie des régimes matrimoniaux ou à celle des successions.

L’originalité de la qualification lege fori tient donc essentiellement au fait que le juge saisi tout en prenant en considération le droit étranger pour analyser l’institution considérée n’est pas lié par la position du législateur ou du juge étranger quant à la classification dans telle ou telle catégorie. C’est ainsi que la jurisprudence française a classé la quarte du conjoint pauvre dans la catégorie successions alors même que la loi maltaise la rangeait dans la catégorie des régimes matrimoniaux.

                                      B- adaptation des catégories de droit interne

Parfois, on n’hésite pas à déformer les catégories du droit interne pour leur permettre

d’accueillir les institutions étrangères, qui ne peuvent entrer dans les catégories existantes qu’elles constituent. On cite traditionnellement en ce sens l’élargissement en DIP français de la catégorie du mariage permettant d’y faire inclure les mariages polygamiques qui existent en droit musulman.

                             Para 2 : exception au principe de la qualification lege fori

Lorsque le problème de qualification se pose dans le cadre d’un traité diplomatique, la

qualification lege fori doit dans toute la mesure du possible être écartée. En effet, si les

tribunaux des différents états signataires utilisant la thèse lege fori donnent des qualifications divergentes, cela risque de fausser l’équilibre du traité.

Pour éviter ce résultat, il faut rechercher la qualification dans l’intention commune des

négociateurs et ce dans la mesure où elle peut être découverte. Pour supprimer les risques inhérents à une éventuelle divergence de qualification, les conventions internationales récentes s’efforcent de donner elles-mêmes les qualifications essentielles.

C’est ainsi que le conflit de qualifications posé par le testament du hollandais ne pouvait plus se poser avant même l’abrogation par le code civil néerlandais de son art. 992 dans les rapports franco-néerlandais puisque la convention de La Haye du 05 octobre 1961 sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires, dispose dans son art 5 : « aux fins de la présente convention, les prescriptions limitant les formes de dispositions testamentaires admises et se rattachant à l’âge, à la nationalité ou à d’autres qualités personnelles du testateur, sont considérées comme appartenant au domaine de la forme. Il en est de même des qualités que doivent posséder les témoins requis pour la validité d’une disposition testamentaire ».

         Titre 2 : le renvoi

La question du renvoi est la deuxième difficulté dans la mise en œuvre de la règle de conflit de lois, il s’agit de la prise en considération des règles de conflit étrangères. La prise en considération des règles étrangères relatives aux conflits internationaux n’est pas nécessaire, le juge peut très bien n’appliquer que ses propres règles de conflit de lois. Mais parfois, il peut y avoir un intérêt à tenir compte des règles étrangères.

Certains systèmes juridiques l’ont prévu en instituant le système du renvoi dans lequel la règle du conflit du for et la règle du conflit étrangère jouent cumulativement.

Lorsque la loi étrangère est celle d’un état dont la législation n’est pas unifiée, la prise en considération de ses règles relatives aux conflits internes s’impose.

                   Section 1 : l’articulation de la règle de conflit du for et de la règle de conflit étrangère

Le problème du renvoi se pose après les phases de mise en cause, de choix et d’application de la règle de conflit du for. Si l’on constate alors que l’Etat étranger dont la loi est désignée par la règle de conflit donne compétence à une autre loi, on est dans l’hypothèse du renvoi. Par ex. s’agissant de déterminer la capacité d’un anglais domicilié au Maroc, la règle marocaine de conflit de lois désigne la loi nationale (la loi anglaise), mais la règle anglaise de conflit de lois retient comme critère de rattachement le domicile, et désigne donc la loi marocaine.

Les termes du problème sont les suivants, faut-il appliquer la règle matérielle anglaise parce que la règle marocaine de conflit de lois la désigne? Où faut-il tenir compte du refus opposé par la règle anglaise de conflit de lois et appliquer la règle qu’elle désigne?

On peut remarquer tout de suite que le problème ne se pose pas lorsque la règle du conflit du for et celle du pays qu’elle désigne sont identiques.

 

Alors même que la règle de conflit du for et celle du pays à laquelle elle donne compétence ne sont pas identiques, les deux critères de rattachement peuvent converger en l’espèce c’est le cas par exemple du problème posé au juge marocain d’un anglais domicilié en Angleterre. Quelle que soit la règle de conflit retenue, le résultat est le même.

                             Para 1 : les différents types de renvois

Lorsque la loi désignée par la règle marocaine de conflits de lois renvoie à la loi du for on est en présence d’un renvoi au premier degré. Lorsque la règle de conflit étrangère désigne une loi tierce, on est en présence du renvoi au second degré.

                                       A- le renvoi au premier degré

Il fut admis pour la première fois en France dans l’affaire FORGO 24 juin 1878, FORGO enfant naturel bavarois était venu très jeune résider en France où il avait toujours vécu et était décédé à Pau. Sa succession mobilière fut disputée entre ses parents les plus proches qui sont admis comme successibles par la loi bavaroise mais non par la loi française d’une part, et l’administration française des domaines d’autre part.

L’administration française des domaines avait tenu le raisonnement suivant, la règle de conflit française déclare applicable la loi du dernier domicile du défunt. Or, FORGO était domicilié en France donc la loi française s’applique et en droit français, il existe une règle qui dit que l’Etat français hérite en l’absence de parents dotés de vocation successorale. La cour d’appel de Pau lui donne raison mais sur pourvoi des collatéraux, la chambre civile casse au motif que FORGO n’avait en France qu’un domicile de fait, insusceptible de justifier la compétence de la loi française. La cour d’appel de Bordeaux désignée pour rejuger de l’affaire au fond, estime que le domicile de droit était resté en Bavière et applique la loi bavaroise, un nouveau pourvoi est soumis aux chambres réunies devant lesquelles la question du renvoi fut expressément discutée.

La cour de cassation consacre le renvoi. La loi bavaroise du domicile de droit désignée par la règle française de conflit de loi, retient comme critère de rattachement le domicile de fait situé en France, elle renvoie donc à la loi française qui s’applique.

Malgré l’hostilité très vive de la doctrine à l’époque dominante, la cour de cassation a longtemps maintenu son point de vue par la suite. Les matières où le renvoi fut le plus fréquemment admis sont les successions mobilières (ex. l’affaire Soulié requête 09 Mars 1910 la jurisprudence BENATTAR requête 07 Novembre 1933 jurisprudence DEMARCHI cassation civile 07 Mars 1938, le divorce (ex. la jurisprudence BIRCHALL requête du 10 mai 1939) et la filiation (ex. l’arrêt sommaire cassation civile 08 décembre 1953).

                                       B- le renvoi au second degré

Dans le renvoi au second degré, la règle de conflit du pays désigné par le for renvoie à une tierce loi qui accepte sa compétence. Le juge saisi doit alors l’appliquer par exemple une règle locale de conflit de lois soumet le statut personnel à la loi nationale, supposons que la partie en cause soit de nationalité anglaise donc la loi anglaise s’applique. Or, l’individu est domicilié au Danemark et comme la règle anglaise de conflit de lois soumet le statut personnel à la loi du domicile, ce sera la loi Danoise qui s’applique. Or, précisément, la règle Danoise de conflit de lois accepte le renvoi en désignant aussi la loi du domicile.

Le renvoi au second degré a plutôt été construit par la doctrine. La majorité des auteurs estime qu’il n’y a pas de raison valable d’admettre le renvoi au premier degré et d’écarter le renvoi au second degré.

Il fut admis pour la première fois par la cour d’appel d’Aix en Provence le 21 Janvier 1981 confirmé par la cour de cassation le 15 Juin 1982 en matière de forme des actes. C’est la jurisprudence MOATTY.

L’admission du renvoi au second degré s’accompagne logiquement du renvoi au 3ème degré ou énième degré, lorsque la loi tierce renvoie à une quatrième loi et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’une des lois se déclare compétente et soit appliquée.

La série ne peut pas être longue, parce que les rattachements possibles ne sont pas en nombre illimité.

                             Para 2 : du principe de l’admission ou du refus du renvoi

                                       A- les arguments hostiles au renvoi

                                                 1- le renvoi méconnaît le sens exact du jeu de la règle de conflit de lois

La loi applicable au fond est désignée par la règle du conflit du for et non pas par la règle étrangère. Lorsque le juge se trouve en présence d’un conflit de lois, il consulte sa propre règle de conflit qui lui désigne la loi applicable et qui est nécessairement une loi interne. Dès lors, il n’y a plus à consulter la règle de conflit étrangère puisque le conflit est déjà tranché. Le juge saisi n’a pas à se préoccuper d’un éventuel refus de la règle de conflit étrangère qui ne bénéficie d’aucune délégation de compétence.

Si le juge tient compte de cette règle de conflit étrangère, il aboutirait à un résultat absurde, puisqu’il aurait résolu deux fois et de façon contradictoire, le problème du conflit de lois. Admettre le renvoi reviendrait ainsi à consulter deux règles de conflit de lois et à résoudre deux fois de façon contradictoire le même conflit. Les auteurs ont rattaché cette idée à la notion de souveraineté.

Le DIP consiste à déterminer le champ d’application dans l’espace de la loi du for. Chaque pays détermine souverainement le champ d’application de ses règles de conflit sans tenir compte des règles étrangères.

C’est donc la loi du for qui détermine la loi substantielle applicable au fond. Ce serait abdiquer sa souveraineté que d’abandonner cette détermination aux soins d’une règle étrangère. Or, le renvoi entraîne un abandon de souveraineté qui est inadmissible et incompatible avec le caractère national de la règle de conflit.

                                                 2- le renvoi conduit à un cercle vicieux

Dans le renvoi au premier degré, si le juge saisi estime qu’il ne lui est pas possible d’appliquer la loi interne étrangère dans une hypothèse où la règle de conflit étrangère ne la considère pas comme compétente, il lui substitue sa loi interne locale. Mais en faisant ainsi, il applique sa loi interne locale dans une hypothèse où la règle de conflit locale ne la considère pas comme applicable.

Si l’on pose comme principe, qu’une loi interne ne peut régir une situation donnée qu’avec l’accord de sa propre règle de conflit, cela doit être vrai aussi bien pour  la loi locale que pour la loi étrangère, d’où le cercle vicieux qu’il n’y a pas de raison de rompre au profit de la loi étrangère plutôt qu’au profit de la loi locale.

                                                 3- dans le renvoi au second, au troisième ou au quatrième degré

La loi étrangère peut renvoyer la compétence non à la Lex fori, mais à une tierce loi laquelle à son tour peut renvoyer à une autre loi et ainsi de suite. Dès lors qu’aucune loi ne peut s’appliquer sans l’ordre de sa règle de conflit, chacune renvoie la balle. C’est ce que l’on appelle le jeu du tennis international.

Le renvoi et c’est là l’objection du cercle vicieux, conduit comme dans un match de tennis où les deux adversaires se renvoient indéfiniment la balle, à laisser le règlement du conflit en suspens.

                                                  4- le renvoi est inutile

On avance que le renvoi a pour but d’harmoniser les différents systèmes juridiques du monde. Or, il n’aboutit pas toujours à ce résultat c’est ce qui résulte de l’exemple suivant. Ex. la succession mobilière d’un français décédé au Maroc, on recherchera la solution en supposant d’abord que les deux systèmes rejettent le renvoi puis en supposant que les deux l’admettent.

                                                           a- première hypothèse : les deux systèmes de DIP ignorent le renvoi

Le juge marocain s’il est saisi applique la loi interne française puisque d’après la règle de conflit marocaine, les successions mobilières relèvent de la loi nationale. Le juge français s’il est saisi applique la loi interne marocaine puisque d’après la règle française de conflit de lois, les successions mobilières relèvent de la loi du dernier domicile du défunt.

                                                           b- deuxième hypothèse : les deux systèmes de DIP admettent le renvoi

Le juge marocain prenant en considération le refus de la règle de conflit française, applique la loi interne marocaine par renvoi de la loi française. Le juge français prenant en considération le refus de la règle de conflit marocaine, applique la loi interne française par renvoi de la règle marocaine.

Il apparaît ainsi que si l’on exclut le renvoi, le tribunal marocain applique la loi française et le tribunal français applique la loi marocaine, et que si l’on admet le renvoi, le tribunal marocain applique la loi marocaine et le tribunal français admet la loi française. Il n’y a donc pas plus d’harmonie de solution avec le renvoi qu’en l’absence de renvoi.

L’inutilité du renvoi apparaît également dans le renvoi au second degré, par exemple s’agissant du statut personnel d’un anglais domicilié en France, la règle marocaine de conflit de lois désigne la loi anglaise laquelle renvoie à la loi française laquelle à son tour renvoie à la loi anglaise de la nationalité.

Le mécanisme du renvoi au second degré se trouve de la sorte bloqué et ne présente plus aucune utilité, le juge marocain étant enfermé dans une cercle vicieux avec cette difficulté supplémentaire que ce sont deux règles de conflit de lois étrangères qui se renvoient la balle. (En l’occurrence loi anglaise et française).

                                       B- les arguments en faveur du renvoi

Plutôt que de souligner les avantages du renvoi, les partisans de ce système répondent aux arguments avancés par les adversaires.

                                                 a- l’argument selon lequel lorsque la règle du conflit du for désigne une loi étrangère, elle vise la loi substantielle la loi interne à l’exclusion de la règle de conflit, méconnaît le lien étroit qui existe entre l’une et l’autre.

Chaque système juridique constitue un tout et il peut paraître choquant qu’une loi étrangère vienne distinguer entre ses règles. Une loi interne ne s’applique que sur l’ordre de sa propre règle de conflit, et non sur l’ordre d’une règle de conflit étrangère.

Rien ne justifie l’application d’une loi interne étrangère que sa règle de conflit déclare incompétente.

L’argument tenant à la souveraineté de la règle du conflit du for est également valable pour la règle de conflit étrangère. Si la souveraineté du for n’a pas à abdiquer devant le refus de la loi étrangère, la réciproque est vraie, il n’y a pas lieu de forcer la souveraineté étrangère.

De toutes les façons, il ne s’agit pas d’un abandon de souveraineté, puisque le renvoi est effectué sur l’ordre du législateur local. La règle de conflit étrangère n’entre en jeu que parce qu’elle a été sollicitée par le DIP du for.

                                                 b- quant à l’objection du cercle vicieux, il ne s’agit que d’une construction théorique. En effet, le renvoi fonctionne très bien dans les systèmes de DIP qui l’admettent. Dans son mécanisme, on trouve le plus souvent une loi qui accepte sa compétence. L’obstacle du cercle vicieux n’est pas très sérieux puisque le conflit peut toujours être résolu par application de la lex fori qui a une vocation générale subsidiaire.

                                                 c- quant à l’argument de l’utilité, la doctrine favorable au renvoi, cite un certain nombre de cas dans lesquels il assure de manière efficace l’harmonie des solutions, notamment dans les systèmes qui pratiquent le renvoi et ceux qui le rejettent. Par ex. un français meurt au Maroc où il est domicilié, laissant une fortune mobilière. Le DIP marocain soumet les successions mobilières à la loi nationale du de cujus. En outre, il ignore le système du renvoi.

Aussi, le juge marocain s’il est saisi, règlera la succession par référence à la loi française. Si le juge français est saisi de l’affaire et ne fait pas jouer le renvoi, il appliquera la loi interne marocaine, la loi du dernier domicile du de cujus désignée par la règle française de conflit de lois.

Si au contraire il admet le renvoi, il soumettra la succession à la loi interne française par renvoi de la règle marocaine de conflit de lois. Dans ce cas, l’application du renvoi par le juge français permettra d’assurer l’harmonie des solutions.

                                                 d- les partisans du renvoi avancent un dernier argument qui n’est pas cette fois ci une réponse aux objections soulevées par les adversaires, mais un argument qui ne concerne que le renvoi au premier degré. Le jeu du renvoi conduit le juge à appliquer la loi du for au lieu d’une loi étrangère ce qui lui facilite la tache et lui évite tout risque de mauvaise interprétation de la loi étrangère.

                             Para 3 : les justifications doctrinales du renvoi

                                       A- le renvoi délégation

L’explication la plus ancienne et la plus simple du renvoi considère que le législateur du for délègue au législateur étranger le pouvoir de désigner la loi substantielle applicable. Tel que présenté, le renvoi semble plutôt remettre en cause un principe fondamental du DIP, celui de l’application nécessaire par le juge de sa propre règle de conflit de lois. On a dit notamment que l’Etat du tribunal saisi abdiquerait sa souveraineté s’il permettait à un autre Etat d’élargir les limites de la compétence de la lex fori.

                                       B- le renvoi règlement subsidiaire

Cette analyse est due à Le Rebours Pigeonnière, son point de départ est l’idée qu’il est tout à fait erroné de proroger la compétence d’une loi étrangère au-delà de ce qu’elle décide elle-même. Si donc la règle locale de conflit de lois désigne une loi qui ne se reconnaît pas compétence, il faut en rechercher une autre. Mais cette autre loi c’est encore le DIP du for qui la désigne parce que le juge du tribunal saisi ne peut suivre que son propre système de conflit de lois. Il existerait ainsi une seconde règle de conflit de lois qui serait porteuse d’un rattachement subsidiaire, auquel le juge saisi recourt si la première tentative s’est heurtée à un refus.

Pour ne pas encourir les mêmes critiques faites à la théorie du renvoi délégation, on ne retient donc de la règle de conflit étrangère prise en considération, que son refus de compétence et non la désignation positive qu’elle fait d’une règle substantielle.

                                       C- le renvoi coordination

La conception la plus répandue aujourd’hui consiste à dire que c’est bien à la règle de conflit étrangère que l’on emprunte le critère de rattachement mais on ne revient pas pour autant au renvoi délégation, parce qu’on met l’accent sur le fait que l’on abandonne pas la règle locale de conflit de lois, au profit de la règle étrangère.

Batifole dit dans son traité « la règle étrangère n’entre pas en jeu par miracle mais par la désignation de la règle locale de conflit de lois. Il y a donc coordination des deux règles. ».

                             Para 4 : mise en œuvre du principe du renvoi

                                       A- domaine d’application du renvoi

Toute règle de DIP faisant dépendre le choix de la loi de la volonté des parties ou édictant des règles, des rattachements alternatifs exclut nécessairement le renvoi. Le renvoi est exclu en matière contractuelle. En effet, puisque les parties se sont inspirées de la teneur substantielle de la loi élue et que l’on veut respecter leur choix, il serait absurde d’appliquer la loi désignée sur renvoi de la règle de conflit du pays choisi à laquelle elles n’ont évidemment pas songé.

Ex. dans l’affaire Goutherz (cassation civile 1er février 1972) où un français et un russe s’étaient mariés en Russie et y avaient établi leur premier domicile conjugal, la cour de cassation a approuvé la cour d’appel d’avoir jugé que les époux n’avaient pu se référer qu’à la loi interne russe à l’exclusion des règles de conflit russes dont il n’est pas raisonnable de penser qu’ils aient soupçonné l’existence.

                                       B- détermination de la loi applicable lorsque le renvoi est refusé

Dans le renvoi au second degré, toutes les lois peuvent se déclarer incompétentes ce qui donne naissance à un cercle vicieux. Plusieurs solutions ont été proposées :

Première solution, on peut constatant le refus d’application des deux lois étrangères revenir à la lex fori.

Seconde solution proposée, on peut aussi forcer l’application de la loi tierce.

Troisième solution proposée, mais l’issue logique dans le cadre du renvoi coordination est l’application de la loi désignée par la règle de conflit du for. En effet, le renvoi n’est qu’une exception au jeu normal de la règle de conflit de loi. Si les conditions de cette exception ne sont pas réunies, il faut revenir à l’application normale du principe.

En plus, cette solution conduit à la désignation d’une loi ayant un lien plus étroit avec la situation considérée. D’autre part, au plan de l’harmonisation, elle est meilleure parce qu’à défaut de les concilier toutes, ce qui est impossible, elle aboutit à la désignation d’une loi dont la compétence est admise par les règles de conflit de deux des trois pays intéressés.

                   Section 2 : l’articulation de la règle de conflit du for et la règle de conflit étrangère relatives au conflit interne

Il s’agit de l’hypothèse où la règle de conflit du juge saisi désigne un système pluri législatif étranger. Le problème consiste à déterminer parmi les ordres juridiques co-existants dans le système, celui où se trouve la règle substantielle applicable. Deux points de vues extrêmes s’opposent en doctrine, la coordination de la règle de conflit du for et de la règle étrangère relatives au conflit interne d’une part, l’application de la règle de conflit du for d’autre part.

Le premier système traditionnel est le plus largement adopté. Il part de l’idée que la règle de conflit puise son rôle en désignant un Etat. La détermination de la loi substantielle émanée de cet Etat qui doit être ensuite appliquée est abandonnée aux règles spéciales relatives aux conflits internes en vigueur dans le système désigné. Par exemple, une règle locale désigne la Grande Bretagne globalement. Le critère britannique de rattachement permet ensuite de choisir entre les règles anglaises, écossaises et irlandaises.

L’anglais domicilié en Ecosse voit ainsi son statut personnel soumis à la loi écossaise par coordination du critère local et du critère britannique.

Deuxième solution proposée, l’auteur italien AGO est le principal défenseur du système opposé. Selon ce système, les conflits internes sont exactement de même nature que les conflits internationaux. L’application du droit étranger des conflits internes ne s’impose donc pas plus au juge saisi que celle du droit étranger des conflits internationaux. Et AGO adversaire du renvoi, n’admet pas cette dernière application.

                   Section 3 : le renvoi en DIP marocain

Au Maroc, le principe est que la théorie du renvoi n’est pas admise il a cependant été consacré par certaines décisions notamment par le tribunal de Casa dans un jugement du 11 décembre 1935 à l’occasion d’un procès en divorce intéressant des ressortissants anglais : « la seule cause de divorce reconnue par la loi anglaise est l’adultère, mais la jurisprudence anglaise admettant le renvoi à la loi du domicile, est encore valable le divorce prononcé par l’un des motifs reconnus par la loi territoriale même si ce motif n’est pas suffisant pour justifier un divorce en angleterre. La loi française joue au Maroc, pour les étrangers le rôle de la loi locale par suite, le divorce d’une anglaise au Maroc peut être prononcé pour un motif prévu par la loi française. ».

Il est évident que cette décision d’inspiration française ne peut être approuvée. A plus d’un titre, elle doit être critiquée. D’abord, contrairement à ce que prétend le jugement, la loi française n’a jamais été au Maroc la loi locale. La loi française a toujours été une loi étrangère au même titre que toute autre loi étrangère.

De plus, prétendaient certains auteurs, pour deux raisons au moins, le système du renvoi ne peut être admis au Maroc. La première raison, d’une part les principes du DIP Marocain s’opposent à l’application de cette théorie.

Ménard écrivait notamment : « les tribunaux français du Maroc sont les héritiers des juridictions consulaires supprimées dont il continue dans toute la mesure compatible avec la nouvelle organisation judiciaire, l’esprit et la tradition. Et comment remplir autrement cette obligation, qu’en tachant aussi souvent que possible de faire bénéficier l’étranger de la même loi qu’il aurait communément trouvé à la barre de son tribunal consulaire, c’est à dire de sa loi nationale interne, la loi de conflit prise en considération pour le renvoi, pouvant au contraire suivant les cas, le reporter à une loi étrangère ».

D’autre part, en cas de renvoi retour, aucune loi ne peut jouer au Maroc le rôle de loi locale applicable.

Les deux raisons qui ont été avancées pour rejeter le système de renvoi en droit marocain nous paraissent devoir être réfutées à l’heure actuelle.

Depuis l’accession du Maroc à l’indépendance, rien ne justifie que l’on cherche encore aujourd’hui à respecter de façon absolue le statut personnel des étrangers, les conditions sociopolitiques ayant considérablement évolué depuis le protectorat.

En ce qui concerne la prétendue absence de lex fori au Maroc, elle ne saurait non plus être retenue. Pourquoi en cas de renvoi au premier degré, ne pas reconnaître au nouveau code marocain de la famille le rôle de lex fori.

Il faut toutefois noter que si le système du renvoi devait être admis au Maroc, ce serait pour ses avantages et non pas par esprit de vengeance sur le passé comme l’a préconisé une partie de la doctrine marocaine.

Depuis l’accession du Maroc à l’indépendance, aucun texte législatif ne l’a consacré ou rejeté et la jurisprudence ne s’est pas encore prononcée. Pour terminer, notons qu’en règle générale, les conventions internationales relatives aux conflits de lois excluent le renvoi en précisant que le critère de choix adopté désigne la loi interne.

Ce sont les conventions récemment élaborées par la conférence de La Haye qui le précise. C’est aussi la solution consacrée par la convention franco-marocaine du 10  août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et la coopération judiciaire qui dispose dans son art 3 :  « la référence à la loi des deux Etats s’entend de la loi interne de cet Etat, à l’exclusion du système international de conflit de lois qui peut y être en vigueur ». (B.O 3910 du 07/10/1987 page 300).

         Chapitre 3 : l’ordre public

L’ordre public est une exception classique à l’application de la loi normalement compétente, c’est un élément perturbateur dans les solutions de conflit de lois puisqu’il fait échec de manière imprévue au jeu de la règle de conflit de lois.

                   Section 1 : la notion de l’ordre public en DIP

Il arrive que la loi étrangère désignée par la règle de conflit contienne des dispositions qui heurtent les conceptions sociales ou juridiques du fond saisi à tel point que le juge saisi se refuse à les appliquer. On dit qu’il écarte la loi étrangère compétente parce qu’elle est contraire à l’ordre public.

En effet, s’il est normal d’accepter l’application de lois étrangères dans le territoire du tribunal saisi, il existe toutefois des limites au-delà desquelles l’exception d’ordre public évince la loi étrangère. Ainsi, dans un pays à système juridique monogamique par exemple, un marocain ne sera pas admis à contracter un mariage polygamique bien que le statut personnel marocain le lui permette.

Le raisonnement du juge se présente donc comme suit, il détermine la loi compétente par application de la règle de conflit, il constate alors que l’application de cette loi supposée étrangère est contraire à l’ordre public, il évince en conséquence cette loi étrangère et lui substitue la loi du for.

                             Para 1 : distinction de l’ordre public et de certaines notions voisines

                                       A- distinction entre ordre public interne et ordre public international

L’origine de la confusion que l’on fait souvent entre ces deux notions vient de la pauvreté du vocabulaire juridique, il n’existe pas une terminologie spécifique au DIP en ce domaine. L’ordre public international et l’ordre public interne diffèrent nettement par leurs conséquences.

L’ordre public interne confère aux dispositions internes qui servent ses buts, le caractère de règles impératives, elles sont applicables sans égards à la volonté des personnes intéressées. Une loi est dite d’ordre public quand les particuliers ne peuvent déroger par convention à ses dispositions.

L’ordre public international au contraire, s’oppose à l’application de dispositions étrangères, on l’appelle ordre public d’éviction.

La distinction entre les deux notions est beaucoup plus difficile à faire lorsqu’il s’agit de considérer leur contenu. En effet, on découvre à la base de l’un et de l’autre, des conceptions, des rapports sociaux qui ont la valeur de modèle essentiel et l’on constate que la jurisprudence s’efforce d’en imposer le respect dans les relations internes comme dans les relations internationales.

Ainsi, le domaine de l’ordre public au sens du DIP ne coïncide pas avec le domaine de l’ordre public au sens du droit interne. C’est ainsi que les règles impératives d’un droit interne du for ne sont pas nécessairement applicables aux relations qui intéressent le DIP par ex. en matière de responsabilité civile, la cour de cassation française a décidé dans son arrêt Kieger du 30/05/1967 que : « la non reconnaissance d’un droit à une indemnité pour préjudice moral si elle n’est pas conforme aux règles impératives du droit de la responsabilité extracontractuelle ne saurait en revanche être considérée comme étant en contradiction avec l’ordre public au sens du DIP. ».

Mais la coïncidence entre les deux notions est possible. En effet, l’ordre public international fixe les bornes de la tolérance du système juridique du for envers les institutions étrangères par conséquent, les conceptions qui importent le plus au regard du for sont communes aux deux ordres, il en résulte que tous les principes qui fondent l’ordre public interne ne se retrouvent pas à la base de l’ordre public international.

Mais les différentes conceptions qui fondent l’ordre public international du for prolongent celles qui fondent l’ordre public interne. Les deux notions coïncident donc toutes les fois qu’est opposée l’exception d’ordre public international. Il en résulte que les règles de droit interne du for substituées aux dispositions étrangères écartées par l’exception d’ordre public sont des règles impératives.

Il est à remarquer que si une loi est facultative en droit interne, elle ne saurait être d’ordre public en droit international. La notion d’ordre public n’a donc pas les mêmes contours en droit interne et en DIP.

Si, en effet toute loi d’ordre public en droit interne ne peut être considérée comme étant d’ordre public international, la réciproque n’est pas vraie parce qu’on voit mal comment une disposition ne présentant en droit interne qu’un caractère supplétif, pourrait être d’ordre public en DIP.

Quand on considère un principe comme fondamental, le premier souci du législateur ou de la jurisprudence doit être en effet de le traduire en droit interne en une loi impérative.

                                       B- ordre public et notion de loi de police ou loi d’application immédiate

L’une et l’autre de ces deux notions interviennent à des stades différents du raisonnement conflictuel. La loi de police est utilisée comme un préliminaire, elle doit être prise en considération à l’origine même du raisonnement conflictuel. Le juge constate notamment que : « les intérêts sociaux en cause sont si importants que la lex fori doit s’appliquer selon ses propres dispositions » ce qui a pour effet d’éviter tout conflit de loi en excluant la désignation d’une loi étrangère.

L’ordre public intervient au contraire au terme du raisonnement conflictuel, la règle de conflit de loi donne normalement compétence à une loi étrangère. Malgré cette désignation, le juge ne se décide à écarter la loi étrangère par le jeu de l’exception d’ordre public que parce que les prescriptions concrètes de cette loi étrangère sont jugées inadmissibles.

                             Para 2 : l’ordre public en DIP est une notion spécifique

                                       A- définition

On s’accorde généralement à définir l’ordre public comme un correctif exceptionnel permettant d’écarter la loi étrangère normalement compétente, lorsque cette dernière contient des dispositions dont l’application est jugée inadmissible par le tribunal saisi. Quelques remarques s’imposent.

– l’ordre public est un correctif exceptionnel au règlement des conflits de lois.

– la définition que l’on a ainsi donnée de l’ordre public permet de situer cet ordre public par rapport au renvoi. Certes l’un et l’autre voient leur intervention, provoquée par un défaut de communauté entre les systèmes juridiques, notamment celui du for et celui désigné par la règle de conflit de lois.

Mais alors que le renvoi a son origine dans le défaut de communauté, entre les différentes règles de conflit, l’exception d’ordre public a sa source dans un défaut de communauté entre les différents droits internes.

– on réserve la qualification d’ordre public aux situations dans lesquelles des différences d’ordre moral, social, politique ou économique rendent la loi étrangère non pas matériellement inapplicable mais inadmissible.

                                       B- quelques exemples

Dans lesquels l’exception d’ordre publique est utilisée pour évincer l’application de la loi étrangère abonde surtout en matière de statut personnel ce qui ne veut pas dire toutefois que l’exception d’ordre publique ne concerne que cette matière.

                                                 1- en matière de statut personnel

Tout d’abord, le mariage donne à la théorie de l’ordre public plusieurs occasions d’intervenir par exemple au nom du principe de la monogamie sur lequel repose l’organisation de la famille dans la civilisation chrétienne, certains droits notamment les droits occidentaux, écartent les lois étrangères qui admettent la polygamie en vertu de l’ordre public.

Ces mêmes droits occidentaux refusent de faire application des lois étrangères qui connaissent des empêchements au mariage fondées sur des distinctions de race ou de religion parce que ces droits occidentaux considèrent que de telles prohibitions sont contraires à la liberté individuelle.

                                                 2- en matière de statut réel

Tout en admettant qu’un Etat étranger puisse exproprier les biens ou nationaliser les entreprises situées sur son territoire, la jurisprudence française comme d’ailleurs l’ensemble des droits occidentaux, condamne comme contraire à l’ordre public, toute expropriation ou nationalisation dans laquelle le transfert des biens à l’Etat n’a pas pour contrepartie une indemnité.

                                                 3- en matière extra contractuelle

Les juges du fond ont écarté dans l’affaire Kieger (Paris 02/10/1963) la loi allemande du lieu de l’accident de circulation routière au nom de l’ordre public, au motif qu’elle n’admettait pas la réparation du préjudice moral. Leur décision a été censurée par la cour de cassation, qui a estimé que le refus de réparer le préjudice moral ne pouvait être considéré comme portant atteinte à un principe fondamental du droit français.

                                       C- domaine et fondement de l’ordre public

De ces quelques exemples ont peut tirer les conclusions suivantes :

                                                 1- l’éventail des matières au sein desquelles l’exception d’ordre public est susceptible de jouer est très large. L’ordre public se rencontre dans tous les domaines. S’il se rencontre fréquemment en matière de statut personnel, c’est parce que les lois interactives y prolifèrent davantage et que le droit de la famille repose essentiellement sur des conceptions morales et religieuses.

Cela ne veut certainement pas dire que son application n’est pas fréquente dans les autres domaines. Cela revient à dire qu’il n’existe pas à proprement parler de matières d’ordre public mais que chaque matière comprend des dispositions d’ordre public.

Cette première constatation interdit donc toute délimitation de l’ordre public en fonction de la matière qui fait l’objet du litige.

                                                 2- la deuxième conclusion que l’on a pu tirer des quelques exemples étudiés c’est que l’ordre public suppose un défaut de communauté juridique entre la loi étrangère normalement compétente et la lex fori.

                                                 3- sur la base de cette constatation, certains auteurs ont dégagé quelques règles générales permettant de délimiter les contenus de l’ordre public en DIP.

                                                           a- Pour Le Rebours Pigeonnière, l’exception d’ordre public réagit notamment contre l’application des lois étrangères qui méconnaîtraient les principes de droit public ou privé communs aux nations civilisées que certains qualifient de principes internationaux.

Par conséquent, estimait cet auteur, il appartient au juge français de déclarer inapplicable en France, toutes les institutions relevant d’une autre civilisation qui pourraient dénaturer cette civilisation française.

L’auteur ajoute par ailleurs que l’exception d’ordre public apparaît comme un instrument de protection de la vie interne et de l’ordre juridique interne dans le cadre desquels interviennent la vie internationale et l’ordre juridique international contre les inconvénients de l’intrusion des lois étrangères lorsque les intérêts vitaux du for pourraient être compromis.

                                                           b- Batifole quant à lui, après avoir constaté que l’ordre public réagit contre le défaut de communauté juridique, souligne que les tribunaux saisis ont rejetés des lois étrangères qui paraissaient inconciliables avec une certaine politique législative.

Ces deux analyses (a- et b-) rendent compte de la dualité de fondement de l’ordre public en DIP. Parfois, il est utilisé pour assurer le respect des principes communs aux nations civilisées, parfois aussi il est justifié par les impératifs nationaux en particulier dans le domaine économique.

Ces quelques règles générales ne sont d’ailleurs que des directives données au juge auquel il appartient dans chaque cas de rechercher si l’application d’une  disposition donnée d’une loi étrangère est contraire soit aux principes du droit naturel, soit aux impératifs de la politique législative de son pays. De cela, il résulte une certaine imprévisibilité et un certain subjectivisme de la part des juges saisis.

La cour de cassation française n’a pas hésité à affirmer dans un arrêt de 1944 que : « la définition de l’ordre public national dépend dans une large mesure de l’opinion qui prévaut à chaque moment en France ».

L’ordre public qu’apprécie au moment du litige. En cas de modification du contenu de l’ordre public, le juge doit tenir compte de son état actuel. C’est le principe de l’actualité de l’ordre public. Par exemple, dans un premier temps, la jurisprudence française refusait de reconnaître les nationalisations étrangères qui n’étaient pas assorties d’une indemnité juste et préalablement versée.

Elle est aujourd’hui beaucoup plus accueillante pour les nationalisations étrangères. Elle se contente d’une indemnité équitable préalablement fixée (cassation civile 1ère 23 Avril 1969) et même d’une indemnité simplement prévue dont les modalités restaient à fixer. (Cassation civile 1ère 01.07.1981).

L’ordre public est donc une arme aux mains du juge saisi, « on sait à quoi il sert on ne sait pas toujours ce qu’il contient » (que l’ordre public n’a pas de contenu prédéterminé).

Une différence caractérise le jeu de l’ordre public et celui d’une règle ordinaire de rattachement. Si une règle de rattachement a changé entre les faits litigieux et le procès, le juge devra éventuellement appliquer celle qui était en vigueur à l’époque des faits en question. Au contraire, l’ordre public s’apprécie au moment du procès.

Les conditions de validité d’un acte soumises à une loi étrangère, ne pourront être réputées contraires à l’ordre public si postérieurement à l’acte, la lex fori a été modifiée et se trouve semblable à la loi étrangère. Inversement, la modification de la lex fori peut rendre contraire à l’ordre public, une loi étrangère qui lui était conforme au moment des faits.

                   Section 2 : les effets de l’exception d’ordre public

                             Para 1 : l’effet de substitution

L’ordre public au sens du DIP est souvent dénommé ordre public d’éviction, cela voulant dire que l’effet essentiel de l’ordre public est d’évincer la loi étrangère normalement compétente.

Ce principe d’éviction que l’on appelle également effet négatif de l’ordre public n’est pas contesté mais la loi étrangère étant écartée, l’obligation subsiste pour le juge de statuer en se référant à une règle juridique.

Il faut donc pour cela trouver un substitut à la disposition de la loi étrangère dont l’éviction  a été décidée. C’est le problème de l’effet de substitution de l’effet positif de l’ordre public.

Si le principe même de l’effet de substitution de la lex fori à la loi étrangère normalement compétente n’est pas contesté, on s’est posé au contraire la question de savoir quelle est l’étendue exacte de cette substitution. Deux solutions extrêmes ont été proposées, la jurisprudence française hésite entre ces deux solutions et n’est donc pas clairement établie.

Par exemple le 17.11.1964 la cour de cassation décide que la loi successorale coranique n’est contraire à l’ordre public que dans la mesure où elle frappe les non musulmans d’incapacité. L’héritier non musulman retrouvant sa vocation héréditaire par le jeu de l’exception d’ordre public, le droit musulman demeurant compétent pour déterminer les parts héréditaires des différents ayants-droits.

Dans une autre espèce, la cour de cassation a étendu l’effet de substitution à l’ensemble de la loi étrangère. Ayant à statuer sur le point de savoir si le passif des entreprises françaises nationalisées par l’Etat algérien avait été transféré à l’Etat algérien ou était resté à la charge du débiteur originaire en l’occurrence le rapatrié français. La cour de cassation a considéré que la nationalisation étant intervenue sans indemnisation équitable préalablement fixée, était dépourvue de tout effet en France et n’avait donc pu transférer le passif à l’Etat algérien.

La cour de cassation a, dans cette espèce, indistinctement étendu les conséquences de l’ordre public à l’ensemble des problèmes posés par la question de la nationalisation. (Cassation civile 23.04.1969).

                             Para 2 : l’effet atténué de l’ordre public

L’exception d’ordre public n’a pas la même intensité selon qu’il s’agit de l’acquisition des droits dans le for saisi ou qu’il s’agit de l’effet dans ce for saisi, des droits acquis à l’étranger. L’ordre public peut ne pas s’opposer à l’effet dans le for saisi des droits acquis à l’étranger, alors qu’il s’opposerait à leur acquisition dans ce for saisi. Par exemple, un étranger musulman ne peut valablement contracter un second mariage en France, si son premier mariage n’est pas dissout, et cela bien que son statut personnel admette la polygamie. Mais l’ordre public ne joue plus si le problème de la polygamie se pose sur le terrain des droits acquis.

Ainsi, à propos de mariage polygamique, la cour de cassation française a admis que la seconde épouse d’un tunisien, dont le mariage avait été célébré en Tunisie, invoque sa qualité d’épouse légitime en France et y réclame à ce titre une pension alimentaire. (Cassation civile 1ère 28.01.1958 affaire Chémouni. Jurisprudence rivière cassation civile 17.04.1953, jurisprudence Bâ Aziz cassation civile première 17.02.1982, jurisprudence Robhi cassation civile 03.11.1983, Bairouk paris 06.07.1982, jurisprudence Kaci Paris 08.11.1983).

La jurisprudence est donc bien établie dans ce sens et la formule de l’arrêt de principe Bulkley (cassation civile 28.02.1860) est nette et souvent reprise par les différentes juridictions : « la réaction à l’encontre d’une disposition contraire à l’ordre publique n’est pas la même suivant qu’elle met obstacle à l’acquisition d’un droit en France, ou suivant qu’il s’agit de laisser produire en France, les effets d’un droit acquis sans fraude à l’étranger. ».

Mais concernant la question des répudiations, il semble que la jurisprudence française ait opéré un important revirement. En effet, dans une série d’arrêts rendus le 17.02.2004, la chambre civile de la cour de cassation précise que la répudiation est contraire au principe d’égalité des époux reconnu par la convention européenne des droits de l’homme (1984) « dès lors que les deux époux étaient domiciliés sur le territoire français ou dès lors que la femme sinon même les deux époux, étaient domiciliés sur le territoire français ».

                             Para 3 : l’effet réflexe de l’ordre public

On admet généralement que le juge du for saisi n’a pas à tenir compte de l’ordre public étranger. Les auteurs se sont demandés si cette règle ne devait pas souffrir d’une exception. Sur la réponse, la doctrine est restée divisée.

Une partie de cette doctrine a posé comme principe que le for saisi ne doit en aucun cas tenir compte de l’ordre public étranger. La tendance doctrinale moderne est plus libérale, en cas de divergence entre l’ordre public étranger et l’ordre public local, il y a lieu de conserver la même position rigoureuse et de ne pas tenir compte donc de cet ordre public étranger.

En cas de convergence entre l’ordre public étranger et l’ordre public local, il faut en tenir compte. Par exemple, l’officier de l’Etat civil Belge a célébré un mariage malgré une prohibition de la loi personnelle des deux époux polonais, fondée sur leur appartenance à des confessions différentes.

Cette disposition est en effet contraire à l’ordre public belge comme elle est contraire à l’ordre public français. L’ordre public français comme l’ordre public belge s’opposent tous deux à toute discrimination d’ordre racial ou religieux.

Dans ce cas, refuser tout effet au mariage contracté par ces polonais, reviendrait à reprocher aux autorités belges ce que les autorités françaises auraient fait dans des circonstances identiques, à savoir écarter la loi normalement compétente au nom de l’ordre public. C’est ce que Pillet appelle l’effet réflexe de l’ordre public.

                   Section 3 : l’ordre public en DIP marocain

En ce qui concerne les domaines des contrats et de l’exequatur cette notion d’ordre public a trouvé plusieurs applications au Maroc. Pour ce qui est du statut personnel, certains auteurs ont estimé que cette notion n’avait absolument aucun rôle à jouer au Maroc.

L’ordre public dit international présentait au Maroc un aspect assez particulier, on a avancé que l’effet normal de l’exception d’ordre public est la substitution de la lex fori à la loi étrangère normalement compétente. Or, certains auteurs ont prétendu que cet effet ne pouvant avoir lieu au Maroc, puisqu’il n’existe pas dit-on de véritable loi locale marocaine en matière de statut personnel, les règles de statut personnel régissant les marocains étant diverses.

De cela, on en a déduit que l’effet d’exception d’ordre public au Maroc est un effet négatif ne pouvant de ce fait substituer la lex fori à une disposition du droit étranger normalement compétente.

Dans le domaine de statut personnel, la jurisprudence marocaine n’a énoncé aucun principe général comme élément de base possible de la notion de l’ordre public international. Dans le domaine des conventions, elle a mentionné les bonnes mœurs et la sûreté de l’Etat, et à propos l’exequatur, elle a simplement cité sans les préciser davantage, les fondements politiques, législatifs et sociaux de la civilisation marocaine.

Par exemple, le tribunal de Casablanca dans un jugement du 14.05.1928 a méconnu la loi hellénique régulièrement compétente pour régir le mariage d’un ressortissant grec, en faisant état de l’ordre public. « Il serait contraire à l’ordre public que deux personnes ne puissent contracter mariage au Maroc si tout ministre du culte qu’elle professe fait défaut au lieu de célébration ».

Dans un jugement du 25.03.1927, le même tribunal de Casablanca dans une instance en divorce entre deux citoyens de l’ U.R.S.S, a rejeté comme contraire à l’ordre public, le moyen tiré par la conjointe de son seul désir de divorcer.

Quoi qu’il en soit, très peu de décisions judiciaires ont écarté du moins en matière d’état et de capacité des personnes, la loi nationale étrangère normalement compétente au motif que l’ordre public dit international marocain s’y opposait. Les tribunaux marocains, ont au contraire essayé par tout moyen de respecter dans son intégralité le statut personnel des étrangers.

La solution se justifiait par l’idée que les règles marocaines de conflit de lois trouvaient leur véritable fondement dans le droit conventionnel international. De ce fait, la notion d’ordre public au Maroc porterait atteinte aux règles fondamentales des conflits de lois. C’est pourquoi son application ne devait être que très exceptionnelle.

Depuis l’accession du Maroc à l’indépendance, les juridictions marocaines ont de plus en plus tendance à y recourir, c’est ainsi que la cour d’appel de Rabat dans son arrêt du 10.02.1960 décidait « attendu que l’Etat marocain est une monarchie théocratique dans laquelle le souverain, lieutenant du prophète est à la fois Roi temporel et chef spirituel de la communauté musulmane, que l’Etat marocain est marocain non seulement du fait qu’il pratique la religion musulmane mais parce qu’il s’identifie avec le corps même de l’islam qui forme sa raison d’être, qu’il s’en suit qu’au Maroc, en raison de l’identification complète de la communauté politique avec la doctrine dont il tire sa substance, toute atteinte à la religion musulmane est en même temps portée contre l’ordre public marocain ».

Par ailleurs, à la lecture du code portant réforme de l’organisation judiciaire de 1974, on remarque que plusieurs procédures de statut personnel réglementées dans l’ancien code, n’ont pas été reprises par le nouveau : séparation de corps, adoption, reconnaissance judiciaire de paternité naturelle. Ce sont donc des procédures qui correspondent à des institutions inconnues du droit interne marocain et donc pour cette raison, la mise en œuvre judiciaire n’a pas été prévue dans le nouveau code.

Le fait que ces différentes institutions inconnues du système juridique marocain aient été prévues par l’ancien code de procédure civile s’explique le législateur de l’époque voulait offrir aux étrangers plaidant au Maroc un certain nombre de procédures correspondant à leurs institutions familiales les plus couramment utilisées.

Il est normal que le législateur du Maroc indépendant n’ait prévu aucune règle de procédure relative à ces diverses institutions. On s’est posé alors la question de savoir si l’adoption et surtout la filiation naturelle pouvaient soulever le problème de l’exception d’ordre public.

Deprez a affirmé que c’est bien la notion d’ordre public moral et politique qui pourrait s’opposer à la mise en œuvre devant un tribunal marocain, d’action en justice relative à la filiation naturelle, spécialement à la paternité naturelle, parce que de toutes les institutions familiales inconnues du droit marocain, la filiation naturelle est certainement la plus incompatible avec les conceptions fondamentales du for.

Pour Decroux au contraire l’ordre public d’inspiration musulmane est inopposable à l’occasion des conflits de lois à des étrangers non musulmans, les interdits de l’islam ne pouvant être invoqués qu’à l’encontre des seuls musulmans.

L’exemple de la filiation naturelle nous permet de réfuter l’opinion de cet auteur. En effet, l’interdiction d’établir une paternité naturelle n’est pas en tant que tel un principe de religion mais plutôt un principe de morale. Il s’agit d’une conception générale de la famille et de condamnation de relations hors mariage au nom d’une certaine morale qui est autant sociale que religieuse.

Dire que les étrangers ne pourront établir au Maroc une filiation naturelle bien qu’elle soit autorisée par leur loi personnelle, ce n’est pas appliquer à des non musulmans une règle de la religion islamique, c’est plus simplement leur imposer au nom de l’ordre public le respect d’un principe moral tenu actuellement pour fondamental dans la société marocaine.

C’est d’ailleurs la solution que semble adopter la jurisprudence. En effet, déjà en 1962, le tribunal de Casa dans un jugement du 23.11 a rejeté pour contrariété à l’ordre public une demande d’exequatur d’une décision allemande qui a constaté la paternité naturelle d’un marocain et l’a condamné à entretenir l’enfant.

La décision peut toutefois n’avoir qu’une portée limitée dans la mesure où elle concerne un marocain. Or, voilà que la cour suprême a étendu l’exception d’ordre public aux rapports entre étrangers non musulmans, dans un arrêt du 14.09.1977 chambre civile, en annulant un testament fait par un français au profit de sa concubine, elle aussi de nationalité française, au motif que la cause est immorale.

Mais, dans une autre affaire, la cour suprême a validé un legs consenti par un italien à sa concubine marocaine israélite. (Chambre administrative 23.02.1977).

Il semble qu’à l’heure actuelle, rien n’interdise d’écarter une loi étrangère normalement compétente lorsque ses dispositions heurtent les concepts juridiques marocains. Deprez estime que toute société place son ordre public où elle le veut et il ne voit pas pourquoi la notion couramment utilisée comme allant de soi dans les systèmes de droit civil, serait inacceptable lorsque le droit et la société sont pénétrés de religion.

L’intervention de l’exception d’ordre public est d’ailleurs expressément prévue, tant en droit commun qu’en droit conventionnel. En effet, l’article 430 du CPC de 1974 exige parmi les conditions d’exequatur d’une décision étrangère, que le juge vérifie « Si aucune stipulation de cette décision ne porte atteinte à l’ordre public marocain. ».

De même, les conventions conclues par le Maroc aussi bien avec les Etats musulmans qu’avec les Etats européens précisent que les lois désignées par les règles de conflit contenues dans les différentes conventions ne s’appliquent que tant qu’elles ne sont pas contraires à l’ordre public de l’Etat saisi. Ex : article 4 de la convention Franco-marocaine du 10 août 1981.

         Chapitre 4 : la fraude à la loi

                   Section 1 : nature du problème

Le DIP est le domaine d’élection de la fraude, la multiplicité des systèmes juridiques fournit aux individus le moyen d’échapper à la loi qui leur est normalement applicable en se plaçant sous l’empire d’une autre loi, dont la teneur convient mieux à leur but.

La fraude à la loi c’est une sanction normale au jeu de la règle de conflit, une cause d’éviction de la loi normalement compétente, elle revêt un sens très précis en DIP. C’est l’utilisation intentionnelle de la mobilité d’un facteur de rattachement pour éluder ou pour se soustraire à la compétence d’une loi en vue de l’application d’une autre loi plus conforme aux intérêts des particuliers.

On a des règles de conflit avec certains facteurs de rattachement mobiles c’est à dire qu’ils peuvent se concrétiser différemment dans le temps. Ex. le rattachement à la loi nationale. Il suffit de changer de nationalité pour faire appliquer une autre loi. Face à cela, certaines personnes intentionnellement, veulent changer de nationalité par exemple une personne qui désire divorcer mais dont la loi nationale interdit ce mode de dissolution du mariage, changera de nationalité uniquement dans le but de divorcer. Cette personne joue sur la mobilité du facteur de rattachement.

Un exemple célèbre va nous permettre de comprendre la façon dont les particuliers peuvent procéder. La princesse De Bauffremont vivait en France judiciairement séparée de son mari dans la deuxième moitié du 19ème siècle. Les deux époux étaient français et la loi française prohibait à l’époque le divorce.

Parce qu’elle voulait épouser Bibesco, la princesse obtient sa naturalisation dans un duché allemand. Selon la loi de sa nouvelle nationalité, applicable selon la loi française de conflit de lois, la séparation de corps équivalait en l’espèce à un divorce et elle pouvait donc se remarier immédiatement. Le second mariage fut déclaré sans effet en France. La cour de cassation jugea que la princesse ne pouvait être admise à invoquer sa nationalité nouvelle, obtenue dans une intention frauduleuse pour se soustraire à la loi française. (Cour de cassation 18.03.1878). Plusieurs décisions de la même époque ont déjoué des fraudes comme celle-ci.

Le mécanisme de la fraude et de sa sanction est donc simple, connaissant l’élément de rattachement qui déterminera la compétence législative, un individu va manœuvrer de façon à lui faire désigner l’ordre juridique dont les règles favorisent son projet. En changeant de nationalité ou de domicile ou en déplaçant un meuble selon le contenu de la règle de conflit.

La réaction du juge constatant la fraude est de lui opposer l’adage « la fraude corrompt tout sous forme d’une exception de fraude à la loi ». Le juge appliquera non la loi apparemment compétente, mais celle qui aurait été désignée si le changement de rattachement n’avait pas eu lieu.

                   Section 2 : les éléments constitutifs de la fraude à la loi

                             Para 1 : l’utilisation volontaire d’une règle de conflit de lois

C’est l’élément objectif (Matériel) de la fraude à la loi. La fraude à la loi s’analysant en DIP, en une modification volontaire, dans un but illicite de l’élément de rattachement suppose évidemment pour pouvoir exister, que la règle de conflit soit fondée sur un élément de rattachement dont la localisation dépend de façon directe ou indirecte de la volonté des individus.

C’est ainsi que la fraude à la loi est inconcevable en matière de statut réel immobilier. Ce statut relève en effet de la loi du lieu de situation de l’immeuble et l’immeuble est par définition insusceptible de déplacement, de sorte que le procédé de localisation échappe à la volonté du propriétaire.

Le domaine de la fraude à la loi est très vaste parce que la plupart des éléments de rattachement retenus par les règles de conflit subissent dans leur localisation, l’influence directe ou indirecte de la volonté des particuliers. Il en est ainsi en matière de statut personnel, où la fraude à la loi peut être réalisée en ce domaine par un changement de nationalité.

Quant à la soumission du statut personnel à la loi du domicile, elle donne davantage l’occasion de frauder la loi, dans la mesure où il est plus facile de changer de domicile que de changer de nationalité.

Le statut réel mobilier a donné lui aussi l’occasion de frauder la loi parce que le déplacement d’un meuble d’un pays dans un autre a pour effet de modifier la compétence législative.

                             Para 2 : l’intention d’échapper à une disposition impérative de la loi

C’est l’élément subjectif de la fraude à la loi. L’intention frauduleuse ne consiste pas dans le seul désir d’obtenir le résultat défendu par la loi écartée, il est parfaitement licite de changer de nationalité mais c’est à condition de se comporter alors comme un ressortissant du pays qui a accordé la naturalisation.

La fraude réside donc dans le fait de changer l’élément de rattachement pour obtenir le résultat cherché sans accepter les conséquences essentielles normalement attachées à ce changement.

La preuve des intentions est parfois difficile mais elle n’est pas impossible parce qu’elle peut être établie par des circonstances objectives qui la révèlent. Ainsi, si on reprend l’exemple de la princesse De Bauffremont, le fait de divorcer immédiatement après l’acquisition de la nationalité allemande et de ne jamais résider en Allemagne révèle suffisamment la fraude de cette princesse.

                             Para 3 : la fraude à la loi étrangère

Suivant la théorie classique, il ne convient de sanctionner la fraude à la loi que lorsque l’on est passé de la compétence du for à la compétence du droit étranger. Autrement dit, selon cette théorie, on ne sanctionne pas la fraude à la loi étrangère, parce que cette loi étrangère n’aurait pas pour le for même valeur que la loi interne. Cela revient à ne jamais sanctionner la fraude qui consiste à passer de la compétence d’un droit étranger à la compétence d’un droit du for. On ne sanctionne que le transfert de la compétence du droit du for à la compétence du droit étranger.

La tendance actuelle est d’admettre la sanction aussi bien de la fraude à la lex fori que de la fraude à la loi étrangère. On invoque comme argument le plus souvent que la fraude à la loi étrangère c’est aussi la fraude à la règle de conflit du for qui est une règle interne. Le problème se pose en fait de la même façon, une règle de conflit du for perd sa valeur objective qu’il y ait fraude à la lex fori ou fraude à la loi étrangère.

Si dans un premier temps la jurisprudence française ne sanctionnait que la fraude qui consistait à écarter une loi étrangère au profit d’une autre loi étrangère, aujourd’hui cette jurisprudence sanctionne également la fraude qui consiste à écarter l’application d’une loi étrangère au profit de la lex fori. Certains systèmes juridiques ne font même pas de distinction entre la fraude à la loi du for et la fraude à la loi étrangère.

                   Section 3 : sanction de la fraude à la loi

Lorsque les conditions de la fraude à la loi sont réunies, la sanction qui doit jouer c’est le rétablissement de la situation objective, c’est en revenir à une règle de conflit ayant valeur objective. On désigne cette sanction comme l’inopposabilité des effets de l’acte frauduleux. On écarte la loi artificiellement compétente pour en revenir à la loi normalement compétente, avant toute manipulation. Mais inopposabilité ne veut pas dire nullité.

Le principe de l’inopposabilité est admis par l’ensemble de la doctrine. Le problème ne se pose que quant à la détermination de ce qui est précisément inopposable. Les auteurs ne se sont pas mis d’accord sur l’étendue de cette inopposabilité. Faut-il considérer comme inopposable l’acte frauduleux tout entier, ou seulement les conséquences frauduleuses que l’intéressé cherchait à faire produire à cet acte frauduleux ?

Deux cas sont possibles. Premier cas, lorsqu’il s’agit d’un acte juridique, il a été généralement admis par la doctrine que la sanction de l’inopposabilité doit frapper l’ensemble de l’acte frauduleux. Autrement dit, on a tendance à considérer que l’acte juridique qui a servi de support à la fraude est vicié. Dans l’exemple de, De Bauffremont, on a estimé que la naturalisation de la française est dépourvue de toute valeur en France.

Il en résulte alors qu’aux yeux des juges français, la princesse demeure française avec toutes les conséquences que cela entraîne non seulement en matière de conflit de lois mais aussi dans les autres domaines.

2nd cas, au contraire, lorsqu’il s’agit d’un fait matériel, on tend à limiter la sanction de l’inopposabilité à l’effet frauduleux recherché. Mais au-delà, on admettra les conséquences de l’acte matériel. Si par exemple un meuble a été transféré frauduleusement à l’étranger dans le but d’échapper à certaines dispositions impératives du droit interne sur le transfert de propriété, ces dispositions demeureront applicables.

Au contraire, si une fois à l’étranger le meuble en question est endommagé par un tiers, la responsabilité du tiers sera soumise à la loi étrangère, loi du lieu du délit parce que le bien est effectivement situé à l’étranger.

                   Section 4 : la fraude à la loi en DIP marocain

                             Para 1 : fraude à la loi du for

La fraude au statut personnel marocain, par changement de nationalité est techniquement impossible car l’acquisition volontaire d’une nationalité étrangère ne fait pas perdre la nationalité marocaine. En cas de conflit de nationalité mettant en cause la nationalité marocaine, c’est la nationalité marocaine qui prévaut.

Par ailleurs, si le marocain devenu régulièrement étranger est resté de confession musulmane, il ne change pas de statut personnel au Maroc parce que sa qualité de musulman le rend justiciable de la juridiction du Chraâ qui lui applique le droit musulman local, quelle que soit sa nouvelle loi de statut personnel.

                             Para 2 : fraude à la loi étrangère

On s’est posé la question de savoir si les juridictions marocaines pouvaient utiliser l’exception de la fraude à la loi lorsque sont en cause deux lois étrangères. Le juge marocain doit-il utiliser cette notion de fraude à la loi pour garantir le respect d’une loi étrangère en écartant une autre loi étrangère, acquise dans une intention frauduleuse ?

Deux réponses ont été données à cette question :

Pour certains, la réponse doit être négative. On a prétendu que le juge marocain n’avait aucune raison à vouloir défendre la loi étrangère à laquelle il y a eu fraude. Il n’a pas à décelé les intentions de l’intéressé, il devrait agir comme l’aurait fait le juge de sa nouvelle loi s’il avait été saisi.

Pour d’autres au contraire, il convient de faire état de la notion de fraude à la loi étrangère. Certains auteurs sont partis de l’idée suivante, c’est que les règles marocaines de conflit de lois sont pour la plupart d’origine internationale en matière de statut personnel. De ce fait, il en résulte qu’elles sont particulièrement impératives au Maroc. Dans ces conditions, le juge marocain doit veiller au principe de l’égalité juridique des lois étrangères au Maroc. Ainsi présentée, la notion de fraude à la loi jouerait de façon générale quelle que soit la loi fraudée.

La jurisprudence n’a peut être pas encore eu l’occasion de sanctionner pour fraude à la loi mais la cour suprême dans un arrêt du 05.07.1974 après avoir posé le principe de la soumission de tout musulman quelle que soit sa nationalité à la Moudawana, a précisé que la conversion sans fraude d’un étranger à l’islam entraînait l’application des dispositions du code de statut personnel marocain.

Cela laisse-t-il entendre que la haute juridiction est prête à sanctionner les cas où les parties se convertissent à l’islam uniquement dans le but de se placer sous l’empire du droit marocain musulman, qui répondrait le mieux à leurs intérêts ?

Quoiqu’il en soit, la notion de fraude à la loi est expressément employée par le DCC dans un article relatif à la détermination de la nationalité des sociétés étrangères, il s’agit de l’article 7 qui dispose : « la nationalité d’une société est déterminée par la loi du pays dans lequel a été établi sans fraude, son siège social légal ».

Ainsi, les tribunaux marocains pourront reconnaître à une société, une autre nationalité que celle découlant de la loi de son siège social actuel, si ce siège social actuel se révèle frauduleux.

         Titre 3 : les différentes catégories statutaires

                   Chapitre 1 : le statut personnel

Le statut personnel est soumis à la loi nationale de l’individu, loi qui le suit dans ses déplacements. Autrement dit, où qu’il soit, cette loi personnelle s’applique à l’individu, elle en détermine la personnalité juridique, ce qui se traduit par l’idée de la permanence de cette loi.

Cependant, si l’accord est réalisé depuis longtemps sur le fait que le statut personnel est soumis à la loi personnelle de l’individu, une divergence subsiste sur la détermination du domaine de ce statut personnel. Ainsi, contrairement à d’autres systèmes juridiques tels ceux de l’Europe continentale qui limitent le statut personnel aux questions relatives à l’état et la capacité des personnes, au Maroc et dans les autres systèmes juridiques musulmans, cette catégorie  comprend outre l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions mobilières et immobilières, les donations, le testament … Etc. il est à remarquer que cette liste ne figure dans aucun texte du DCC, mais qu’elle est seulement induite de l’ensemble des règles de conflit de lois qui régissent ces matières. Toutes donnent compétence à la loi personnelle.

Par ailleurs, la jurisprudence a également donné compétence à la loi personnelle en matière de filiation, d’adoption et de pension alimentaire. Le DIP marocain adopte donc par ces solutions législatives et jurisprudentielles les solutions admises dans d’autres systèmes musulmans notamment le droit tunisien qui a donné une définition complète de la notion de statut personnel dans son article 2 du décret de 1956.

                             Section 1 : détermination de la loi personnelle

                                       Para 1 : le fondement de la solution

Traditionnellement, deux grandes conceptions s’opposent l’une en faveur de la nationalité, l’autre en faveur du domicile. Mais une partie de la doctrine moderne prône le principe de l’autonomie de la volonté, les parties pouvant choisir entre la loi nationale et la loi du domicile.

Si le droit français et le droit marocain optent tous deux pour la nationalité comme facteur de rattachement en matière de statut personnel, le fondement n’est pas le même.

                                                 A- en DIP français

Aux termes de l’article 3 alinéa 3 du code civil les lois : « concernant l’état et la capacité des personnes régissent les français même résidant en pays étranger ». En bilatéralisant la règle, la jurisprudence en a déduit que l’état et la capacité des étrangers sont régis par leur loi nationale. L’arrêt de principe date de 1814 et depuis, la jurisprudence est constante. (Paris 13.06.1814).

                                                           1- arguments en faveur de la nationalité

Le premier argument avancé en faveur de la nationalité est celui de la stabilité. La loi personnelle étant celle qui suit la personne avec continuité c’est à dire la loi qui suit la personne dans tous ses déplacements, la nationalité comme critère de rattachement doit être préférée au domicile parce qu’il est beaucoup plus aisé de changer de domicile que de changer de nationalité.

Par ailleurs, un problème sérieux se pose lorsque les parties impliquées au rapport de droit sont domiciliées dans des pays différents.

Un autre argument invoqué en faveur de la loi nationale et qui a été à la base de la doctrine de Mancini est l’adaptation de la loi nationale au tempérament de ceux pour qui elle a été conçue. Mancini estime que la loi italienne est faite pour les italiens, pour la mentalité italienne collective, il en découle que logiquement, l’étranger doit y échapper.

                                                           2- arguments en faveur du domicile

A l’inverse, on a soutenu l’argument relatif à l’intérêt de l’étranger. On a prétendu qu’une personne a intérêt à être soumise à la loi du pays où elle vit parce que c’est celle qu’elle connaît le mieux, celle qu’elle peut connaître le plus facilement, celle à laquelle elle s’adapte dans la majorité des cas.

Or, affirme Le Rebous Pigeonnière, l’intérêt des particuliers doit être la préoccupation première dans la solution des conflits de lois.

Par ailleurs, en retenant comme critère de rattachement le domicile, l’intérêt de la famille sera mieux conservé dans les foyers dont les membres sont de nationalités différentes, c’est le cas notamment d’époux de nationalités différentes ou celui où les enfants ont la nationalité du for à raison de leur naissance alors que les parents ont une nationalité d’origine étrangère.

La loi du domicile permet dans ces hypothèses d’éviter le problème du conflit des lois nationales et assure ainsi l’unité législative au sein de la famille dans la majorité des cas.

En outre, on a prétendu que la justice est mieux rendue par l’application de la loi du for qui coïncide dans la majorité des cas avec la loi du domicile.

Si la majorité des pays d’immigration ont opté pour la loi du domicile, c’est parce que leur loi vise à l’assimilation de ces immigrés en maintenant ces étrangers sous l’empire de leur loi nationale, on irait à l’encontre de cette politique.

A ces différents arguments plaidant pour la loi du domicile, les partisans de la nationalité ont répliqué que si l’étranger a avantage à voir s’appliquer la loi de son domicile, celui qui a séjourné dans différents pays pourra voir ses intérêts successivement soumis à des lois différentes et qui peuvent même être contradictoires.

Certes, la loi du domicile diminue les surprises et les différentes difficultés d’application de la loi étrangère, mais les surprises résultant pour les tiers de l’application de la loi nationale sont pratiquement rares si l’on en juge d’après le nombre de décisions qui ont à statuer sur l’excuse d’ignorance de la loi étrangère. Ex. la jurisprudence Lizardi Cassation requête 16.01.1861.

Lizardi, sujet mexicain âgé de 23 ans, avait souscrit des billets en règlement d’achat de bijoux, chez un commerçant parisien, poursuivi en paiement, il prétend que la loi mexicaine fixant la majorité à 25 ans, ses engagements étaient nuls pour cause de minorité, la cour de cassation approuva les juges du fait de l’avoir condamné malgré tout à payer au motif « que dans ce cas, le français ne peut être tenu de connaître les lois des diverses nations et les dispositions concernant notamment la minorité, la majorité, qu’il suffit alors pour la validité du contrat, que le français ait traité sans légèreté, sans imprudence et avec bonne foi ».

On a expliqué cette solution par l’idée de l’intérêt national qui s’oppose à ce que le co-contractant français soit lésé par l’application de la loi étrangère, mais le véritable motif est fondé sur le fait qu’un français est excusable d’ignorer la loi étrangère.

Au contraire, la multiplication des décisions anglaises et américaines sur la détermination du domicile, prouve que les incertitudes ne manquent pas là non plus. En effet, s’il existe des foyers dont les membres sont de nationalités différentes, il existe aussi des familles de même nationalité dont les membres sont domiciliés dans des pays différents. La loi du domicile ne coïncide le plus souvent en ces matières avec la loi du for, que pour l’une des parties seulement, ce qui se retrouve aussi pour la loi nationale.

Enfin, la  considération de l’immigration ne prend toute sa force que dans les pays où les étrangers demandent à s’établir.

En résumé donc, il semble que les inconvénients de la loi du domicile soient plus graves que ceux de la loi nationale.

                                                 B- en DIP marocain

Entre ces deux conceptions, le DIP marocain comme le DIP français a opté pour la nationalité comme facteur de rattachement en matière de statut personnel mais si cette solution ne diffère pas du droit français, elle a reçu cependant une justification différente.

Aussi, l’application de la loi nationale fait l’objet en DIP marocain d’une controverse qui oppose deux doctrines quant à sa justification l’une classique imprégnée d’un esprit colonialiste, elle se tourne vers le passé pour voir dans cette solution une conséquence qui s’impose en vertu des accords internationaux et des engagements pris par la France au nom du Maroc protégé.

L’autre partie de la doctrine, la doctrine moderne, rattache à juste titre le fondement de la règle de conflit en statut personnel à la réalité sociologique et politique de la société marocaine.

                                                           1- la doctrine classique

La doctrine classique est représentée essentiellement par Menar, Decroux et Leris. Pour cette doctrine, la règle de conflit de lois en matière de statut personnel s’impose en vertu des accords internationaux. C’est en vertu de ces accords dit-on, que les étrangers ont trouvé intacte, après renonciation de leurs pays aux privilèges capitulaires, l’exercice des droits privés dont ils jouissaient en conformité de leur statut personnel, statut personnel qui doit être respecté de façon absolue. En matière de statut personnel, la loi nationale prime sur la lex fori.

Par ailleurs, les étrangers sont placés sur un pied d’égalité pour la jouissance de leurs droits privés, notamment en matière de statut personnel et ce conformément à leurs propres lois nationales. Ceci a été rappelé par les articles 1 et 2 du DCC.

En ce qui concerne plus précisément le statut personnel, l’article 3 de ce DCC dispose expressément que l’état et la capacité des français et des étrangers sont régis par leurs lois nationales. On a prétendu que cette règle était la consécration dans la législation interne, des engagements internationaux pris à cet égard dans l’accord du 04.11.1911, « traité ouvert auquel ont adhéré les puissances ».

Parmi les traités, il y a lieu de citer la déclaration conjointe de la Celle-Saintcloud du 06.05.1955, déclaration qui garantit les droits des ressortissants de chacun des deux Etats. De même, dans le discours du trône du 18.11.1955, le souverain a déclaré vouloir garantir les intérêts, les droits et le statut personnel des citoyens français, déclaration qui profite ainsi de plein droit à tous les étrangers en vertu du principe de l’égalité juridique de tous les étrangers au Maroc.

Dans la convention diplomatique du 20.05.1956, le Maroc a confirmé dans l’article 11 qu’il assumait les obligations des traités internationaux signés par la France au nom du Maroc et les obligations qui résultent des actes internationaux relatifs au Maroc.

Pour toutes ces raisons, Decroux estimait que le DIP marocain n’est pas un droit exclusivement d’origine interne, qu’il relève essentiellement du droit conventionnel international. Il en déduit que l’application de la loi nationale en matière de statut personnel doit être respectée dans son intégralité.

La primauté exceptionnelle au Maroc de la loi nationale en matière de statut personnel a été affirmée sous le protectorat par une doctrine unanime.

Cette position de la doctrine colonialiste a été adoptée également par la jurisprudence sous le protectorat et même quelques temps après la proclamation de l’indépendance, tel par exemple l’arrêt rendu par la cour d’appel de Rabat le 07.04.1963, qui se réfère aux bases internationales du système marocain.

Cette juridiction considère que la soumission d’un étranger musulman au droit marocain : « violerait sa loi personnelle et ferait échec aux principes d’ordre public, de l’application aux étrangers de leurs lois nationales qui constituent au Maroc le fondement du DIP basé sur les textes internes et sur les traités. ».

                                                           2- la doctrine moderne

Pour cette doctrine, le rattachement du statut personnel à la loi nationale n’est en réalité que la consécration dans un système moderne de conflit de lois, d’une tradition vieille en Islam, celle de la personnalité des lois et qui consiste à soumettre les étrangers en matière de statut personnel à leurs lois d’origine.

Au Maroc précolonial comme dans les autres pays musulmans, le lien entre l’individu et al Oumma était la religion, or depuis l’apparition de la notion d’Etat au sens moderne du terme, dans les systèmes de ces pays, la loi religieuse est devenue la loi nationale.

Aussi, si la nationalité comme facteur de rattachement s’imposait en 1913 pour des raisons politiques, elle se justifie à l’heure actuelle par le désir du Maroc de rester fidèle à une tradition.

De plus, le Maroc étant un pays d’émigration, le rattachement permet de maintenir les marocains résidents à l’étranger sous l’empire de leurs lois d’origine.

Enfin, le rattachement à la nationalité est aussi un respect pour les institutions étrangères dans ce domaine (statut personnel) où se rencontrent de plus en plus de divergences entre les systèmes juridiques.

En effet, le respect des institutions étrangères ne peut être réellement atteint que si l’on accorde aux étrangers le droit d’invoquer devant les juridictions marocaines le bénéfice de leur loi nationale. Le rattachement à la nationalité permet aux étrangers de garder les attaches avec leur pays d’origine. La solution du rattachement à la nationalité, s’explique en droit marocain puisque le Maroc ne poursuit aucune politique d’assimilation.

Malgré tout, il est à remarquer que la compétence de la loi nationale en matière de statut personnel présente parfois des difficultés d’application.

                                       Para 2 : les difficultés d’application de la loi nationale

                                                 A- absence de nationalité

Une personne est dite apatride lorsqu’elle n’a aucune nationalité, c’est à dire lorsqu’aucun lien juridique ou politique ne la rattache à un Etat déterminé. Dans ce cas, on ne peut la soumettre en matière de statut personnel, à la loi nationale.

Pour remédier à cette situation, certains systèmes juridiques retiennent le pays avec lequel cet apatride a des attaches, ce pays pouvant être le domicile ou à défaut, la résidence habituelle. A défaut de domicile ou de résidence habituelle, c’est la lex fori qui régira son statut personnel, c’est notamment la solution adoptée par la convention de New York du 28.09.1954 relative au statut personnel des apatrides.

Quant au DIP marocain, le DCC dispose dans son article 5 : « qu’à défaut de nationalité connue, l’étranger est soumis en tout ce qui concerne son état et sa capacité, à la loi française ».

Avec le nouveau code de la famille, l’apatride est désormais régi par la loi marocaine musulmane, c’est ce qui résulte expressément de l’article 2 alinéa 2. C’est d’ailleurs en ce sens qu’avait déjà statué la cour d’appel de Casa le 16.12.1980 dans une affaire de succession d’un apatride, les juges ont fait application du droit marocain par référence à l’article 5 du DCC.

Mais pour déterminer le statut personnel devant régir cet apatride, les juges ont d’abord recherché sa confession musulmane en l’espèce, avant de le soumettre au statut personnel applicable aux marocains musulmans.

L’article 2 du nouveau code étend la même solution aux réfugiés « conformément à la convention de Genève du 27.07.1951 relative aux réfugiés ».

En effet, bien que le réfugié ne soit pas dépourvu de toute nationalité, on considère qu’en acquérant le statut des réfugiés, l’individu a rompu toute attache qui le lie à sa patrie d’origine.

                                                 B- pluralité de nationalités

                                                           1- principe de l’égalité juridique

Même à l’époque où il y avait au Maroc des tribunaux rendant la justice au nom de la république française, la loi française était considérée au Maroc comme une loi étrangère au même titre que toute autre loi étrangère. La loi française ne pouvait donc jouer au Maroc le rôle de lex fori.

Lorsque le conflit de lois intéresse un même individu, qui ayant plusieurs nationalités, peut avoir plusieurs statuts, le DCC tranche la difficulté par une règle d’ordre pratique en laissant au juge le soin de déterminer le statut applicable, c’est ce qui résulte de l’article 4, le juge doit rechercher quelle est effectivement parmi les différentes nationalités en cause de l’intéressé, celle qui répond réellement à sa qualité juridique.

Cette solution est aujourd’hui classique, elle est adoptée par d’autres systèmes, elle a été consacrée également par la cour international de justice dans l’affaire Notebohn du 06.04.1955. C’est dans ce sens que s’est prononcée la cour d’appel de Casa dans son arrêt du 13.04.1989.

                                                           2- la solution admise sous le protectorat

Sous le protectorat, il était fait échec au principe de l’égalité juridique en application des règles régissant les conflits de nationalité, au profit de la loi française et des lois marocaines de statut personnel, la règle d’équité contenue dans l’article 4 règle qui respecte à la fois la loi nationale, la véritable loi de chacun et le principe de l’égalité juridique, ne s’appliquait pas cependant en cas de double nationalité d’une personne lorsque la loi française était en cause. La solution était bien établie en jurisprudence.

En cas de conflit de nationalités, les tribunaux français du Maroc faisaient prévaloir la loi nationale française lorsque celle-ci était en cause, sur l’autre nationalité de la personne intéressée, même si celle-ci était la nationalité marocaine.

                                                           3- solution admise depuis l’indépendance

Depuis l’indépendance, il n’est plus fait échec au principe de l’égalité juridique qu’au seul profit des lois marocaines de statut personnel, et exclusivement au profit des statuts personnels locaux.

En cas de conflit de nationalités où est intéressée la nationalité marocaine, les tribunaux marocains font prévaloir la nationalité marocaine même si elle est purement juridique, et ne correspond pas au comportement réel de la partie en cause.

Ainsi, la loi nationale étrangère de statut personnel est écartée au profit d’un statut personnel local. La solution est reprise par l’article 2 du nouveau code de la famille dans son alinéa 1er : « les dispositions de ce code s’appliquent :

1- à tous les marocains, même ceux possédant une autre nationalité ; ».

Telle est la solution, lorsque la pluralité de nationalités ne concerne qu’une seule personne, il n’y a donc pas de véritable problème. Par contre, le véritable problème se pose quand la pluralité de nationalités concerne plusieurs personnes. Ici, 3 systèmes ont été proposés :

                                                                     1- application cumulative des lois en présence

Par exemple, un divorce entre époux de nationalités différentes, ne sera prononcé que s’il est autorisé par les deux lois nationales en présence. Ce système est à rejeter parce qu’il revient à retenir la loi la plus restrictive. On ne peut appliquer au même rapport, deux lois qui sont contradictoires.

Ce système est donc contraire à l’esprit des conflits de lois, qui consistent non pas à cumuler les lois en présence, mais à choisir l’une d’entre elles.

                                                                     2- application distributive

Qui consiste à faire application à chacun de sa loi nationale.

                                                                     3- application d’une des lois en présence

Le DCC par exemple soumet les successions à la loi nationale du De cujus, les régimes matrimoniaux à la loi nationale du mari au moment de la célébration du mariage. Jurisprudence et doctrine soumettent les obligations alimentaires par exemple à la loi nationale du créancier, les donations à la loi nationale du donateur.

                                                 C- changement de nationalité

Cette circonstance est également une autre difficulté dans l’application de la loi nationale, dans la mesure où l’on se trouve en présence de deux lois nationales. Celle de la nationalité ancienne et celle de la nationalité nouvelle. Laquelle appliquer en matière de statut personnel ? C’est le problème de conflit mobile.

Il y a conflit mobile quand l’élément de rattachement sur lequel la règle de conflit fonde la désignation de la loi applicable à une situation juridique prolongeant ses effets dans le temps, vient à changer.

                                                           1- en doctrine deux thèses s’opposent

                                                                     a- la première thèse consiste à exclure tout effet rétroactif de la loi nationale nouvelle, à écarter tout effet immédiat de cette loi nouvelle sur les effets avenirs de toute situation acquise sous l’empire de la loi ancienne.

Autrement dit, une telle situation demeure soumise pour l’avenir à la loi en conformité de laquelle elle a été créée. Par exemple, à l’époque où le droit espagnol interdisait le divorce, deux espagnols naturalisés français, ne pouvaient pas en France demander divorce en se fondant sur leur loi nationale nouvelle car la loi espagnole l’interdisait et leur mariage devait continuer à être soumis à la loi espagnole malgré la naturalisation.

Pillet et Bartin ont défendu cette thèse mais avec des arguments différents :

Pillet justifie la solution par la notion de droits acquis, il considère qu’en cas de conflit mobile, il n’y a pas conflit entre deux lois successives mais conflit entre deux lois toujours en vigueur, l’une et l’autre appartenant à des Etats différents.

Par conséquent, pour Pillet, la situation formée sous l’autorité d’un Etat doit développer ses effets sous la même autorité. C’est là une solution qui apparaît comme la conséquence d’un principe défendu par l’auteur, celui du respect international des droits acquis selon lequel, tout droit régulièrement acquis dans un pays, doit être respecté dans les autres pays. Cet argument a été jugé à juste raison par la doctrine moderne comme étant exagéré.

Nousoirles notamment, partant de l’exemple des époux espagnols naturalisés français, estime inadmissible que le fait que leur union ait été contractée sous l’empire de la loi espagnole confère à celui d’entre eux qui ne veut pas divorcer, un droit acquis à l’indissolubilité du mariage.

Bartin arrive au même résultat mais avec un argument différent. Il met l’accent sur le besoin de stabilité des institutions dans les relations internationales, l’auteur milite donc en faveur du maintient de la compétence de la loi ancienne.

On a reproché à Bartin que cette stabilité conduit à figer les institutions sous l’empire d’une loi avec laquelle elle n’a plus aucun lien. C’est pourquoi la doctrine actuelle préfère le rattachement actuel au rattachement passé.

                                                                     b- la deuxième thèse consiste à appliquer au conflit mobile les règles du droit transitoire interne. Les règles du droit interne sont les suivantes :

– la loi nouvelle n’est pas rétroactive mais d’application immédiate. Ainsi, une situation juridique prolongeant ses effets dans le temps est soumise à deux lois, les effets passés sont régis par la loi ancienne, les effets avenirs par la loi nouvelle.

Transposées au conflit mobile, ces règles donnent dans l’exemple du mariage de deux espagnols naturalisés français, la solution suivante : les conditions de validité du mariage et les effets passés restent soumis à la loi ancienne, les effets avenirs seront soumis à la loi nouvelle.

                                                           2- le droit positif marocain

Le droit positif marocain consacre la 2nde thèse. Chaque fois que le législateur ne précise pas la loi applicable dans le temps, la loi nationale nouvelle doit s’appliquer pour l’avenir. La jurisprudence est bien fixée dans ce sens par ex., la cour d’appel de Rabat a, le 14 novembre 1939, fait application de la loi française à la demande en divorce introduite par un mari d’origine grecque mais naturalisé français « c’est en naturalisé français, il se trouve assujetti quant aux effets de sa demande en divorce aux dispositions du code civil français ».

L’idée est donc la suivante, lorsqu’au cours du mariage le mari étranger a obtenu la naturalisation française, c’est désormais cette loi qui règle son statut personnel et qui s’applique au cours d’une instance en divorce. La cour suprême confirme cette solution le 16.01.1962, dans un litige concernant des époux de nationalités différentes naturalisés vénézuéliens : «  les juridictions du royaume sont tenues de jure d’appliquer aux étrangers les lois de statut personnel concernant la loi nationale en vigueur au moment de l’introduction de l’instance ».

Toutefois, certaines questions échappent au principe de l’application immédiate de la loi nouvelle. Par exemple, en matière de régimes matrimoniaux, l’article 15 du DCC donne compétence en l’absence de contrat, à la loi nationale du mari au moment de la célébration du mariage.

La doctrine a justifié la solution par la permanence de ce rattachement, parce que la même loi régira le statut personnel toute la durée du mariage. Par ailleurs, la stabilité caractérise cette règle. En effet, il résulte de l’article 15 une certitude sur la recherche de la loi applicable. Elle est fixée une fois pour toutes.

                                       Para 3 : Les exceptions à la compétence de la loi nationale

Au principe de la compétence de la loi nationale en matière de statut personnel, le système marocain apporte deux exceptions, l’une concerne le litige mettant en cause une partie de nationalité marocaine, l’autre intervient quand l’une ou les deux parties à la fois sont de confession musulmane.

Dans ces deux cas, le droit marocain de statut personnel prévaut sur la loi nationale désignée par la règle de conflit législative ou jurisprudentielle, c’est ce qu’on appelle le privilège de nationalité et le privilège de religion.

                                                 A- le privilège de nationalité est de construction jurisprudentielle

Un lien indirect pourrait être établi entre ce privilège et les dispositions du dahir du 04.03.1960 réglementant la célébration devant l’officier d’état civil, des mariages entre marocains et étrangers subordonnant cette célébration à deux conditions :

D’abord, les mariages ne doivent pas être interdits par le statut personnel du conjoint marocain. (Article 1)

Ensuite, l’officier d’état civil ne peut procéder à cette célébration que sur présentation de l’acte de mariage, fait en la forme marocaine c’est à dire adoulaire ou rabbinique. (Article 2 du dahir de 1960).

La subordination de la célébration devant l’officier de l’état civil, à la consécration préalable devant les Adouls ou les rabbins, conduit inévitablement à ne prendre en considération que le seul statut du conjoint marocain aboutissant parfois à mépriser les exigences du statut du conjoint étranger.

Jusqu’à présent ce privilège n’a été appliqué qu’en matière de mariage ou de divorce par la jurisprudence. Exemple, cour d’appel de Rabat, 23.12.1969, cour suprême 07.02.1972, mais toujours est-il qu’il a été repris par le nouveau code de la famille dans son article 2 alinéa 3, aux termes duquel : « les dispositions de ce code s’appliquent aux couples dont l’un des époux est marocain ».

                                                 B- privilège de religion

Le privilège de religion a été institué par le dahir du 24.04.1959. Ce texte d’origine procédurale, dans la mesure où il prévoyait la soumission des étrangers musulmans aux mêmes juridictions des tribunaux du Chraâ que les marocains musulmans, a été interprété par la jurisprudence comme instituant une règle de fond, cette règle consiste à soumettre les étrangers musulmans, en ce qui concerne leur statut personnel, au droit marocain de statut personnel. Ainsi, pour les étrangers musulmans, le rattachement en matière de statut personnel s’opérait en fonction de leur appartenance à l’islam et non de leur nationalité. Cour d’appel de Rabat 09.09.1959, cour suprême 24.11.1964.

La cour suprême a énoncé dans un arrêt du 07.02.1972 que : « le tribunal régional n’est plus compétent au premier degré sauf si toutes les parties sont de nationalité étrangère et qu’elles ne sont pas soumises au code du statut personnel applicable aux marocains musulmans conformément aux dispositions du dahir du 24.04.1959 ».

C’est dans son arrêt du 05.07.1974 que la cour suprême a posé le principe du privilège de religion, indépendamment de l’interprétation donnée au dahir de 1959 : « attendu que la conversion à l’islam implique obligatoirement l’application des règles du Chraâ pour tout ce qui est des questions relevant du statut personnel et successoral des intéressés ».

La cour suprême dans un autre arrêt du 11.01.1982 en énonçant qu’ « en matière de statut personnel la loi marocaine prévoit l’application aux étrangers non musulmans de leur loi nationale » excluait nécessairement du champ d’application de l’article 3 du DCC, les étrangers musulmans qui se trouvaient de la sorte régis par le droit marocain musulman.

La démarche de pensée du juge saisi d’un litige à caractère international en matière de statut personnel était donc la suivante :

– il devait d’abord s’assurer que le procès ne mettait en cause ni un marocain ni un musulman, avant de se référer aux règles de conflit posées par le DCC

Avec le nouveau code de la famille, la question se pose de savoir si la solution va être maintenue. En effet, l’article 2 qui fixe le champ d’application des nouvelles dispositions, ne prévoit pas l’hypothèse de l’étranger musulman, est-ce à dire que le législateur a voulu ainsi soumettre cette catégorie de personnes à la loi nationale ?

La jurisprudence nous le dira et dans l’affirmative, le domaine du privilège de religion se réduirait considérablement, la jurisprudence devra se prononcer également sur le conflit de lois mettant en cause des étrangers musulmans mais de nationalités différentes soumis auparavant au droit marocain musulman par application du privilège de religion.

Le cas du conflit opposant un étranger musulman et un autre étranger non musulman pose également problème. L’article 2 du nouveau code précise que ses dispositions s’appliquent aux relations entre deux marocains dont l’un est musulman (alinéa 4 de l’article 2).

Cette solution au conflit de lois interne déjà admise par l’article 3 du code de la nationalité de 1958, est étendue par la jurisprudence au DIP, sera sans doute maintenue.

Si la solution devait se confirmer, la jurisprudence étendrait-elle ce privilège de religion, limité dans un premier temps à la religion musulmane, à la religion hébraïque comme semblait l’avoir compris le TPI de Casa Anfa dans un jugement du 20.01.1994.

En effet, pour ce tribunal, doivent être soumis aux dispositions du DCC, les étrangers non musulmans et non juifs. Autrement dit, sera soumis au droit marocain hébraïque et le rapport de droit qui met en cause un marocain de confession hébraïque et le rapport de droit où un étranger juif est en cause.

                             Section 2 : le mariage

La matière du mariage en DIP marocain est réglementée par deux articles du DCC par le dahir du 04.09.1915 sur l’état civil, par le dahir du 04.03.1960 relatif au mariage entre marocains et étrangers et par le nouveau code de la famille. Par ailleurs, il existe une jurisprudence abondante parfois divisée et même contradictoire.

Les conflits de lois d’ordre interne entre les différents statuts locaux concernant les mariages mixtes, (entre marocains musulmans et juifs) ont été dans un premier temps résolus par la règle générale édictée à l’article 3 alinéa 3 du code de la nationalité selon lequel : « en cas de conflit entre les divers statuts personnels des marocains, c’est la loi nationale du mari ou celle du père qui prévaut sur celle de la femme ou celle des enfants ».

Mais dans la pratique, une suprématie était faite du statut personnel du marocain musulman instituant de la sorte, un privilège en faveur de la loi musulmane. Cette suprématie de la loi musulmane est désormais consacrée par le nouveau code de la famille dans son article 2 alinéa 4 : «  les dispositions de ce code s’appliquent … 4° aux relations entre deux marocains dont l’un est musulman ».

L’ensemble des textes du DCC a été appliqué sans réserves sous le protectorat aux problèmes de conflit de lois en matière de mariage, or depuis l’indépendance, le domaine de ces textes a été sensiblement réduit.

                                       Para 1 : le mariage des étrangers au Maroc

                                                 A- les conditions de fond

L’article 8 du DCC dispose que : « le droit de contracter mariage est réglé par la loi nationale des futurs époux ». Cette règle est donc une simple application à la matière du mariage de la règle générale édictée par l’article 3 du même dahir, à savoir que l’état et la capacité des étrangers sont régis par leur loi nationale.

On entend par conditions de fond, tout ce qui englobe l’aptitude physique, le consentement au mariage, les empêchements résultant de la religion ou de la parenté ou d’un mariage antérieur, la nécessité d’obtenir l’autorisation des parents … Etc. Toutes ces questions sont donc régies par la loi nationale des futurs époux.

Il faut cependant distinguer selon que les époux sont de même nationalité ou de nationalités différentes :

– si les époux sont de même nationalité et de même statut (même nationalité et même religion), il n’y aucun problème, une loi unique, la loi nationale des intéressés régit les conditions de fond de leur mariage.

– si par contre, les époux sont de nationalités différentes, chacun des futurs conjoints doit, pour pouvoir contracter valablement un mariage, satisfaire aux exigences de sa loi nationale. (Article 8 du DCC). Si donc l’une des lois s’oppose à l’union des futurs époux, cette union ne peut être valablement conclue, la même solution est reprise par l’article 5 de la  convention franco-marocaine du 10.08.1981.

Il faut donc, pour le mariage, tenir compte de la loi nationale de chacun des futurs époux même quand cette loi se réfère à la condition de l’autre époux. C’est ainsi que doit être respectée la loi étrangère quand elle prohibe le mariage d’un de ses nationaux avec un conjoint divorcé.

Par ex. dans un arrêt rendu le 14.03.1958, s’agissant d’un mariage célébré exclusivement devant un officier d’Etat civil de Rabat entre un ressortissant espagnol et une française divorcée d’un précédente union, la cour d’appel de Rabat a prononcé à la demande du mari, la nullité de ce mariage en vertu de la loi espagnole en raison notamment de l’interdiction faite par cette loi espagnole à ses nationaux, d’épouser des personnes divorcées d’un précédent mariage.

La cour suprême dans un arrêt du 17.05.1961 a rappelé le principe que le droit de contracter mariage est régi par la loi nationale de chacun des deux époux.

Ce respect de la loi nationale peut cependant être mis en échec par l’exception d’ordre public. Par ex., l’officier d’état civil doit refuser de célébrer le mariage d’une personne impubère alors même qu’un tel mariage serait valable selon la loi nationale de l’intéressé.

                                                 B- les conditions de forme

On entend par conditions de forme, toutes les conditions relatives aux différentes formalités que les époux doivent remplir pour contracter une union valable légalement.

Aux termes de l’article 11 du DCC qui règlemente la question : «  les français et les étrangers ne peuvent se marier que suivant les formes admises par leurs lois nationales et suivant celles qui seront déterminées ultérieurement pour l’état civil dans le protectorat français ».

Il résulte ainsi de ces dispositions, que la forme du mariage des étrangers au Maroc peut être soumise à deux lois au Maroc :

– la loi nationale

– la loi locale sur l’état civil, c’est à dire le, dahir du 04.09.1915 (qui adopte la forme civile du mariage).

                                                           1- la forme du mariage des français

                                                                     a- avant la convention de 1981

Les français de statut métropolitain, ne pouvaient juridiquement se marier au Maroc qu’en la forme de l’état civil, la loi nationale et la loi locale sur l’état civil ne reconnaissant que la forme civile du mariage. C’est la règle admise depuis l’arrêt de principe rendu par la cour de cassation le 03.03.1937, dans l’affaire Lezam contre Dame Elbaz. Mais une longue période d’incertitude a précédé cet arrêt.

La cour d’appel de Rabat estimait en effet que les français établis au Maroc pouvaient faire célébrer leur mariage non seulement devant l’officier d’état civil local, mais suivant l’une quelconque des formes admises dans ce pays, musulmane, rabbinique et même canonique. C’est ainsi par ex. que le tribunal de Rabat a reconnu valable dans son jugement du 19.04.1933, le mariage d’un français en la forme musulmane.

Contrairement à cette jurisprudence, certains tribunaux et tout spécialement celui de Casa, estimaient que depuis le dahir du 12.08.1913 sur la condition civile (DCC), les français de statut métropolitain ne pouvaient se marier au Maroc qu’en la forme de l’état civil.

                                                                     b- la convention franco-marocaine du 10.08.1981

Pose le principe de la soumission de la forme du mariage à la loi du lieu de célébration (article 6 alinéa 1) et permet à chaque Etat contractant d’exiger de ses ressortissants se mariant dans l’autre Etat, la forme consulaire.(article 6 alinéa 2).

                                                           2- forme du mariage des autres étrangers

                                                                     a- sous le protectorat

Les autres étrangers pouvaient se marier au Maroc sous différentes formes :

– ils pouvaient contracter mariage devant leur propre consul si leur loi nationale les y autorisait, mais cela n’était possible que si la forme consulaire était admise par leur loi nationale et si les deux conjoints étaient de même nationalité.

– ces étrangers pouvaient également se marier toujours si leur loi nationale interne admettait cette forme conformément aux prescriptions du Dahir du 04.09.1915 devant l’officier de l’état civil local.

                                                                     b- depuis l’indépendance

La jurisprudence voit plutôt dans l’article 11, une option offerte aux étrangers entre la forme prévue par la loi nationale et celle prévue par la loi marocaine. Cour d’appel de Rabat du 15.02.1963, qui a reconnu la validité du mariage civil entre deux espagnols.

                                                           3- forme du mariage des étrangers en cas de conflit des lois nationales

En cas de conflit entre deux lois nationales, quelle est la loi qu’il faut appliquer pour déterminer la forme du mariage de conjoints de nationalités différentes et dont les statuts s’opposent ? l’un par exemple ne reconnaissant pas le mariage religieux, l’autre l’admettant ou même l’imposant ?.

Après hésitation, la jurisprudence a fini par poser la règle de conflit suivante, faire dans ce cas application des deux lois en présence. Autrement dit, pour que le mariage soit valable, il faut qu’il soit célébré en une forme régulière au regard et de la loi nationale du mari et de celle de la femme. Ainsi, dans de nombreux cas, une double célébration s’imposera pour que soit valable, le mariage de deux étrangers au Maroc.

En cas de double nationalité de l’un ou des deux conjoints, le mariage sera valable non suivant le statut personnel qui aura été retenu par le tribunal en application de l’article 4 du DDC.

                                       Para 2 : mariage mixte entre marocain et étranger

Les mariages entre marocains et étrangers de même statut (soit musulmans soit non musulmans), ne soulève pas en principe de difficulté.

Les unions entre marocains et étrangers de statut différent constituent sur le plan juridique des mariages mixtes. A l’heure actuelle, ces mariages sont régis quant à leurs conditions de fond et de forme par le dahir du 04.03.1960 et par le nouveau code de la famille.

                                                 A- conditions de fond

Comme pour le mariage entre les étrangers, c’est la loi nationale de chacun des deux époux qui régit la question. Là aussi, il faut tenir compte de la loi de chacun des deux époux, alors même que cette loi se réfère à la condition de l’autre époux. C’est ainsi qu’une femme de statut monogamique ne peut épouser un marocain déjà marié, bien que le statut musulman de ce marocain le lui permette.

Mais ce que ce marocain ne peut faire avant son mariage avec une femme de statut monogamique, il pourra le faire par la suite malgré ce mariage en épousant une seconde femme du même statut que lui. En fait et dans la pratique, les officiers ont accepté de célébrer de tels mariages par application du dahir du 04.03.1960.

Pour étudier les conditions de fond du mariage mixte, il faut distinguer selon qu’il s’agit d’une marocaine musulmane, d’un marocain musulman ou d’un marocain israélite.

                                                           1- le cas de la femme marocaine musulmane

La femme marocaine de statut musulman ne peut épouser un non musulman, est donc nul le mariage d’un marocaine musulmane avec un étranger de confession autre que musulmane, il s’agit là d’un empêchement temporaire puisqu’il suffit au futur époux de se convertir à l’islam pour que le mariage soit valable.

                                                           2- le cas du mari marocain musulman

Contrairement à la femme marocaine musulmane, le mari musulman peut épouser une non musulmane à condition qu’elle soit femme du livre.

                                                           3- le cas du mari marocain israélite

Aussi bien pour la femme que pour l’homme, l’israélite marocain ne peut épouser qu’une israélite. Est donc nul, le mariage d’un israélite marocain avec une étrangère de confession différente. Le dahir du 04.03.1960 le prévoit expressément.

Cette interdiction faite par le dahir de 1960 à une israélite marocaine de se marier avec un étranger non israélite même s’il est musulman a été discutée parce que contraire à la loi musulmane un dahir ne pouvant aller à l’encontre d’une disposition du Chraâ.

                                                 B- les conditions de forme

Le DCC ne contient aucune disposition relative à la forme du mariage des marocains avec les étrangers. Sous le protectorat, ce mariage était célébré devant l’officier d’état civil et ce au mépris de l’exigence de la forme adoulaire ou rabbinique du droit marocain.

En outre, certaines interdictions du statut personnel du conjoint marocain notamment le mariage d’un musulmane avec un non musulman ou le mariage d’un juif avec un non juif (marocain) ont dû être célébrés devant l’officier de l’état civil.

Pour mettre un terme à cette pratique administrative et jurisprudentielle, le dahir du 04.03.1960 est venu préciser les conditions à observer pour que le mariage mixte puisse être célébré devant l’officier de l’état civil.

Ainsi, ce texte permet une double célébration, il autorise la célébration du mariage mixte en la forme de l’état civil en conformité du dahir du 04.09.1915 mais cette célébration est subordonnée : « à la consécration préalable de l’union dans les conditions de fond et de forme prévues par le statut personnel du conjoint marocain », la célébration religieuse doit précéder la célébration civile.

Le nouveau code de la famille ayant repris le principe du privilège de nationalité dans son article 2 alinéa 3, le mariage entre un marocain et un étranger sera donc valablement conclu dès lors qu’il répond aux exigences du droit marocain.

La solution devrait être étendue au mariage conclu entre deux étrangers dont l’un est de confession musulmane, celui-ci devant être assimilé quant à son statut personnel aux marocains musulmans sous réserve de l’interprétation que donnerait la jurisprudence des nouvelles dispositions du code de la famille concernant le maintient du privilège de religion.

Que se passe-t-il quand le conjoint marocain n’est ni musulman ni israélite ? Sous quelle forme ce mariage mixte doit-il être célébré ?

Pour les mariages conclus avant le nouveau code de la famille, conformément d’une part aux dispositions de l’article 3 du code de la nationalité de 1958 qui soumettent ce marocain à la Moudawana, et d’autre part aux dispositions du dahir du 04.03.1960 qui prescrivent la consécration préalable de l’union dans les conditions de fond et de forme prévues par le statut personnel du conjoint marocain, ce mariage devait être célébré d’abord devant les Adouls, conformément à la Moudawana alors même qu’aucun des futurs époux n’est de confession musulmane.

Ils pouvaient ensuite être célébrés devant l’officier de l’état civil ou en une forme prévue par sa propre religion. Ainsi dans ce cas, le cumul de 3 formes était possible. Cette célébration devant l’officier de l’état civil n’était pas obligatoire en cas d’union mixte, elle ne l’était que si la loi nationale du conjoint étranger l’imposait.

Pour les mariages conclus après la promulgation du nouveau code par application de l’article 2 alinéas 1 et 3, les conditions exigées par le droit marocain musulman doivent être respectées.

Pour ce qui est des rapports franco-marocains, la convention de 1981 distingue selon que le mariage est célébré en France ou au Maroc. S’agissant de la première hypothèse, le mariage doit d’abord être célébré devant l’officier d’état civil français ensuite, enregistré au consulat marocain. (Article 6 alinéa 3).

En fait, il ne s’agit pas là d’un simple enregistrement, mais d’une véritable célébration devant les Adouls. L’article 6 alinéa 3 consacre ainsi la procédure inverse de celle prévue par le dahir de 1960.

S’agissant de la 2ème hypothèse, le mariage ne peut être célébré par les Adouls que sur présentation par l’époux français, du certificat de capacité matrimoniale délivré par le consulat français. (Article 6 alinéa 4).

                                       Para 3 : le mariage des marocains à l’étranger

Ni le DCC ni le dahir de 1960 ne prévoient les conditions de forme de mariage des marocains à l’étranger. Devant ce silence, il était normal qu’il s’agisse d’une union entre marocains ou d’une union mixte que le mariage des marocains à l’étranger ne soit valable qu’autant que les conditions de fond et de forme prévues par le statut personnel du ou des conjoints marocains ait été observées.

Un décret du 19.06.1970 fixant les attributions des agents diplomatiques et consulaires, donne pouvoir à ceux-ci de conclure le mariage des ressortissants marocains.

Avec le nouveau code, le législateur consacre la règle Locus regi actum (soumission de l’acte juridique au lieu où  il a été rédigé : loi du lieu de rédaction).

En effet, aux termes de l’article 14 : « les marocains résidents à l’étranger peuvent conclure leur mariage en conformité avec les procédures administratives locales pourvu que soient réunies les conditions de consentement et de l’aptitude et qu’il n’y ait pas d’empêchements légaux et pas de renonciation à la dot et en présence de deux témoins musulmans et du wali si c’est nécessaire. ».

L’article 15 fixe les conditions de reconnaissance par les autorités marocaines de l’acte civil établi à l’étranger : «  les intéressés sont tenus de l’enregistrer dans un délai de 3 mois auprès de l’autorité consulaire marocaine du lieu où l’acte est établi. A défaut d’autorité consulaire, une copie doit être envoyée au ministère des affaires étrangères ». Dans tous les cas, le mariage est porté en marge de l’acte de naissance des intéressés.

Si les époux sont nés au Maroc, le consulat ou le ministère des affaires étrangères envoie une copie de l’acte de mariage à l’officier d’état civil du lieu de la naissance des époux et au tribunal de la famille.

Si les époux sont nés à l’étranger, la copie de l’acte du mariage est envoyée à la division de la justice de la famille à Rabat et au procureur du roi du TPI de Rabat. (Article 15 du nouveau code).

                             Section 3 : le divorce et la séparation de corps

Le texte applicable ici est l’article 9 du DCC, lequel dispose que : « les français et les étrangers ont le droit de demander le divorce ou la séparation de corps aux conditions fixées par leurs lois nationales ».

                                       Para 1 : les conditions de fond du divorce

                                                 A- la loi applicable au droit au divorce lui-même ou au droit à la séparation de corps lui-même

L’article 9 du DCC soumet le droit au divorce ou à la séparation de corps des étrangers à leurs lois nationales, aucun problème particulier ne se pose lorsque les époux ont une nationalité commune, on fait tout simplement application de leur loi nationale commune.

Plus embarrassante est la situation des époux de nationalités différentes et dont les lois sont contradictoires, ce cas n’a pas été prévu par le DCC. Certains se sont demandés s’il fallait dans ce cas donner préférence à la loi nationale du mari, en réalité, rien ne plaide en faveur de cette solution.

La jurisprudence s’est prononcée pour l’application des deux lois nationales en présence. Sous le protectorat, le principe de respect intégral de statut personnel de tout étranger devant être absolu, les tribunaux français du Maroc ont jugé que chacun des époux avait le droit de poursuivre la dissolution de son mariage ou la séparation de corps, conformément à sa propre loi nationale.

C’est ce qu’a décidé par ex. la cour d’appel de Rabat dans son arrêt du 11.01.1944 en rappelant le principe bien établi en ces termes : « le droit local consacre la souveraineté complète des lois de statut personnel, toutes les institutions de droit privé doivent être également respectées. En présence d’un couple mixte, le conflit des lois personnelles des époux doit être réglé par un cumul d’applications aboutissant à faire à chaque loi sa part ».

Cour d’appel de Rabat le 12.07.1941 : « le statut personnel de l’épouse algérienne sujette française, autorise le divorce quand bien même l’époux établi sa nationalité espagnole et que son statut personnel ne reconnaît pas par suite cette procédure ».

Cette solution nous conduit parfois à des situations des plus absurdes, par ex. une épouse dont la loi nationale admet le divorce et qui demande la dissolution du mariage contre son mari dont la loi nationale prohibe ce mode de relâchement des liens conjugaux, sera déliée du mariage par application de sa loi nationale tandis que le mari sera toujours lié par cette union conformément à sa propre obligation nationale, l’application intégrale de l’article 9 du DCC, l’obligation de respecter de façon absolue le statut personnel de tout étranger établi au Maroc, conduit inévitablement à des résultats aussi aberrants.

La jurisprudence n’a donc pas favorisé l’unité du statut matrimonial, pareille solution ne peut être maintenue.

La doctrine préconise dans ce cas ou de donner préférence à l’une ou l’autre des deux lois nationales en présence, ou de soumettre le droit au divorce à la loi du domicile qui correspond le plus souvent à la lex fori. Mais étant donné le rattachement du système marocain à la loi nationale en matière de statut personnel, il semble que la première solution serait préférable ce qui conduirait à l’application de la loi nationale de l’époux demandeur par référence à l’article 9 du DCC, mais ce texte doit recevoir une interprétation autre que celle qui était la sienne sous le protectorat. La loi nationale de l’époux demandeur ne régirait plus le divorce du demandeur uniquement, mais des deux époux.

En fait, à l’heure actuelle la jurisprudence n’est toujours pas fixée, tantôt elle retient la loi nationale du demandeur, tantôt celle du défendeur, tantôt la loi demandée par l’un des époux, tantôt la loi du lieu de célébration du mariage, certaines décisions ont même prononcé le divorce sans même préciser par application de quelle loi.

Il est à remarquer également que c’est au jour où l’action en divorce ou en séparation de corps est intentée, qu’il faut se placer pour déterminer la loi nationale normalement compétente, c’est ainsi que dans un arrêt rendu le 16.01.1962, la cour suprême a énoncé qu’en matière de divorce ou de séparation de corps, c’est la loi nationale des époux, la loi nationale en vigueur au moment où l’action en justice est introduite qui s’applique.

                                                 B- la loi applicable aux causes du divorce ou de la séparation de corps.

Là non plus, aucun problème particulier ne se pose lorsque les époux sont de mêmes nationalités, c’est la loi nationale commune qui s’applique. Plus délicate, et là aussi, la situation lorsque les époux sont de nationalités différentes. Comme pour le divorce lui-même, l’idée d’unité de statut matrimonial fait défaut ici.

La jurisprudence a dans un premier temps posé le principe suivant, c’est que le divorce peut être prononcé pour les causes prévues par la loi de l’époux demandeur même si la loi de l’autre conjoint ne considère pas les faits allégués comme pouvant justifier la dissolution du mariage.

Les causes de divorce ou de séparation de corps, cela peut être par exemple l’injure grave, la folie incurable ou tout simplement : « lorsque le lien conjugal est si profondément atteint, que la vie commune est devenue impossible ».

En ce qui concerne les causes de divorce ou de séparation entre marocains et étrangers, le DCC n’a rien prévu. Sous le protectorat, les tribunaux français du Maroc, faisaient prévaloir le statut personnel du conjoint européen sur le statut personnel musulman.

Mais avec l’indépendance, la cour suprême confirmant un arrêt rendu par la cour d’appel de Rabat le 23.12.1969 a décidé dans son arrêt du 07.02.1972, qu’on ne peut appliquer au mari marocain que le statut personnel musulman. Dans cette affaire, la jurisprudence a ainsi consacré le principe du privilège de nationalité qui conduit à l’application du droit marocain dès lors qu’un marocain est en cause. Le nouveau code de la famille reprend ce principe.

La même solution serait applicable dès lors qu’est en cause un époux de confession musulmane sous réserve de l’interprétation que ferait la jurisprudence de l’alinéa 4 de l’article 2 de la convention franco-marocaine.

Pour ce qui est des rapports franco-marocains, la dissolution du mariage est régie par la loi nationale commune des époux. (Article 9 alinéa 1). A défaut de nationalité commune, c’est la loi du domicile commun ou à défaut, la loi du dernier domicile commun des époux qui est compétente. (Article 9 alinéa 2 de la convention franco-marocaine).

                                       Para 2 : les conditions de forme du divorce ou de la séparation de corps

Soucieux de respecter de façon absolue le statut personnel des étrangers établis au Maroc, les tribunaux français du Maroc ont bien entendu fait application de la loi nationale des époux en matière de droit au divorce ou au droit à la séparation de corps et pour déterminer également les causes de ce divorce ou de cette séparation de corps.

Ces mêmes tribunaux se réfèrent également à cette loi nationale pour les modes de dissolution et les autorités qualifiées pour procéder à la rupture ou au relâchement des liens conjugaux. Autrement dit, par référence à l’ancien article 394 du code de procédure civile selon lequel les dispositions de procédure n’étaient applicables aux étrangers que dans la mesure où elles n’étaient pas inconciliables avec leurs lois nationales, l’ancienne jurisprudence accordait une suprématie à la loi nationale, elle suivait la procédure fixée par celle-ci.

Mais cette étonnante disposition n’a pas été reprise par le nouveau code de procédure civile. Toutefois, bien avant cette abrogation par le législateur du Maroc indépendant, la jurisprudence a écarté l’application de cette règle. C’est ainsi par ex. que la loi espagnole qui exige que la séparation de corps entre espagnols soit soumise aux tribunaux ecclésiastiques, a été écartée par la cour suprême dans son arrêt du 07.07.1967, décidant à l’occasion qu’au Maroc, seuls les tribunaux marocains sont compétents pour rendre la justice.

Selon l’article 79 du nouveau code de la famille, c’est désormais le tribunal du domicile conjugal qui est compétent si les époux y sont établis. A défaut, le tribunal du domicile de l’épouse ou à défaut, le tribunal du lieu d’établissement de l’acte de mariage.

                                       Para 3 : la loi applicable aux effets du divorce

On entend par effets du divorce, d’une part des effets personnels à chacun des époux pris individuellement, comme la possibilité ou l’empêchement à un nouveau mariage et d’autre part, les effets concernant les rapports entre les ex époux comme la pension alimentaire, la garde d’enfant, la réparation du dommage résultant du divorce.

Le DCC ne réglemente pas la question. Certains auteurs y ont vu un abandon de la loi nationale il serait plus logique, étant donné le particularisme du DIP marocain en matière de statut personnel de faire plutôt application de la loi nationale, les effets du divorce étant considérés comme entrant dans la catégorie du statut personnel. Le principe serait donc que tous les effets du divorce ou de la séparation de corps sont régis par la loi nationale des ex époux quand ils sont de la même nationalité.

Si les époux sont de nationalités différentes, il faut distinguer selon les effets. Pour les effets personnels à chacun des ex époux, c’est la loi nationale de chacun d’eux qui régira les suites du divorce. Il n’y a donc aucun problème particulier.

La convention franco-marocaine du 10 août 1981, dans son article 10 soumet les effets personnels qui découlent de la dissolution du mariage, à la loi qui a prononcé le divorce.

Pour les effets communs, indivisibles, la jurisprudence est hésitante. En ce qui concerne la pension alimentaire, on s’est demandé en vertu de quelle loi un tribunal pouvait-il l’établir. En vertu de la loi nationale de l’époux débiteur, en vertu de la loi nationale de l’époux créancier ou enfin en vertu de la lex fori sur la responsabilité délictuelle. La jurisprudence n’est pas bien établie sur la question.

Par ex. le 27 juin 1952, la cour d’appel de Rabat a jugé que le droit de l’époux innocent à la réparation du préjudice que lui cause la rupture du mariage, trouvait son fondement dans l’article 77 du D.O.C, article relatif à la responsabilité délictuelle, et non dans le statut personnel de l’époux coupable, donnant ainsi à la pension alimentaire un caractère indemnitaire.

Plus tard, la même cour le 17 juin 1953, à l’occasion d’une instance en divorce entre un marocain et une turque, a fait rentrer la question de la pension alimentaire dans la catégorie du statut personnel de l’époux créancier. Pour établir la durée de cette pension alimentaire, la cour de Rabat a fait application de la loi turque, la loi nationale de l’épouse, au profit de qui le divorce a été prononcé.

C’est également la loi du créancier d’aliments qui a été adoptée par la cour suprême dans son arrêt du 08 Mars 1960. Mais il serait peut-être plus logique de rattacher les effets indivisibles du divorce à la loi au nom de laquelle celui-ci a été prononcé.

La convention franco-marocaine de 1981 retient plutôt comme facteur de rattachement la loi de la résidence habituelle du créancier d’aliments. Le même problème s’est posé pour la loi applicable à la garde des enfants. La plupart des systèmes juridiques étrangers déterminent l’attribution et les modalités de la garde en fonction de l’intérêt de l’enfant. Au Maroc, il n’y a pas de solution de principe mais selon une partie de la doctrine, l’intérêt de l’enfant devrait prévaloir.

                             Section 4 : les régimes matrimoniaux

Les articles 12, 14 et 15 régissent la question des biens des époux durant leur mariage.

A coté du régime légal, c’est à dire l’hypothèse dans laquelle les époux n’ont pas songé à rédiger un contrat de mariage pour régir leurs biens, il existe un second régime, le régime conventionnel, le cas où les parties ont pris le soin de rédiger un contrat de mariage en vue de régir leurs biens durant leur union.

                                       Para 1 : le régime conventionnel

                                                 A- les conditions de fond

L’article 14 du DCC distingue deux hypothèses, si le contrat de mariage est rédigé au moment de la célébration du mariage, c’est la loi nationale du mari qui régira la validité intrinsèque de ce contrat. Si au contraire, le contrat de mariage est rédigé au cours du mariage, sa validité et ses effets seront soumis à la loi nationale des époux au moment de la rédaction du contrat.

Si les époux sont de nationalités différentes, c’est la loi nationale de chacun des deux époux qui s’appliquera.

D’après le 2nd alinéa de l’article 14, c’est à cette même loi à savoir, la loi nationale du mari au moment de la célébration du mariage, ou la loi nationale des deux époux au moment de la rédaction du contrat, qu’il faut se référer pour savoir si ces époux peuvent choisir une autre loi afin de régir leurs contrats. Là aussi, si les conjoints sont de nationalités différentes, il faut demander à chacune des deux lois en présence si l’autonomie de la volonté est possible en cette matière.

La loi normalement applicable dépend ainsi du moment où le contrat a été rédigé. La possibilité de l’article 14 alinéa 2 donnée aux époux de se référer à une loi qui déterminerait les effets du mariage, permet en quelque sorte de ranger la matière des régimes matrimoniaux dans la catégorie conventionnelle.

Toutefois, le principe de l’autonomie de la volonté ne pourra jouer dans ce cas que si la loi nationale du mari au moment de la célébration du mariage ou alors la loi nationale commune des époux ou encore les deux lois nationales en présence le permettent.

Maintenant, que le droit interne de la famille a été réformé et qu’il accorde aux époux la faculté d’opter pour le régime de la séparation de biens, ne faudrait-il pas modifier également les solutions admises jusque là en DIP, et préconiser par ex. l’option de législation entre la loi nationale des intéressés et la loi de la première résidence ou du premier domicile conjugal ou pourquoi pas, la loi du lieu de célébration du mariage.

                                                 B- les conditions de forme du contrat de mariage

Aux termes de l’article 12 du DCC : « le contrat de mariage est valable quant à la forme s’il a été conclu suivant la loi nationale de chacun des futurs époux ou à défaut, suivant les prescriptions imposées aux français en France par la loi française ».

Il est évident que la référence faite par l’article 12 à la loi française ne s’explique plus à l’heure actuelle. Aussi, avec l’indépendance, pour qu’un contrat de mariage soit valable quant à la forme, il doit répondre aux exigences soit de la loi nationale soit à celles de la loi locale c’est à dire la forme prévue par le Dahir du 04 Mai 1925 qui est la forme authentique ou la forme adoulaire ou rabbinique. Ces mêmes règles s’appliquent aux contrats de mariage conclus à l’étranger.

Il est à remarquer que les époux peuvent changer de régime Matrimonial durant leur mariage. Il faut toutefois que la loi nationale des intéressés l’autorise.

                                       Para 2 : le régime légal

Aux termes de l’article 15 du DCC : « en l’absence de contrat, les effets du mariage sur les biens des époux tant immeubles que meubles, sont régis par la loi nationale du mari au moment de la célébration du mariage. Le changement de nationalité des époux ou de l’un d’eux n’aura pas d’influence sur le régime des biens. ». Le régime matrimonial légal est rattaché ainsi au statut personnel. La loi applicable est la loi nationale du mari au moment de la célébration du mariage, c’est à dire la loi nationale interne en vigueur au moment du mariage dans le pays dont le mari est ressortissant.

Ainsi, le principe de la fixité de la loi dans le temps est admis, c’est à dire que même si par ex. le régime légal du mari venait à être modifié dans son pays d’origine avec effet rétroactif, les époux conserveraient eut égard au DIP marocain, leur régime matrimonial d’origine. Le conflit transitoire dans le temps a été ainsi résolu. (En faveur de la loi ancienne).

En outre, par loi nationale du mari on entend la loi nationale interne du pays dont le mari est ressortissant, ex. cour d’appel de Rabat, le 16 février 1943.

Par ailleurs, le changement de nationalité d’un des époux au cours du mariage n’a pas d’influence sur la détermination de la loi applicable. C’est la loi nationale du mari au moment de la célébration du mariage qui prévaut.

De même, peu importe le lieu de célébration du mariage, et ce bien que l’article 15 ne précise pas si ces dispositions s’appliquent uniquement aux effets pécuniaires du mariage conclu au Maroc, ou si elles régissent également les effets des mariages contractés à l’étranger.

C’est ainsi que certaines décisions du protectorat doivent être critiquées comme par ex. l’arrêt de la cour d’appel de Rabat du 24 octobre 1950 : « attendu qu’il n’est pas douteux que l’article 15 susvisé doit être appliqué aux situations juridiques nées dans le protectorat, mais que ce texte ne peut régir des situations déjà nées et acquises dans un autre pays ayant un régime différent ».

Cette décision recourt au lieu de célébration et à celui du premier établissement conjugal. D’autres décisions ont fait appel au critère du premier domicile conjugal établi au Maroc, pour soumettre le régime matrimonial à la loi nationale du mari.

Or, ni le lieu de célébration ni celui du premier domicile conjugal ne devraient être pris en considération puisque l’article 15 en réalité soumet expressément le régime matrimonial légal à la loi nationale du mari au moment de la célébration du mariage.

                              Section 5 : le statut successoral

L’article 18 du DCC dispose : « la dévolution héréditaire des meubles ou des immeubles situés au Maroc est soumise à la loi nationale du défunt en ce qui concerne la désignation des successibles, l’ordre dans lequel ils sont appelés, les parts qui leurs sont attribuées, les rapports, la quotité disponible et la réserve ».

C’est également la loi nationale qui régit la validité intrinsèque et les effets des dispositions testamentaires. Comme la plupart des articles du DCC, l’article 18 ne prévoit que le cas des biens situés au Maroc, la jurisprudence l’a bilatéralisé.

                                       Para 1 : les successions légales

En soumettant la dévolution héréditaire des meubles et des immeubles à la loi nationale du défunt, le DCC lie les règles successorales au statut personnel.

Contrairement au DIP français qui soumet les successions mobilières et immobilières à deux lois différentes, le DIP marocain fait régir les deux sortes de successions à la même loi, la loi nationale du défunt.

Une exception toutefois à cette règle, les musulmans n’héritent pas des non musulmans et inversement. Ainsi, en cas de conversion à l’islam d’un étranger dont la loi nationale appartient à un système laïque, les héritiers qui seraient demeurés non musulmans se trouveraient écartés de la succession.

                                       Para 2 : les successions testamentaires

                                                 A- les conditions de fond

L’alinéa 2 de l’article 18 du DCC soumet tant les conditions de fond que les effets du testament à la loi nationale du testateur.

                                                 B- les conditions de forme

L’article 18 n’édicte au contraire aucune règle de conflit sur la validité du testament quant à la forme. Face à ce silence, la jurisprudence assimilant le testament à un acte juridique, a fait application de l’article 10 du DCC relatif à la forme des actes juridiques. Ainsi, un testament est valable s’il a été passé soit suivant les formes de la loi nationale du testateur, soit suivant les formes de la loi locale, soit enfin, suivant les formes de la loi française.

Il est à noter toutefois, que les deux dernières lois prévues par l’article 10, peuvent être écartées au profit de la seule loi nationale du testateur, lorsque cette loi nationale considère une forme donnée, comme un élément essentiel de la validité du testament. Autrement dit, lorsque cette loi nationale considère une forme donnée comme une règle de fond touchant à l’état et la capacité du testateur.

Dans l’ex. de l’ancien article 992 du code civil néerlandais qui prohibe le testament en la forme holographe et impose de ce fait la forme authentique, qualifiant lege causae, le juge marocain écarterait les formes de la loi locale ou celles de la loi française pour faire application de la seule loi nationale du testateur considérée dans ce cas comme une condition de fond.

L’indépendance du Maroc ayant rendu caduque le recours à la loi française pour régir la forme des actes, il reste dont la forme de la loi nationale, la forme notariée qui est régie par le Dahir du 04 Mai 1925, relatif à l’organisation du notariat Maroc et les autres formes locales c’est à dire adoulaire et rabbinique.

On constate donc que la question du testament bien que se rattachant au statut personnel, était scindée en deux catégories, les conditions de fond étant régies par la loi nationale du testateur, les conditions de forme par une autre règle de conflit de lois.

Mais il semble que la jurisprudence marocaine actuelle ne suive plus cette tendance. En 1977, la cour suprême dans son arrêt du 28 février, aurait soumis aussi bien le fond que la forme du testament à la loi nationale du testateur. La même solution a déjà été consacrée par la cour d’appel de casa dans son arrêt du 29 Janvier 1976, qui a annulé un testament en la forme prévue par la loi française par un français converti à l’islam, « la conversion à l’islam anéantissant tout état antérieur qui ne peut par suite produire aucun effet ».

Dans tous les cas, là non plus, il n’y a pas lieu de limiter la règle aux seuls biens situés au Maroc. Elle doit être également retenue comme principe général du DIP marocain, pour les successions comprenant des biens situés à l’étranger, dès lors que la liquidation est soumise à un tribunal marocain.

                   Chapitre 2 : le statut contractuel

                             Section 1 : les conditions de fond

L’article 13 du DCC dispose : « les conditions de fond et les effets des contrats sont déterminés par la loi à laquelle les parties ont eu l’intention expresse ou tacite de se référer ;

Si la détermination de la loi applicable dans le silence des parties ne ressort ni de la nature de leur contrat ni de leur condition relative ni de la situation des biens, le juge aura égard à la loi de leur domicile commun. A défaut de domicile commun, à leur loi nationale et si elles n’ont ni domicile dans le même pays ni nationalité commune, à la loi du lieu du contrat. ».

Il résulte ainsi de l’article 13 que le principe déterminant est celui de l’autonomie de la volonté, les parties contractantes ont pleine liberté de se référer à une loi de leur choix pour fixer les rapports d’obligation dans la conclusion de leur contrat aussi bien en ce qui concerne les conditions de fond qu’en ce qui concerne les effets de ce contrat ; Et ce choix de la loi applicable peut être fait de façon expresse ou même tacite.

Le principe de l’autonomie de la volonté en matière contractuelle est universellement admis, il l’est par ex. en France mais au Maroc, on a avancé qu’en raison de son fondement d’origine internationale et surtout en raison du principe de l’égalité juridique et économique, de tous les étrangers établis au Maroc, cette autonomie de la volonté reconnue aux parties en ce domaine devait s’appliquer de façon plus large et devait donc avoir une portée plus importante au Maroc qu’en France.

Pour la doctrine classique, la volonté des parties est souveraine en matière de contrats. Aucune limite ne semble s’imposer au cocontractant pour le choix de la loi applicable. Même la fraude à la loi ne parait pas être prise en considération puisque les parties peuvent soumettre leurs contrats avec laquelle l’opération ne présente aucun lien. C’est ce qui résulte de cet arrêt rendu par la cour d’appel de Rabat le 28 Mars 1928 : « par cette disposition expresse de la charte du DIP au Maroc, le législateur a voulu que les parties fussent entièrement libres de contracter suivant la loi de leur choix ».

Parmi les applications les plus caractéristiques de ce principe, citons cet arrêt rendu par la cour d’appel de Rabat, le 07 Septembre 1930. En droit interne, il existe un texte dans le D.O.C qui énonce que : « les parties ne peuvent par des conventions particulières, proroger le délai de la prescription au-delà de 15 ans fixé par la loi ».

Il s’agit là d’une disposition impérative à laquelle les parties ne peuvent en aucun cas se soustraire. Malgré cela, la cour d’appel de Rabat décide dans cet arrêt, que la loi portugaise qui établit un délai de prescription de 20 ans, pouvait recevoir son application au Maroc, dès lors que cette loi régissait le contrat intéressé. Pour la cour d’appel, ce caractère impératif du texte susvisé ne concerne que les contrats soumis à la loi marocaine, non ceux régis par une loi étrangère.

                                       Para 1 : choix par les parties de la loi applicable

                                                 A- choix explicite

La recherche de l’intention des parties quant à la loi applicable ou à la localisation de l’acte ne soulève généralement pas de difficultés lorsque la volonté a été exprimée en termes expresses c’est à dire lorsque les parties ont pris soin d’insérer une clause particulière désignant la loi qui régit le contrat. La loi ainsi choisie est alors déclarée compétente sous réserve de l’intention de l’ordre public.

                                                 B- le choix implicite

En fait et dans la pratique, il est rare que le contrat comporte une référence explicite à la loi applicable. La plupart du temps, l’intention des parties n’est pas aussi clairement exprimée. A défaut de clause explicite, les tribunaux cherchent à dégager une référence implicite à la loi normalement compétente d’un certain nombre de manifestations de volonté possible.

1- tout d’abord, cette intention implicite peut être une clause particulière insérée dans le contrat, une clause qui se réfère par exemple à un texte ou à une règle empruntée à la législation d’un pays déterminé.

De même, si cette référence porte sur des éléments importants du contrat, elle sera généralement interprétée comme révélant l’intention des parties de soumettre tout le contrat à la loi ainsi désignée.

De même, une clause attributive de juridiction à un tribunal d’un pays déterminé permet d’y voir une intention tacite mais effective de rattacher le contrat à la loi de l’Etat dont relève cette juridiction ainsi désignée. Cela bien entendu à condition que cet indice ne soit pas infirmé par une manifestation différente, une manifestation expresse de la volonté des contractants.

Autre indice, il se peut que les contractants aient adopté des contrats d’adhésion et surtout des contrats type conformes aux formules d’un pays donné. On peut en déduire que les parties ont eu par là même, l’intention de se référer à la loi de ce pays auquel on emprunte les contrats d’engagement ou les contrats type.

2- cette volonté implicite de soumette le contrat à telle ou telle loi peut résulter également de certaines circonstances comme par exemple le lieu ou la monnaie de paiement ou encore la langue employée.

                                       Para 2 : absence de choix par les parties de la loi applicable

Lorsque le contrat ne contient aucune référence explicite ou implicite à la loi normalement applicable, les tribunaux doivent suppléer aux défauts de la volonté exprimée. Ils ont alors recours à des présomptions pour déterminer la loi applicable. Pour cela, l’article 13 a énuméré dans son alinéa 2 les divers éléments auxquels il faut se référer pour établir la volonté présumée des parties. Ces présomptions sont impératives et doivent être utilisées dans l’ordre de préférence légal. Ce caractère impératif a été rappelé par le tribunal de Tanger dans un jugement du 15 Mars 1930 : « attendu que ce texte n’est pas uniquement une simple énumération, mais qu’il établit un ordre de préférence entre les diverses lois applicables ».

En droit français, pour les contrats conclus avant l’entrée en vigueur de la convention de Rome du 19 Avril 1980, sur la loi applicable aux obligations contractuelles, deux catégories d’indices guident les tribunaux dans cette recherche de la loi applicable.

1- s’il existe des indices particuliers, les juges s’y réfèrent sans que soit exclue toutefois, la possibilité de se référer en même temps aux indices généraux tirés de l’exécution et de la conclusion du contrat. Parmi les indices particuliers, les plus fréquemment utilisés, il faut citer la nature juridique ou l’objet du contrat litigieux. C’est ainsi que la situation de l’immeuble ou d’un fond de commerce, le lien que possède un contrat avec d’autres constitue des présomptions en faveur de la soumission du contrat à une loi déterminée. Plus subsidiairement, la nationalité commune des parties ou de leur domicile sont pris en considération lorsqu’ils sont en concordance avec d’autres éléments.

2- à coté des ces indices particuliers, des indices généraux peuvent être pris en considération, la loi du lieu de formation ou le lieu d’exécution du contrat. C’est l’application de la théorie de la localisation du contrat. Le juge est donc libre de déterminer le centre de gravité de l’opération juridique objet du contrat.

Toute autre est la méthode imposée au juge marocain qui doit recourir aux présomptions prévues par l’article 13 alinéa 2 suivant l’ordre fixé par le texte. En droit marocain, il est à remarquer que le lieu du contrat est cité en dernier. Les règles du DIP marocain relatives à la recherche de la volonté présumée des parties en matière contractuelle, sont différentes de celles du DIP français qui accorde au juge une latitude très large pour rechercher l’intention présumée des parties et qui retiennent souvent comme critère primordial, la loi du lieu d’exécution ou si le contrat a plusieurs lieux d’exécution, la loi du lieu de conclusion.

                                       Para 3 : domaine de la loi d’autonomie

La loi d’autonomie régit les conditions de formation du contrat, c’est à dire ses conditions de fond, à l’exception de la capacité des contractants qui relève de leur loi nationale. Elle est également applicable à ses effets tels les obligations et les droits des parties. Toutefois, l’interventionnisme de l’Etat peut conduire à l’exclusion de la loi d’autonomie au profit de la lex fori en tant que loi d’application immédiate.

Certains contrats échappent totalement ou partiellement au principe de l’autonomie de la volonté, et se trouvent ainsi soumis à une loi propre. Par ex., le contrat de travail ne peut déroger aux règles sur la durée du travail ou le salaire sous prétexte qu’il serait soumis à une loi étrangère parce que conclu à l’étranger.

L’article 13 ne s’applique qu’aux contrats internationaux c’est à dire aux contrats présentant un élément d’extranéité on dit qu’un contrat est international lorsque tous ses éléments ne se situent pas dans le même système juridique. Doit donc être écartée l’idée en vigueur sous le protectorat, et selon laquelle le contrat conclu entre étrangers ou entre un étranger et un marocain relève automatiquement des règles du DCC.

La nationalité étrangère des contractants n’est donc pas un critère suffisant pour qualifier un contrat de contrat international. Une relation juridique qui se déroule entièrement sur le territoire marocain relève du droit interne marocain même si les parties sont de nationalités étrangères.

Inversement, un contrat entre marocains s’il présente des attaches avec plusieurs systèmes, relève des règles du DCC.

                             Section 2 : les conditions de forme

Aux termes de l’article 10 du DCC : « les actes juridiques passés au Maroc sont quant à la forme, valables s’ils sont faits suivant les prescriptions soit de la loi nationale des parties soit de la loi française soit de la loi édictée au Maroc soit enfin les lois et usages locaux. ».

L’article 10 n’édicte aucune règle relative à la forme des actes passés à l’étranger. Les tribunaux appliquent dans ce cas la règle locus regi actum (la loi du lieu de rédaction du contrat), ils admettent également comme valable, la forme prévue par la loi nationale des parties.

La référence aux formes prévues par la loi française ne se justifie plus à l’heure actuelle. Il ne faudrait donc plus retenir que les formes retenues par les lois nationales des parties ou les formes locales.

L’énumération de l’article 10 du DCC a un caractère limitatif. Si, pour les règles de fond, les parties peuvent se soumettre librement à une loi de leur choix, pareille liberté n’existe pas pour les règles de forme.

                             Section 3 : le contrat et l’ordre public international

On s’est posé la question de savoir s’il existait de cas où le principe de l’autonomie de la volonté tel qu’il a été dégagé par la jurisprudence de l’article 13 du DCC, ne pouvait jouer au Maroc en matière contractuelle. Plusieurs fois, la jurisprudence a affirmé que l’autonomie de la volonté pouvait se trouver restreinte si l’ordre public était menacé.

Il existe au Maroc deux sortes d’ordres publics :

                                       Para 1 : ordre public absolu

Par ordre public absolu, on entend ordre public qui fait échec aux dispositions d’une loi étrangère librement choisie par les parties contractantes. Il fait ainsi obstacle au jeu même de l’article 13 du DCC.

D’après l’arrêt de la cour d’appel de Rabat du 18 Mars 1928, cet ordre public absolu se réduirait aux bonnes mœurs et à la sûreté de l’Etat. Un exemple particulièrement caractéristique de la volonté du législateur édictant des règles impératives faisant échec au principe de l’autonomie de la volonté, et le code de commerce maritime du 31.03.1919.

Dans ce code, le souci évident du législateur a bien été d’imposer les règles qu’il édictait. L’article 265 énonce la règle à portée générale et impérative suivante : « est nulle et de nul effet, toute clause de connaissement ou titre de transport maritime, créé au Maroc ou à l’étranger, ayant directement ou indirectement pour objet, de soustraire l’armateur à sa responsabilité, de déroger aux règles de la compétence ou de renverser la charge de la preuve ».

L’article 267 précise que : « ces dispositions s’appliquent à tout transport de marchandise à destination ou en provenance des ports du Maroc et ce, alors même que le connaissement ou le titre de transport est créé à l’étranger entre étrangers ou que les parties stipulent que le contrat sera régi par une loi étrangère, toute stipulation de cette nature étant nulle et de nul effet. ».

Enfin, l’article 468 punit d’une peine d’amende l’insertion de clauses non conformes.

Il résulte de ces différents textes du code de commerce maritime, que le législateur a bien entendu faire échec dans ce code, aux dispositions de l’article 13 du DCC.

Ainsi, toutes les dispositions internes qui peuvent être considérées comme d’ordre public font échec à l’autonomie de la volonté.

                                        Para 2 : ordre public islamique

Le D.O.C contient des règles de pur droit musulman, certaines de ces règles sont déclarées impératives mais simplement pour les musulmans.

Sous le régime du protectorat, les tribunaux estimaient que seuls les marocains de statut musulman étaient soumis impérativement à cet ordre public islamique, et seulement dans les affaires les concernant exclusivement.

Il était admis que les étrangers de statut musulman pouvaient échapper à ces règles, comme tous les étrangers, ils étaient bénéficiaires de toutes les dispositions du DCC et pouvaient par suite, en vertu du principe de l’égalité juridique et conformément à la règle de l’autonomie de la volonté, contracter sous l’empire d’une loi étrangère de leur choix.

La portée de cet ordre public islamique devant les juridictions de l’époque était donc assez limitée.

A l’heure actuelle, rien n’explique cette application restrictive des règles impératives du D.O.C d’origine musulmane aux seuls marocains musulmans. Les tribunaux marocains devraient en principe appliquer ces règles à toutes les parties dès lors qu’elles sont musulmanes quelles que soient leurs nationalités.

On s’est demandé si les tribunaux marocains ne devaient pas appliquer ces règles à l’égard de la partie musulmane dans toute convention même si les autres parties n’étaient pas elles-mêmes musulmanes, ce qui donnerait dans ce cas à ces règles, une portée particulièrement large.

Ainsi conçu, cet ordre public islamique ferait partie de l’ordre public absolu avec toutefois un caractère personnel ne devant jouer que compte tenu de la confession musulmane des parties contractantes ou même d’une seule quelle que soit la nationalité de ces parties.

PARTIE II : LES REGLES MATERIELLES

         Titre 1 : effets des jugements étrangers ou exequatur

                   Section 1 : position de la question

Dans les chapitres précédents, il a surtout été question des conditions dans lesquelles une loi étrangère s’applique au Maroc et du choix à opérer entre plusieurs lois éventuellement compétentes. Ce n’est là qu’un aspect des relations privées internationales.

Il arrive aussi fréquemment, qu’une personne ne s’adresse pas directement aux autorités marocaines mais désire utiliser au Maroc, un acte qu’elle a passé à l’étranger ou une décision judiciaire qu’elle y a obtenu. Dans quel cas sera-t-on amenés à invoquer au Maroc une décision judiciaire étrangère ?

On pense tout d’abord à l’exécution de cette décision. Il s’agit par ex d’obtenir la remise d’un enfant qui se trouve au Maroc et sur la garde duquel un jugement étranger a statué. On peut encore vouloir au moyen d’une décision judiciaire y trouver la possibilité d’un remariage si le précédent mariage a été rompu par un divorce ou effacé par une nullité.

Quelle va être pour les autorités marocaines la valeur du jugement étranger ? On comprend qu’il est difficile de lui accorder la même qu’aux décisions du juge marocain. Le pouvoir de cœrcition qui se traduit dans la formule exécutoire est limité aux frontières de l’Etat au nom duquel est rendue la justice. On ne peut concevoir qu’un juge étranger mette en action la force publique marocaine.

Mais, même en dehors de ce résultat final, si l’on fait produire certains effets à un jugement étranger, on va l’insérer dans le système juridique national alors qu’il émane d’un pouvoir extérieur, vis à vis duquel l’Etat est complètement indépendant.

Est-ce à dire que l’on va refuser toute valeur à ces décisions et exiger de ceux qui les ont obtenues qu’ils recommencent un nouveau procès ? Cela aussi a paru difficilement admissible même à une époque où les relations internationales étaient moins développées qu’elles ne le sont actuellement.

Aussi, a-t-on adopté un moyen terme, on ne nie pas toute valeur aux jugements étrangers, mais on subordonne la plupart de leurs effets à un contrôle des juges nationaux. L’étendue et les modalités de ce contrôle varient selon les législations mais ils se retrouvent partout.

Il est à noter que l’expression « jugement rendu à l’étranger » est à la fois trop large et trop restrictive.

Trop restrictive, parce qu’il faut y assimiler un certain nombre de jugements internationaux qui seront assujettis à cette procédure, de même que certains actes étrangers et les sentences arbitrales étrangères.

De même, l’expression est trop large, en ce sens que tous les jugements étrangers ne sont pas soumis à l’exequatur. Seuls les jugements ayant un objet civil ou commercial le sont. Par suite, les décisions rendues en matières pénales et fiscales ne sont pas concernées.

                   Section 2 : les grands systèmes de solution

                             Para 1 : le régime de réciprocité

Certains Etats exigent pour l’efficacité sur leur territoire d’une décision judiciaire, la condition de réciprocité. Par ex., un jugement étranger ne peut produire d’effet dans l’Etat A, que si dans le pays d’où émane ce jugement, un jugement de cet Etat A produit des effets et aux mêmes conditions.

Autrement dit, le jugement étranger ne peut produire ses effets que si le pays dans lequel il a été rendu accorde lui-même effet aux décisions de celui dans lequel il est invoqué. C’est la position adoptée par l’article 19 du DCC ainsi conçue : « les jugements rendus à l’étranger par les tribunaux de puissance qui auront renoncé à leur privilège de juridiction au Maroc, seront déclarés exécutoires sans révision au fond sous la seule condition de réciprocité ».

Le régime de la réciprocité a été vivement critiqué par la doctrine parce que gravement préjudiciable aux intérêts particuliers, on lui a reproché aussi ses difficultés d’application, application qui suppose une appréciation correcte par le juge de l’exequatur des conditions auxquelles ce dernier est subordonné dans le pays étranger.

                             Para 2 : le régime du contrôle

Les effets du jugement étranger ont toujours été subordonnés à un contrôle de ce jugement par les juges marocains, mais l’étendue de ce contrôle a varié avec le temps.

                                       A- le contrôle global ou la révision au fond

Dans un premier temps, le régime marocain de droit commun avait adopté un contrôle global. C’est le système de la révision, système dans lequel le juge de l’exequatur se voyait reconnaître le pouvoir d’apprécier le bien jugé au fond de la décision étrangère, il s’assure que la décision étrangère a été rendue comme elle l’aurait été si le juge de l’exequatur avait été saisi directement du litige.

Autrement dit, le juge marocain avait le droit de revoir le fond de l’affaire. Il appréciait le contenu du jugement autant que sa régularité et lui refusait toute efficacité s’il estimait qu’il avait été mal jugé.

Ainsi, par le pouvoir de révision, le juge de l’exequatur vérifiait que tous les points de droit ou de fait tranchés par le jugement qui lui est soumis, l’ont été de façon satisfaisante, c’est du moins dans ce sens qu’a été interprété l’ancien article 290 du Code de procédure civile. Mais ce système n’a jamais reçu d’application pratique, il n’est que le reflet d’une partie de la jurisprudence française de l’époque.

Le système de la révision suscite de vives critiques doctrinales. On y voyait d’abord un obstacle injustifié à la coopération internationale, une manifestation excessive de méfiance à l’égard des juridictions étrangères.

On en déplorait aussi, les conséquences pratiques. Il entraînait ainsi le refus de l’exequatur à tous les jugements marocains dans les pays qui connaissent la condition de réciprocité. Ce système conduisait également à violer les droits acquis, il était générateur d’incertitude. Aussi, sa suppression était-elle souhaitable.

C’est ce qu’a fait le code de procédure civile de 1974 qui est venu limiter l’office du juge de l’exequatur à la vérification du respect par le juge étranger, d’un certain nombre de conditions de régularité internationale sans qu’il puisse remettre en cause le bien-fondé de la décision étrangère.

                                       B- le contrôle limité ou la régularité internationale

Le juge (de l’exequatur) vérifie que le jugement étranger remplit un certain nombre de conditions exigées pour l’exequatur à l’exception de toute révision au fond, compétence judiciaire, procédure, ordre public.

Si la décision étrangère ne remplit pas les conditions requises, elle ne peut être invoquée au Maroc. Ces conditions diffèrent selon qu’il existe ou non une convention internationale signée par le Maroc avec l’Etat dont émane la décision étrangère.

                                                 1- les règles de droit commun

L’article 19 du DCC, bien que non expressément abrogé, ainsi que l’ancien article 290 du code de procédure civile, ne sont plus aujourd’hui applicables, puisque la question de l’exequatur est désormais régie par les articles 430 et s. du CPC et, concernant le divorce, par l’article 128 du nouveau code de la famille.

                                                           a- la procédure

En ce qui concerne la question d’attribution, l’exequatur est de la compétence du tribunal de première instance du domicile ou de la résidence du défendeur, ou à défaut, du lieu où l’exécution doit être effectuée.

Sous peine d’irrecevabilité, le demandeur doit à l’appui de sa requête, fournir une expédition authentique de la décision, l’original de la notification ou de tout autre acte en tenant lieu, un certificat du greffe constatant qu’il n’existe contre la décision ni opposition, ni appel, ni pourvoi en cassation, toutes ces pièces devant être traduites en langue Arabe par un interprète assermenté. (Article 431 du CPC).

                                                           b- les conditions de l’exequatur

La vérification du jugement étranger porte sur 3 points essentiels : sur la compétence du tribunal étranger, sur la régularité de l’acte et sur le respect de l’ordre public.

                                                                     1- vérification de la compétence juridictionnelle

Il a paru normal avant d’accorder force exécutoire à un jugement étranger, que le juge de l’exequatur s’assure que cette décision a été rendue par un tribunal compétent.

Le CPC a cité comme première exigence de régularité de la décision étrangère, la compétence du juge étranger. Mais il n’est pas allé plus loin dans cette voie, et n’a pas précisé selon quelle règle de conflit devait s’apprécier cette compétence.

Autrement dit, la compétence internationale et la compétence interne du juge étranger doivent-elles s’apprécier d’après la règle de conflit marocaine ou d’après la règle de conflit du pays qui a statué. La lacune n’a pas été comblée par le législateur dans le nouveau code de la famille à propos de l’exequatur des décisions judiciaires en matière de divorce. « Les jugements de divorce, de divorce judiciaire, de divorce ﺧﻠﻊ, ou de résiliation du marocain rendue par les juridictions étrangères, sont susceptibles d’exécution s’ils sont rendus par un tribunal compétent. ». (Article 128 du code de la famille)

Mais il semblerait logique d’effectuer la vérification de la compétence interne selon les règles étrangères et la régularité de la compétence internationale selon les règles de procédure marocaine.

En effet, une fois que l’on a vérifié et admis que le juge étranger était compétent, on a par là même reconnu que le litige relevait de l’ordre juridique de l’Etat dont dépendait le juge qui a statué. Il est alors normal d’abandonner à la législation de cet Etat, la détermination de la compétence spéciale car il est souverain chez lui et on ne saurait remettre en cause son organisation judiciaire.

A cette condition de régularité de la procédure, il faut ajouter celle du jugement qui doit avoir autorité de la chose jugée ainsi que celle du respect du droit de la défense. (Cour d’appel d’Oujda 17.11.1993).

                                                                     2- non contrariété à l’ordre public

Après avoir énoncé la nécessité pour le juge de l’exequatur de contrôler la compétence du juge étranger, le CPC prévoit une deuxième vérification qui peut remettre en cause la régularité de la décision étrangère résultant de la satisfaction de la première condition. C’est le contrôle de la conformité à l’ordre public international.

Le législateur manifeste ainsi le pouvoir de refuser l’exequatur au Maroc à des décisions étrangères apparemment régulières puisque satisfaisant au contrôle de leurs compétences juridictionnelles, mais qui heurteraient notre ordre public.

Pour les actes authentiques dressés à l’étranger, le juge vérifie s’ils remplissent les conditions d’authenticité selon la loi du pays où ils ont été dressés et s’ils ne sont pas contraires à l’ordre public. L’article 128 du nouveau code de la famille reprend la même exigence.

Le guide pratique édité par le ministère de la justice pour la mise en application du code, donne comme ex. de jugement contraire à l’ordre public marocain, la « privation de l’une des parties au procès, du droit à la défense et le consentement du père à renoncer à la parenté de ses enfants ».

                                                 2- les règles de droit conventionnel

Les traités conclus par le Maroc pour l’exécution et la reconnaissance des jugements étrangers se sont multipliés depuis l’accession du pays à l’indépendance.

A titre d’ex., citons les conventions conclues avec la France le 05 Octobre 1957, la Tunisie le 09 Décembre 1964, le Sénégal le 03 Juillet 1967, l’Italie le 12 Février 1971, la Belgique le 30 Avril 1981 … Etc. la convention Franco-marocaine du 10 Août 1981 contient elle aussi plusieurs dispositions relatives à l’exequatur, certaines faisant référence à la convention du 05 octobre 1957 d’autres y faisant échec.

Ces différentes conventions bilatérales ont, en ce qui concerne l’exécution des jugements, de nombreux points communs. Les conventions maintiennent unanimement l’exigence du contrôle de la compétence du juge qui a statué.

Selon les conventions, cette compétence juridictionnelle s’apprécie soit d’après les règles de procédure de l’Etat qui a rendu la décision, soit d’après les règles du DIP de l’Etat où la décision doit être exécutée.

Les conventions conclues avec la Pologne le 21 Mai 1979 et la Roumanie le 31 Août 1972, précisent que : « la compétence des autorités judiciaires de la partie requérante n’est pas admise lorsque le droit de la partie requise reconnaît comme exclusivement compétente, ses propres autorités judiciaires ».

La convention franco-marocaine de 1981 par dérogation à celle de 1957, pose quelques règles particulières. Par ex., les effets personnels du mariage comme la dissolution du mariage, peuvent relever de la compétence du tribunal du domicile commun des époux quand ils sont de nationalités différentes.

Quand les époux sont de même nationalité, les juridictions de leur pays d’origine peuvent être également compétentes. Dans les deux cas, le domicile doit être situé soit en France soit au Maroc.

De même, la convention de 1981 donne compétence en matière de garde d’enfants, au tribunal de la résidence commune effective des parents ou à défaut, au tribunal de la résidence du parent avec lequel l’enfant vit habituellement et en matière d’obligation alimentaire au tribunal du créancier d’aliments. Là aussi, la résidence doit être établie sur le territoire français ou marocain.

La convention marocco-espagnole du 30 Mai 1999 relative à la coopération judiciaire en matière civile, commerciale et administrative dispose que les décisions rendues en ces matières ne peuvent être exequaturées que si elles émanent d’une juridiction compétente selon les règles applicables dans le pays dans lequel elles ont été rendues.

Quant à la convention marocco-espagnole du 30 Mai 1997, relative à l’entraide judiciaire, à la reconnaissance et à l’exécution des décisions judiciaires en matière de droit de garde et de droit de visite et au retour des enfants, elle pose le principe de la compétence du tribunal de la résidence habituelle commune des parents de l’enfant, ou à défaut, de la résidence habituelle du défendeur.

Le soin pris par ces différentes conventions d’instaurer un contrôle sérieux de la compétence judiciaire, leur a permis de ne pas penser au contrôle de la loi applicable.

Le contrôle de la procédure est également prévu. On vérifie que les parties ont été : « légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes ». Toutes les conventions actuellement en vigueur au Maroc en ce qui concerne l’exécution des jugements étrangers, exige en des termes qui diffèrent d’une convention à l’autre, le respect de l’ordre public, mais cette notion d’ordre public n’a été définie par aucune convention.

Par ailleurs, l’exécution ne peut en aucun cas avoir lieu si la décision n’a pas acquis force de chose jugée dans le pays d’origine.

Enfin, certaines conventions prévoient que le juge de l’exequatur doit s’assurer qu’: « aucun procès engagé entre les mêmes parties et pour le même objet, avant l’action en justice devant le tribunal qui a rendu le jugement à exécuter, ne doit être en cours auprès des juridictions de l’Etat requis ».

         Titre 2 : la nationalité

                   Chapitre 1 : la notion de nationalité

Définition :

On a défini la nationalité comme la qualité d’une personne à raison des liens politiques et juridiques qui l’unissent à un Etat et dont elle est un des éléments constitutifs.

Le mot nationalité peut avoir deux sens, un sens sociologique et un sens juridique.

         1- sur le plan sociologique

La nationalité se définit comme l’appartenance de l’individu à un groupe social envisagé en tant que groupe. Pour déterminer cette appartenance, on retiendra certains éléments tel que l’origine de l’individu, l’histoire de son pays, les traditions et coutumes de son groupe, il y a là un lien sentimental et affectif basé sur la race, la religion, la langue, un lien de pure fait qui explique qu’on parle de nationalité de fait.

La nationalité de fait est donc l’appartenance à une communauté dont la notion relève de la sociologie. La nationalité se traduit par des manières de penser, d’agir et qui opposent les peuples les uns aux autres, aboutissant à la formation d’institutions juridiques de tout un mode de vie propre à chaque nationalité.

         2- sur le plan juridique

Le sens juridique du terme nationalité est tout à fait différent. La nationalité est ici le lien de rattachement de l’individu à l’Etat, cet Etat est à envisager comme une entité organisée. On parlera ici de nationalité de droit.

On a pu définir la nationalité de droit comme l’appartenance juridique d’une personne à la population constitutive d’un Etat.

Cette notion de nationalité de droit, a des conséquences juridiques tant dans l’ordre international que dans l’ordre interne. Par ex., en droit international public, seuls les nationaux bénéficient de plein droit de la protection diplomatique à l’étranger. En droit international privé, chaque individu est soumis à la loi de son pays pour son état et sa capacité.

En droit public international, seul le national exerce les droits politiques tel le droit de vote, seul le national peut être fonctionnaire, seul le national bénéficie de l’ensemble des services publics.

En droit privé, seul le national jouit de l’ensemble des droits établis par les lois civiles et commerciales.

                             Section 1 : les éléments du lien de nationalité

                                       Para 1 : la nationalité est un lien juridique qui relie un individu à un Etat

                                                 A- l’individu qui reçoit la nationalité

                                                           1- la nationalité des personnes

Toutes les personnes physiques sont susceptibles de la qualité de national. Ce n’est pas à dire qu’en fait, toute personne ait une nationalité, il existe des personnes qui n’ont aucune nationalité, les apatrides. Ainsi, les réfugiés politiques d’un pays sont souvent déchus de leur nationalité d’origine et n’acquièrent pas immédiatement celle du pays de refuge.

Par ailleurs, les personnes morales étant des personnes juridiques peuvent avoir une nationalité, mais ce terme n’a pas ici la même signification que pour les personnes physiques. La nationalité des personnes morales est une conception différente de celle des personnes physiques.

Alors que cette dernière est un lien politique et juridique qui unit les personnes physiques à l’Etat, la nationalité des personnes morales n’est qu’une fiction juridique destinée à résoudre les problèmes que pose la vie juridique d’une société privée dans l’ordre international quant aux conflits de droit et quant à la jouissance des droits.

                                                           2- la nationalité des choses

On parle aussi en droit maritime, en droit aérien et en droit des transports de la nationalité des navires, des bateaux et des aéronefs. Ici non plus, la terminologie n’est pas exacte, le lien qu’elle désigne n’a rien de commun avec la nationalité des personnes physiques ni quant à ses conditions d’existence ni quant à ses effets. On veut dire simplement que le navire, le bateau ou l’aéronef est rattaché au territoire de l’Etat sur lequel il est immatriculé.

                                                 B- l’Etat donneur de nationalité

                                                           1- la notion d’Etat

Seul peut donner la nationalité, un Etat au sens international du mot, c’est à dire une personne morale reconnue par les autres Etats et ayant l’aptitude à représenter auprès de ces derniers les intérêts de ses nationaux. On admet qu’il suffit que l’Etat soit reconnu sans qu’il soit nécessaire que son gouvernement le soit.

Par ailleurs, les pays sous protectorat conservent leur personnalité internationale bien que leurs relations extérieures soient gérées par l’Etat protecteur et par conséquent, ont une nationalité. C’est l’exemple du Maroc avant l’indépendance.

                                                           2- la notion de nation

La nation est un groupement ethnique, religieux, linguistique, économique, géographique, historique qui se caractérise par un vouloir vivre collectif et qui ne coïncide pas toujours avec un Etat au sens juridique.

                                       Para 2 : nature juridique du lien de nationalité

Le lien de nationalité est un lien légal et non contractuel, il est soumis au droit interne. Le principe est la liberté étatique dans l’attribution de la nationalité, le principe n’est pas absolu des limites sont imposées par l’ordre international.

                                                 A- le principe de la liberté étatique dans l’attribution de la nationalité

L’apport positif le plus clair du Droit international public dans le droit de la nationalité, est l’affirmation du principe qu’ « il appartient à chaque Etat de déterminer par sa législation, quels sont ses nationaux » ces termes sont ceux de l’article 1er de la convention de La Haye du 12 Avril 1930 concernant certaines questions relatives aux conflits de lois sur la nationalité.

Ce principe a été repris par la cour internationale de justice dans l’arrêt Notebohn du 06 Avril 1955, il a également été admis par l’ensemble de la doctrine et consacré par l’article 1er du code marocain de la nationalité. Ce principe signifie que chaque Etat est seul compétent pour déterminer sa population et seulement sa population.

Mais les différentes autorités qui ont posé le principe de la liberté étatique ont affirmé également l’existence de limites à cette liberté.

                                                 B- les limites à la liberté étatique

Elles sont suivant les termes mêmes de la convention de La Haye de 1930 : « les conventions internationales, la coutume internationale et les principes de droit généralement reconnus en matière de nationalité ».

De même, la cour permanente de justice internationale a considéré les traités existants comme limites à la liberté étatique. L’article 1er du code de la nationalité marocaine sous le titre « sources de droit en ma de nationalité », énonce que : « les dispositions relatives à la nationalité marocaine sont fixées par la loi et éventuellement par les traités ou accords internationaux ratifiés et publiés ».

Le droit international public n’assigne qu’une limite à la liberté étatique. On décide ainsi que nul ne peut se voir imposer une nationalité ou priver arbitrairement de sa nationalité et cependant, ces limites ne sont pas universellement respectées. Les véritables limites à la liberté étatique résultent des traités, les traités bilatéraux destinés à atténuer les conflits de nationalité et les traités réglant les cessions de territoire.

En ce qui concerne ces derniers, la pratique internationale est bien fixée, en ce sens que la cession de territoire légitime le changement de nationalité de la population intéressée.

Les traités stipulent normalement une option de nationalité accordée aux individus de la population concernée, il en est de même en cas d’accession à l’indépendance. D’une manière générale, la nationalité trouve ses sources dans le droit interne et non dans le droit international. L’Etat doit définir sur quels éléments il entend exercer son autorité.

Le lien de nationalité est un lien de droit public et il est fixé discrétionnairement par l’Etat en considération de ses besoins propres. Les besoins et les aspirations individuels sont secondaires.

                             Section 2 : évolution historique de la notion de nationalité au Maroc

                                       Para 1 : période antérieure au protectorat

La formation de la notion de nationalité est au Maroc relativement récente, parce que cette notion est inconnue du droit musulman traditionnel. Pour le droit musulman, l’Etat est une société essentiellement religieuse et la religion y tient lieu de nationalité.

Les mots musulman et national sont confondus et l’on ne résonne que par référence à la religion. En droit musulman, il n’y a que deux catégories d’individus : les croyants et les infidèles. Un musulman est toujours chez lui en pays d’islam et il y jouit des mêmes droits quelle que soit son origine. L’infidèle ou le non musulman au contraire, qu’il soit juif ou chrétien est considéré comme un étranger bénéficiant d’une simple tolérance.

Ainsi, la loi civile et la loi religieuse sont confondues de sorte que pour posséder tous les droits publics ou privés, il suffit d’être musulman et de résider au Maroc. Plus précisément, le droit marocain se caractérisait à l’époque par l’absence de la notion moderne de nationalité.

Il ne faudrait cependant pas croire que la notion de nationalité n’a été introduite au Maroc que par le protectorat. En effet, le contact avec l’Europe et l’installation au Maroc de nations européennes, font apparaître la notion de nationalité marocaine. Le problème s’est posé tout d’abord au 19ème siècle sous l’influence anglaise. De nombreux individus se sont placés soit comme employés d’ambassades soit comme agents commerciaux sous la protection de puissances européennes.

Or, ce régime de protection est mis en cause en 1877 par le ministère d’Angleterre au Maroc. Le Grand Vizir intervient pour faire remarquer que la situation nécessitait une mise au point parce que les sujets protégés échappaient au fisc. Les démarches aboutirent à la convention de Madrid du 03 Juillet 1980.

L’article 15 de cette convention constitue une source importante de la nationalité marocaine, il consacre le principe de l’allégeance perpétuelle. Le sujet marocain naturalisé à l’étranger de retour au Maroc, doit après une période égale à celle passée à l’étranger, opter entre la soumission aux lois marocaines et l’obligation de quitter le territoire (marocain) à moins qu’il n’ait obtenu l’assentiment du gouvernement marocain pour sa naturalisation.

Autrement dit, un grand nombre de marocains cherchaient à échapper aux autorités et aux juridictions locales. Pour cela, grâce à un court séjour à l’étranger, ils s’y faisaient naturaliser ils revenaient ensuite au Maroc et se trouvaient ainsi justiciables d’un tribunal consulaire.

Or, certains pays accordaient ces naturalisations avec une trop grande facilité. C’est alors que l’article 15 inséré à la convention de Madrid a mis fin à ces abus en limitant aux cas de retour au Maroc, l’efficacité de la naturalisation obtenue à l’étranger sans le consentement du Makhzen. Cet article 15 intègre ainsi pour la 1ère fois, les sujets du sultan dans le cadre d’une nationalité, c’est dire que la nationalité marocaine s’est affirmée assez tôt.

Il ne faudrait cependant pas croire que la notion de nationalité marocaine est déjà complètement dégagée en 1880. L’idée de nationalité marocaine à la fin du 19ème siècle reste encore très fortement imprégnée de la notion d’appartenance à la communauté musulmane. Ainsi donc, la nationalité avant le protectorat n’était pas une notion de droit mais une notion de fait.

                                       Para 2 : sous le protectorat

Le régime du protectorat n’a pas fait disparaître la nationalité marocaine, le Maroc conservait sa personnalité juridique au regard du droit international, il demeurait un Etat distinct de l’Etat français et cela impliquait le maintien de la nationalité marocaine à coté de la nationalité française.

Malheureusement, si l’existence de la nationalité marocaine a toujours été reconnue, aucun texte par contre n’avait à l’époque défini et réglementé dans son ensemble cette institution. La nationalité présentait un aspect inorganique. En l’absence de texte, ce fut à la jurisprudence de construire un droit de la nationalité.

Devant la carence législative, les tribunaux français du protectorat se sont efforcés de dégager conformément au droit musulman, les caractères de la nationalité marocaine.

                                                 A- le caractère laïque ou politique de la nationalité marocaine

Cela ne faisait aucun doute pour les tribunaux qui considéraient aussi bien les juifs que les musulmans résidant au Maroc et nés de parents marocains, en tant que marocains à part entière.

                                                 B- le principe de l’allégeance perpétuelle

Les marocains ont la nationalité marocaine de façon définitive. Nul ne peut perdre la nationalité marocaine sans l’agreement des sultans. On naissait marocain et on mourrait marocain. On ne devenait marocain que par filiation et on ne pouvait perdre cette qualité.

                                                 C- la nature fermée de la nationalité marocaine

Ceci en fonction de l’adage « on naît marocain on ne le devient pas ». Sont seulement marocains les individus nés de parents marocains. Autrement dit, la nationalité marocaine ne pouvait s’acquérir par les autres modes traditionnels d’acquisition admis par la plupart des systèmes juridiques du monde, à savoir par le mariage, par la naturalisation et par le jus soli malgré le Dahir du 08 Novembre 1921. (Qui n’avait jamais reçu d’application pratique).

En résumé, du fait de l’absence de texte, les règles applicables à la nationalité marocaine étaient très simples. On naissait et on mourrait marocain. La nationalité marocaine n’était susceptible ni d’attribution juri soli ni d’acquisition ni de perte faute de texte pour les prévoir. Il faut attendre l’indépendance pour voir la matière régie par un code précis et moderne.

                                       Para 3 : période de l’indépendance

Pour combler la nature législative en matière de nationalité et dans le but de déterminer la population du Maroc indépendant, le législateur est intervenu par le Dahir du 06 Septembre 1958 portant code de la nationalité marocaine. Il abolit la jurisprudence antérieure.

L’accession du Maroc à l’indépendance devait nécessairement provoquer des transformations profondes dans le droit de la nationalité marocaine, le code de 1958 parachève l’évolution, en ce sens que la nationalité marocaine n’est plus un lien de caractère religieux entre le musulman et la personne du sultan mais un lien de caractère politique entre le marocain et l’Etat marocain. Le code ne traite cependant que de la nationalité des personnes physiques, il laisse sous silence les questions propres à la nationalité des personnes morales.

Les particularités essentielles de la nationalité marocaine étaient qu’elle ne pouvait ni être attribuée juri soli, ni être acquise, ni être perdue. Le code de 1958 prévoit précisément une nationalité juri soli mais dans une mesure limitée uniquement pour éviter certains cas d’apatridie (enfants nés au Maroc de parents inconnus par ex) et non pour assimiler les descendants d’étrangers établis dans le pays.

De même, l’acquisition par le bienfait de la loi est prévue mais là aussi dans une mesure limitée des dispositions plus larges étant prévues seulement pour les individus originaires d’un pays de langue Arabe ou de religion musulmane, l’esprit général du code est de n’admettre en effet dans la nationalité marocaine, que les étrangers de religion musulmane.

Par ailleurs, l’article 3 qui règle la question de statut personnel, refuse toute idée d’un statut personnel laïque. En effet, d’après cet article, exceptés les marocains de confession juive, tous les autres marocains qu’ils soient musulmans ou non, sont régis par la Moudawana à l’exception des dispositions relatives à la polygamie, à l’allaitement et à la répudiation.

Ces positions restrictives peuvent se justifier par deux sortes de facteurs, d’une part le Maroc a une démographie excédentaire et il est normal dans ces conditions qu’il limite l’accès à la nationalité marocaine.

D’autre part le législateur a voulu éviter de créer au sein de la communauté musulmane d’autres communautés.

Par ailleurs, la perte de la nationalité marocaine est toujours subordonnée à une autorisation. Ainsi, le principe de l’allégeance perpétuelle n’a pas été abandonné. Une différence à noter, c’est que cette autorisation est accordée cette fois-ci non plus par le souverain mais par le gouvernement ce qui donne à la nationalité marocaine un caractère objectif.

Le code de 1958 contient dans son chapitre premier des dispositions générales dont l’application ne pose pas de problème particulier. Ainsi, l’article 2 traite de l’application du code dans le temps : « les dispositions nouvelles relatives à l’attribution de la nationalité marocaine comme nationalité d’origine s’appliquent aux personnes nées avant la date de mise en vigueur de ces dispositions et qui, à cette date, n’avaient pas encore atteint leur majorité ».

L’article 5 traite de l’application du code dans l’espace et énonce que le terme au Maroc s’entend de tous les territoires marocains des eaux territoriales marocaines, des navires et aéronefs de nationalité marocaine.

L’article 6 fixe la majorité à 21 ans et le calcul des délais se fait selon le calendrier grégorien.

La notion juridique de la nationalité marocaine se caractérise à l’heure actuelle par le renforcement de son caractère laïque et de son caractère libéral, de sorte qu’on peut acquérir la nationalité marocaine par le mariage et par le jus soli, il se caractérise également et dans une certaine mesure, par la disparition du principe de l’allégeance perpétuelle en réglementant les pertes et les déchéances de la nationalité marocaine.

                                       Para 4 : les sources actuelles du droit de la nationalité

L’article 1 du code de la nationalité marocaine prévoit deux sources du droit en cette matière, une source internationale et une source interne.

                                                 A- la source interne

C’est bien sur le dahir du 06 Septembre 1958 entré en vigueur le 1er Octobre 1958.

                                                 B- source internationale

Les traités et accords internationaux. Le code précise 3 règles en ce qui concerne l’application des conventions internationales relatives à la nationalité.

1- le traité : Pour pouvoir constituer une source du droit en cette matière, doit être ratifié et publié c’est à dire qu’il doit être approuvé par un acte émanant du Roi et être inséré au bulletin officiel.

2- Le paragraphe 2 de l’article 1er précise la supériorité du traité sur la loi interne même si cette loi interne est postérieure audit traité.

3- enfin, lorsqu’une disposition d’un traité soulève une difficulté d’interprétation, le ministre des affaires étrangères est seul compétent pour donner cette interprétation. L’interprétation donnée par le ministre s’impose aux tribunaux et est publiée au B.O. article 36, paragraphes 3 et 4.

         Chapitre 2 : attribution et acquisition de la nationalité marocaine

La nationalité marocaine peut être attribuée à l’individu dès sa naissance, c’est la nationalité d’origine. Elle peut s’acquérir également après la naissance en cours d’existence, on parle alors de nationalité acquise ou dérivée.

                   Section 1 : l’attribution de la nationalité marocaine d’origine

La nationalité marocaine d’origine est celle que l’individu possède dès sa naissance sans aucune manifestation de volonté, c’est le cas de la majorité des marocains. Son attribution est légale et automatique.

La loi marocaine détermine quels individus ont à leur naissance la nationalité marocaine. Dans ce sens, l’article 8 alinéa 3 dispose que : « l’enfant qui est marocain en vertu des articles 6 et 7, est réputé avoir été marocain dès sa naissance même si l’existence des conditions requises par la loi pour l’attribution de la nationalité marocaine n’est établie que postérieurement à sa naissance ». Cela signifie que l’attribution n’est qu’une reconnaissance de fait.

Toutefois, pour limiter les inconvénients pratiques de cette rétroactivité, et étant donné que le statut personnel change avec la nationalité de l’individu, l’alinéa 4 de ce même article dispose que : « l’attribution de la qualité de marocain dès la naissance ainsi que le retrait de cette qualité en vertu des dispositions du paragraphe 2 de l’article 7 ne porte pas atteinte à la validité des actes passés par l’intéressé ni aux droits acquis par des tiers sur le fondement de la nationalité apparente antérieurement possédée par l’enfant ».

La détermination de la nationalité d’origine peut obéir à deux facteurs : la filiation ou le lieu de naissance.

                             Para 1 : la nationalité marocaine jus sanguinis

Ce qui va être à la base de son attribution, ce sera le lien de filiation existant entre l’intéressé au moment de sa naissance et la personne qui va lui donner la nationalité, il faut tenir compte de ce lien.

L’article 6 prévoit deux cas d’attribution de la nationalité marocaine par le jus sanguinis.

                                       A- est marocain l’enfant né d’un père marocain

C’est la consécration de la règle fondamentale admise auparavant par une jurisprudence constante. La nationalité a sa source dans la filiation. De ce fait, des conséquences importantes vont en résulter.

1- tout d’abord, l’enfant né au Maroc ou à l’étranger est considéré comme marocain, dès lors que sa filiation est légalement établie. La règle ne souffre aucune exception et sa rigueur risque de faire apparaître des conflits de nationalité soit que l’enfant, par sa mère acquiert une autre nationalité, soit que le lieu de sa naissance permette de lui attribuer une autre nationalité.

2- ensuite, la nationalité du père doit exister à la naissance de l’enfant. Il en résulte que si le père, marocain, pendant la durée de la conception ne l’est plus à la naissance, l’enfant ne sera pas marocain. Inversement, si le père étranger acquiert la nationalité marocaine à la naissance de l’enfant, ce dernier sera marocain.

Dans tous les cas, peu importe le mode d’acquisition par le père de la nationalité marocaine, que cette nationalité soit acquise jus sanguinis ou jus soli par naturalisation ou autrement.

3- aucune distinction n’est faite quant à la religion du père. La règle s’applique aussi bien à l’égard des israélites qu’à l’égard des musulmans bien que l’attribution de la nationalité jus sanguinis soit un effet de la filiation, le code ne fait pas varier les règles d’attribution suivant que la filiation est légitime ou naturelle. L’enfant naturel devient marocain dans les mêmes conditions que l’enfant légitime, dès lors que sa filiation se trouve établie conformément aux principes régissant le statut personnel de l’ascendant source du droit à la nationalité.

Ainsi, l’enfant naturel d’un israélite marocain sera marocain dès lors que son lien de filiation ave son père sera établi conformément au droit hébraïque.

Par contre, ne sera pas marocain, sauf si sa mère est marocaine, l’enfant naturel né d’un musulman marocain parce que son lien de filiation avec son père ne pourra être légalement établi, le droit musulman ne reconnaissant pas la filiation naturelle entre le père et l’enfant.

                                       B- est marocain l’enfant né d’une mère marocaine et d’un père inconnu. Article 6 alinéa 2

Pour éviter les cas d’apatridie, l’enfant né d’une mère marocaine et d’un père inconnu est marocain même s’il est né à l’étranger. C’est le cas de l’enfant naturel relié juridiquement à sa mère seule de nationalité marocaine.

Il est à noter que l’article 6 n’indique nulle part quels sont les parents marocains. A cet égard, la jurisprudence antérieure au code peut avoir une valeur indicative, elle décidait que les parents sont marocains s’ils étaient fixés au Maroc et s’ils ne pouvaient légitimement revendiquer ou ne pouvaient opposer une autre nationalité.

                             Para 2 : attribution de la nationalité marocaine jus soli

En droit marocain comme dans la plupart des législations des pays arabes, le jus soli est d’une application très étroite, le code de 1958 s’il en fait application, c’est surtout pour éviter l’apatridie et non pour assimiler les populations établies depuis longtemps sur le territoire marocain. La naissance successive de plusieurs générations au Maroc ne confère d’ailleurs pas la nationalité marocaine d’origine.

L’article 7 considère la naissance au Maroc comme génératrice de la nationalité marocaine d’origine dans deux cas. Le premier, celui de l’enfant né au Maroc d’une mère marocaine et d’un père apatride, le 2nd celui de l’enfant né au Maroc de parents inconnus.

                                       A- l’attribution de la nationalité marocaine à l’enfant né au Maroc d’une mère marocaine et d’un père apatride

L’article 7 alinéa 1er mérite deux observations :

– suivant la jurisprudence antérieure, l’enfant dont le père était apatride était considéré lui aussi comme apatride puisque la nationalité marocaine ne pouvait être attribuée par le lien de sang maternel. Actuellement donc, ce texte évite à cet enfant le sort de l’apatridie.

– d’autre part, ce texte favorise l’enfant illégitime. En effet, l’article 6 considère l’enfant né d’une mère marocaine et d’un père inconnu comme marocain quel que soit le lieu de naissance.

Si l’enfant dont la mère est marocaine avait un père illégitime, sa situation se dégrade car pour avoir le droit à la nationalité marocaine, dans le cas où son père est apatride, il faut qu’il soit né au Maroc.

Si cet enfant est né à l’étranger, il n’aura pas droit à la nationalité marocaine. C’est donc une différence de droit à la nationalité marocaine entre deux enfants dont la similitude de condition exige pourtant le même traitement.

Mais la nationalité ainsi attribuée sur un élément à lui seul peu significatif, a un caractère provisoire. L’intéressé selon l’article 7 alinéa 3ème : « sera réputé n’avoir jamais été marocain si au cours de sa minorité, sa filiation est établie à l’égard d’un étranger et s’il a conformément à la loi nationale de cet étranger, la nationalité de celui-ci. Le retrait de la qualité de marocain ainsi réalisé, ne porte toutefois pas atteinte à la validité des actes passés par l’intéressé ni aux droits acquis par des tiers sur le fondement de la nationalité marocaine antérieurement possédée ».

                                       B- attribution de la nationalité marocaine à l’enfant né au Maroc de parents inconnus

Là aussi c’est pour éviter à l’enfant les inconvénients de la situation d’apatridie. Le texte suppose que les père et mère sont tous deux inconnus, il ne serait pas applicable au cas où l’un d’eux serait inconnu et l’autre apatride ou de nationalité étrangère.

L’article 7 in fine attribue la nationalité marocaine au nouveau né trouvé au Maroc. Il y a en effet présomption de fait qu’il est né au Maroc et il y a lieu de revenir au principe que tout individu doit avoir une nationalité. Le texte réserve d’ailleurs explicitement la preuve contraire à la présomption.

La nationalité marocaine d’origine semble donc être une institution qui ne pose aucune difficulté. De plus, la preuve peut en être rapportée par tout moyen.

                   Section 2 : acquisition de la nationalité marocaine (dérivée)

A la différence de la nationalité marocaine d’origine qui est attribuée dès la naissance, la nationalité marocaine acquise est celle qui résultant d’un acte ou d’un fait survenu après la naissance, opère un changement de nationalité dans la personne de l’intéressé sans rétroactivité à sa naissance.

La possibilité d’acquérir la nationalité marocaine après la naissance est une des innovations les plus importantes apportées par le code de 1958. Cette acquisition peut s’opérer soit par le bienfait de la loi soit par une décision de l’autorité publique.

                             Para 1 : l’acquisition de la nationalité marocaine par le bienfait de la loi

Il s’agit de l’acquisition de la nationalité marocaine résultant comme un droit de la réalisation de certaines conditions en la personne de l’individu intéressé, ces conditions étant posées par le législateur. Cela veut dire que la loi va faire bénéficier certaines personnes de la nationalité marocaine en raison d’un lien déterminé qui l’attache à la nationalité marocaine.

                                       A- l’acquisition de la nationalité marocaine par la naissance et la résidence au Maroc

                                                 1- tout enfant né au Maroc, d’une mère marocaine et d’un père étranger

Il est marocain s’il déclare opter pour la nationalité marocaine dans les 2 ans précédant sa majorité à condition qu’il ait sa résidence au Maroc. Cinq conditions sont ainsi exigées :

a- l’enfant doit être né au Maroc

b- d’une mère marocaine et d’un père étranger

La mère doit être marocaine au jour de la naissance. Si par ex. née marocaine, elle a perdu sa nationalité d’origine, à la suite de son mariage, l’enfant sera réputé être né d’une mère étrangère. Le père doit être connu et posséder une nationalité étrangère, autrement, l’enfant aurait la nationalité à titre originaire.

c- l’enfant doit avoir une résidence habituelle et régulière au Maroc au moment de la déclaration.

Une résidence est habituelle lorsqu’elle est effective et permanente et constitue ainsi le véritable centre de vie de la personne. Elle est régulière lorsqu’elle remplit les conditions légales relatives au séjour des étrangers.

d- l’intéressé doit faire sa déclaration dans les deux ans qui précèdent sa majorité

e- le ministre de la justice à qui est adressée la déclaration ne doit pas faire opposition à celle-ci

Si le ministre ne rejette pas la déclaration dans le délai de 6 mois, son silence vaudra acquiescement. Le ministre a un pouvoir discrétionnaire en ce domaine.

                                                 2- l’enfant né de parents étrangers eux-mêmes nés au Maroc

Là aussi,

a- l’enfant doit être né au Maroc

b- les parents doivent être :

          – tous deux étrangers au moment de la naissance de l’enfant

          – nés au Maroc

          – nés postérieurement au 1er Octobre 1958

c- l’intéressé doit déclarer vouloir acquérir la nationalité marocaine dans les 2 ans précédant sa majorité

d- là non plus le ministre de la justice ne doit pas faire opposition à cette déclaration.

                                                 3- régime de faveur

Il est prévu par l’article 9 alinéa 2. Il s’agit de l’enfant dont le père étranger : « se rattache à un pays dont la fraction majoritaire de la population est constituée par une communauté ayant pour langue l’Arabe ou pour religion l’islam et appartient à cette communauté ».

Il faut que l’intéressé et son père soient nés au Maroc. Là aussi, une déclaration doit être faite au ministre de la justice, lequel peut faire opposition dans un délai de 6 mois. Aucune condition relative à la mère ni à la date de naissance de l’enfant et du père, aucune condition de délai pour exercer l’option n’est prévue par le code.

                                       B- l’acquisition de la nationalité marocaine par le mariage

Avant le code, la femme étrangère qui se mariait avec un marocain ne pouvait en aucun cas acquérir la nationalité marocaine. Maintenant, l’article 10 de 1958 donne le droit à la femme étrangère épouse d’un marocain, d’acquérir la nationalité marocaine si après une résidence habituelle et régulière du ménage au Maroc depuis 2 ans, elle souscrit une déclaration adressée au ministre de la justice en vue d’acquérir ladite nationalité.

Mais cette femme n’acquiert pas automatiquement et obligatoirement la nationalité marocaine. Elle l’acquiert si, dans les 6 mois du dépôt de la déclaration, le ministre ne lui a pas signifié son opposition.

L’acquisition de la nationalité marocaine est rétroactive, en ce sens que la femme étrangère est réputée marocaine dès la date de conclusion du mariage. Cependant, les actes passés par elle avant l’acquiescement du ministre conformes à sa loi nationale sont valables.

                             Para 2 : l’acquisition de la nationalité marocaine par décision de l’autorité publique

Avant le code de 1958, la nationalité marocaine ne pouvait être conférée par naturalisation. Les articles 11 et s. du code réglementent un premier cas d’acquisition par décision de l’autorité publique. Il s’agit de la naturalisation qui peut être définie comme l’acte par lequel le gouvernement octroie sans rétroactivité, la nationalité marocaine à un étranger majeur qui le demande.

A ce cas, doit être jointe la réintégration qui constitue également une forme de naturalisation résultant comme elle, d’une décision de l’autorité publique, et opérant sans rétroactivité. La réintégration est une naturalisation simplifiée à l’usage de ceux qui ont eu la nationalité marocaine d’origine et l’ont perdu.

                                       A- l’acquisition de la nationalité marocaine par voie de naturalisation

Bien que la naturalisation dépende d’une décision souveraine du gouvernement, cette décision n’est pas entièrement arbitraire car le code pose certaines conditions de recevabilité aux demandes de naturalisation.

Ces conditions diffèrent selon qu’il s’agit d’une naturalisation de droit commun ou d’une naturalisation de faveur.

                                                 1- les conditions de naturalisation de droit commun (Article 11)

                                                           a- la condition de résidence

Cette condition de résidence se dédouble ici en deux éléments distincts. L’intéressé doit d’une part résider au Maroc au moment de la signature de l’acte de naturalisation.

D’autre part, justifier d’une résidence habituelle et régulière au Maroc pendant les 5 années qui précèdent le dépôt de la demande, c’est ce que prévoit l’article 11 dans son al. 2. Cette condition constitue une présomption d’assimilation ou d’attachement au pays. Elle permet de s’assurer que le requérant s’est habitué à la vie courante dans le pays et présente des facilités d’assimilation au sein de la communauté marocaine.

                                                           b- la condition d’âge

La naturalisation étant le résultat d’un choix librement opéré par l’intéressé, ce choix serait vicié toutes les fois qu’il émane d’un individu incapable de manifester sa volonté. Les personnes frappées d’incapacité, ne peuvent obtenir d’être naturalisée.

                                                           c- être sain de corps et d’esprit (al. 4)

Cette condition a pour but de ne pas introduire dans la communauté nationale marocaine des individus susceptibles de constituer une charge ou un danger pour la collectivité.

                                                           d- condition de moralité (al. 5)

L’intéressé doit être de bonnes vie et mœurs, cette condition est exigée pour éviter la naturalisation d’éléments jugés indésirables de par leurs vies privées. On peut se demander selon quels critères cette condition sera appréciée et quels recours seraient ouverts à l’intéressé en cas de refus. Il doit également n’avoir fait l’objet ni de condamnation pour crime ni de condamnation à une peine restrictive de liberté pour un délit infamant.

Que ce soit pour le premier ou le second cas, la condamnation cesse d’être un obstacle à la naturalisation si elle a été tracée par la réhabilitation. La prescription ou la grâce demeurent par contre des obstacles à cette naturalisation. On peut regretter par ailleurs que l’alinéa 5 de l’article 11 n’ait pas distingué selon que la condamnation a été assortie ou non du sursis.

                                                           e- justifier d’une connaissance suffisante de la langue Arabe (al. 6)

Le degré de connaissance de la langue doit être apprécié de façon subjective en fonction de la condition sociale de l’intéressé. Cet élément essentiel fait de la naturalisation la transformation d’une assimilation de fait en une assimilation de droit.

L’indice d’assimilation c’est essentiellement le comportement du naturalisé à l’égard de la communauté et du milieu marocain. C’est pourquoi le texte exige une connaissance suffisante de la langue Arabe.

                                                           f- justifier de moyens d’existence suffisants

On veut ainsi éviter d’introduire dans la communauté marocaine des personnes qui risqueraient de tomber à la charge de la collectivité.

Les conditions étant remplies, l’intéressé doit adresser une demande de naturalisation au ministère de la justice accompagnée de titres et de documents justificatifs. Si ces conditions ne sont pas réunies, la demande fera l’objet d’une décision d’irrecevabilité motivée, si les conditions légales sont malgré tout remplies, le ministre peut par une décision qui est notifiée à l’intéressé, rejeter la demande, ce rejet n’ayant pas à être motivé.

La naturalisation de droit commun est accordée par décret (article 13 al. 1er) et publiée au bulletin officiel (article 29 du code de 1958).

                                                 2- la naturalisation de faveur

L’article 12 prévoit deux sortes de dérogations aux conditions ordinaires de naturalisation.

a- il peut être dérogé à la condition de santé en faveur de l’étranger dont l’infirmité ou la maladie a été contractée au service ou dans l’intérêt du Maroc. (al. 1)

b- en faveur de l’étranger qui a rendu des services exceptionnels au Maroc ou dont la naturalisation présente un intérêt exceptionnel pour le Maroc, il peut être dérogé aux conditions suivantes. (al. 2)

– la résidence de 5 ans au Maroc ;

– la santé de corps et d’esprit ;

– les moyens d’existence suffisants ;

– la connaissance de la langue Arabe.

La naturalisation de faveur est accordée par Dahir et publiée au bulletin officiel (article 29).

                                                 3- retrait de la naturalisation

L’article 14 prévoit deux cas de retrait :

                                                           a- retrait pour cause d’irrégularité

On découvre dans ce cas et ultérieurement, que la naturalisation n’aurait pas du être accordée parce que l’une des conditions légales faisait défaut. Le retrait peut sanctionner toutes les conditions énumérées à l’article 11, il faut que la cause de l’irrégularité ait existé antérieurement à la naturalisation et qu’elle soit découverte seulement après.

En outre, le retrait doit avoir lieu dans le délai d’un an à compter de la publication de l’acte de naturalisation.

Par ailleurs, la décision doit être prise par Dahir ou par décret selon que la naturalisation a été accordée par Dahir ou par décret.

Enfin, la décision doit être motivée. (Sauf s’il s’agit du Roi)

                                                           b- retrait pour cause de fraude

Si l’acte a été pris à la suite d’un fraude commise par l’intéressé, à savoir fausse déclaration, présentation d’une pièce contenant une assertion mensongère, emploi de manœuvres frauduleuses, l’acte peut être retiré, sous condition que l’intéressé ait été averti et qu’un délai de 3 mois lui ait été accordé pour produire des pièces et des mémoires et dans la même forme que celle en laquelle l’acte est intervenu. (2 conditions).

Quant aux effets du retrait, il est à signaler que l’acte de naturalisation est anéanti non seulement en ce qui concerne l’octroi même de la nationalité, mais encore en ce qui concerne la modification du nom. L’acte de retrait a bien entendu un effet rétroactif, l’intéressé est censé n’avoir jamais été marocain excepté pour les actes passés antérieurement à l’acte de retrait si la validité de ces actes était subordonnée à l’acquisition de la qualité de marocain.

                                                 4- effets de la naturalisation

L’acte de naturalisation produit effets à l’égard de l’intéressé et des tiers à compter de sa publication au bulletin officiel (article 29).

Cet acte peut comporter également modification des noms et prénoms de l’intéressé. Cette modification n’est possible que dans l’acte de naturalisation lui-même et non après. Elle doit être en outre demandée par le naturalisé auprès de l’officier de l’état civil.

L’intéressé jouit à dater du jour de l’acquisition de la nationalité marocaine de tous les droits attachés à la qualité de marocain. (Articles 16 et 29).

Toutefois, à ce principe l’article 17 apporte des restrictions en instituant à l’égard du naturalisé certaines exceptions, certaines incapacités temporaires et ce, pendant une durée de 5 ans. L’incapacité d’être investi de fonctions ou de mandats électifs pour l’exercice desquels la qualité de marocain est nécessaire, et l’incapacité d’être électeur lorsque la qualité de marocain est exigée pour l’inscription sur les listes électorales.

Toutefois, le naturalisé peut être relevé de tout ou partie de ses incapacités par Dahir ou par décret suivant la forme de l’acte de naturalisation.

La naturalisation peut s’étendre aux enfants mineurs non mariés. L’effet collectif n’a pas lieu de plein droit, il doit être prévu par l’acte de naturalisation. (N.N c’est à dire ce n’est pas parce que le père a eu la naturalisation que pour autant les enfants mineurs non mariés en bénéficieront automatiquement, ca doit être prévu expressément par le décret).

L’alinéa 3 de l’article 18 fait une distinction, si l’enfant avait moins de 16 ans au moment de la naturalisation, sa nationalité marocaine est acquise de manière définitive, s’il avait plus de 16 ans, il peut répudier la nationalité marocaine dans les 3 ans qui précèdent sa majorité.

                                       B- la réintégration

C’est une sorte de naturalisation de faveur ouverte à celui qui ayant eu la nationalité marocaine d’origine et l’ayant perdue désire la reprendre.

Ce retour à la nationalité marocaine d’origine leur est facilité. En effet, aucune des conditions prévues pour la naturalisation n’est exigée, il suffit seulement que l’intéressé ait possédé antérieurement la nationalité marocaine comme nationalité d’origine, qu’il en fasse la demande au ministère de la justice et qu’il obtienne enfin un décret de réintégration dans la nationalité marocaine.

Comme en matière de naturalisation, le gouvernement dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour accorder ou rejeter la demande.

Quant aux effets, le réintégré reprend à compter de la publication du décret de réintégration au bulletin officiel, la nationalité marocaine avec tous les droits qui y sont attachés on ne retrouve pas les incapacités temporaires prévues pour le naturalisé par l’article 17.

L’effet collectif de réintégration peut s’étendre à tous les enfants mineurs non mariés s’ils demeurent effectivement avec le réintégré. La réintégration produit effet de plein droit à l’égard des enfants sans qu’il soit nécessaire que la décision le précise.

L’effet collectif de la réintégration s’impose à l’enfant à titre définitif. L’article 18 al. 2 ne prévoit aucune faculté de répudiation comme en matière de naturalisation (N.N à l’opposé de la naturalisation veut-elle dire).

         Chapitre 3 : la perte et la déchéance de la nationalité marocaine

Le code de la nationalité marocaine distingue la perte proprement dite de la déchéance. Alors que la perte est applicable à tous les nationaux sans distinction, la déchéance est applicable seulement à ceux qui ont acquis la nationalité marocaine à l’exclusion donc des marocains d’origine.

La perte de la nationalité suppose en principe la volonté de l’intéressé qui préfère une autre nationalité à la nationalité marocaine. Au contraire, la déchéance est imposée à l’intéressé sans qu’il ait une autre nationalité comme la sanction de certains actes manifestant chez lui un défaut de loyauté par ex.

                   Section 1 : la perte de la nationalité marocaine

L’article 19 prévoit 4 sortes de cas de perte de la nationalité marocaine.

                             Para 1 : acquisition volontaire d’une nationalité étrangère

Un marocain peut se trouver avoir également une nationalité étrangère. Pour mettre fin au conflit de nationalité, on lui permet d’opter en faveur de la nationalité étrangère et de renoncer à la nationalité marocaine, mais il lui faut pour cela l’autorisation du gouvernement marocain. L’intéressé devra en faire la demande auprès du ministère de la justice et le gouvernement dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour accorder ou refuser l’autorisation de renoncer à la nationalité marocaine. Cette autorisation est accordée par décret.

                                       A- les conditions de la perte de la nationalité marocaine

– il faut d’abord qu’il y ait acquisition d’une nationalité étrangère.

– il faut que la nationalité étrangère ait été acquise à l’étranger. Cette condition a pour effet d’éviter toute naturalisation étrangère accordée sur place à un marocain résidant au Maroc comme cela se produisait autrefois. En effet, pendant le protectorat, l’Espagne a naturalisé de nombreux marocains résidant dans la zone soumise à son administration.

– il faut également que l’acquisition de la nationalité étrangère ait un caractère volontaire. Ainsi par ex., un marocain devenu d’office national d’un pays qui lui a imposé sa nationalité ne remplit pas cette condition.

– il faut que l’intéressé soit majeur. C’est une condition de capacité exigée à cause de l’importance de l’option à exercer.

– il faut également que l’intéressé soit autorisé par décret à renoncer à la nationalité marocaine.

– et enfin, il faut que le décret d’autorisation soit publié au bulletin officiel.

(N.N qu’une personne ait 3 ou 4 nationalités ne veut pas dire qu’elle est obligée de perdre la nationalité marocaine, c’est une option pour ceux qui veulent l’exercer, en pratique il n’y a jamais eu de cas de demande de perte de nationalité).

                                       B- les effets de la perte de la nationalité marocaine

L’intéressé perd la nationalité marocaine à compter du jour de la publication du décret qui l’y a autorisé. Article 20 al. 1er.

L’article 21 l’étend aux enfants mineurs non mariés lorsqu’ils demeurent effectivement avec l’intéressé.

L’effet collectif se produit de plein droit. Les enfants mineurs intéressés n’ont même pas la possibilité de s’y opposer alors même qu’ils approcheraient de leur majorité.

                             Para 2 : cas de la femme marocaine qui épouse un étranger

                                       A- la femme marocaine qui épouse un étranger perd sa nationalité d’origine aux conditions suivantes

– la femme doit épouser un étranger, le mariage doit en ce cas être valable au regard de la loi des deux conjoints pour pouvoir être pris en considération.

– la loi du mari doit lui faire acquérir ou lui permettre d’acquérir sa nationalité. Cette condition a pour objet d’empêcher l’apatridie de la femme.

– la femme doit avoir souscrit une déclaration de renonciation adressée au ministre de la justice, elle pourra donc si elle le désire, conserver les deux nationalités à moins que la loi du mari ne subordonne l’acquisition de la nationalité du mari à la perte de la nationalité d’origine. La demande doit être faite avant la célébration du mariage.

– le gouvernement décide discrétionnairement de la suite donnée à la demande. Si l’autorisation est accordée, elle l’est par décret. Elle ne peut être donnée qu’avant le mariage ce qui présente de sérieux inconvénients notamment le retard du mariage.

                                       B- effets de la perte de nationalité

La nationalité marocain est ainsi perdue à compter de la conclusion du mariage. Article 20 al. 2. La perte de la nationalité marocaine par mariage ne s’étend pas aux enfants que la femme aurait eus avant le mariage.

                             Para 3 : emploi dans un service public étranger

Le code de 1958 prévoit la perte de la nationalité dans le cas du marocain qui occupe un emploi dans un service public étranger et qui refuse de le résigner malgré l’injonction qui lui en est faite par le gouvernement marocain.

                                       A- les conditions de perte de la nationalité

1- il faut que le marocain considéré, occupe un emploi dans un service public d’un Etat étranger ou dans une armée étrangère.

2- il faut également un élément psychologique ou moral constitué par la désobéissance à l’ordre du gouvernement marocain, lui enjoignant d’avoir à résigner l’emploi. Par l’effet de l’injonction, l’intéressé se trouve placé devant l’alternative : résigner son emploi ou perdre sa nationalité marocaine et il dispose d’un délai de 6 mois à compter de la signification. L’intéressé doit avoir été mis à même de présenter ses observations.

3- il faut enfin qu’intervienne un décret (élément formel) portant que l’intéressé a perdu la nationalité marocaine.

                                       B- les effets de la perte de la nationalité

La perte de la nationalité prend effet à compter de la publication du décret. Elle peut être étendue aux enfants mineurs de l’intéressé à condition qu’ils ne soient pas mariés et qu’ils demeurent effectivement avec lui. Article 21 al. 2. Cet effet n’a cependant pas lieu de plein droit, il doit être expressément mentionné dans le décret constatant la perte de la nationalité marocaine.

                             Para 4 : répudiation par le mineur naturalisé en même temps que son auteur

Les conditions de ce cas de perte sont les suivantes :

1- avoir acquis la nationalité marocaine par communication du fait de la naturalisation de son auteur ;

2- avoir bénéficié de cette naturalisation à l’âge de 16 ans au moins ;

3- renoncer à la nationalité marocaine dans les 3 ans qui précèdent sa majorité ; (le seul cas où la volonté de l’intéressé ne peut être mise en échec) ;

4- la perte se réalise au jour où a pris date la déclaration de renonciation.

                   Section 2 : la déchéance de la nationalité

Il y a déchéance quand la privation de la nationalité marocaine est imposée par l’Etat à titre de peine. Il n’est donc pas tenu compte de la volonté de l’intéressé.

                             Para 1 : les conditions de la déchéance

Seuls les individus qui ont acquis la nationalité marocaine peuvent être déchus, sont ainsi exclus les marocains d’origine. La déchéance peut être prononcée pour l’une des causes prévues par la loi.

                                       A- condamnation

Soit pour atteinte ou offense contre le souverain ou les membres de la famille royale quelle que soit la peine prononcée.

Soit pour crime ou délit contre la sureté intérieure, extérieure de l’Etat quelle que soit la peine prononcée.

Soit pour crime à plus de 5 ans d’emprisonnement.

                                       B- soustraction aux obligations militaires

                                       C- acte incompatible avec la qualité de marocain ou préjudiciable aux intérêts du Maroc accompli au profit d’un Etat étranger

C’est là une formule très vague qui laisse place à l’arbitraire.

En outre, il faut que les faits reprochés à l’intéressé et retenus comme cause de déchéance, aient été accomplis dans un délai de 10 ans à compter de la date de l’acquisition de la nationalité marocaine. Article 22 al. 2.

Enfin, la déchéance ne peut être prononcée que dans un délai de 5 ans à compter de ces faits. Article 22 al. 3.

La décision de déchéance est prononcée par Dahir en cas de naturalisation par Dahir, elle est prononcée par décret dans les autres cas d’acquisition.

Avant que la sanction ne soit prononcée, l’intéressé doit avoir été informé de la sanction envisagée contre lui et mis à même de présenter ses observations.

                             Para 2 : les effets de la déchéance (article 24)

L’intéressé perd la nationalité marocaine sans rétroactivité à compter de la publication de l’acte prononçant la déchéance.

A moins qu’il ait conservé sa nationalité d’origine et qu’il ait la possibilité de la reprendre, il deviendra apatride. La déchéance n’atteint pas de plein droit la femme et les enfants mineurs de l’intéressé, elle peut toutefois leur être étendue mais cette extension qui doit résulter du Dahir ou du décret n’est possible que si la femme et les mineurs sont d’origine étrangère, s’ils ont conservé une nationalité étrangère pour éviter l’apatridie. La déchéance ne peut être étendue aux enfants mineurs non mariés que si elle l’est à la mère. Elle peut l’être à la femme sans l’être aux enfants.

         Chapitre 4 : preuve et contentieux de la nationalité marocaine

                   Section 1 : la preuve en matière de nationalité

                             Para 1 : la charge de la preuve en justice

Aux termes de l’article 30 du code de la nationalité marocaine : « la charge de la preuve en matière de nationalité incombe en justice à celui qui par voie d’action ou d’exception prétend que lui-même ou une autre personne a ou n’a pas la nationalité marocaine ».

On retient ainsi la règle générale admise dans le droit des preuves en vertu de laquelle, celui qui se prévaut en justice d’un droit à l’encontre d’une autre partie, doit en apporter la preuve. C’est une règle de logique et d’équité.

En matière de nationalité, le principe est donc que c’est à celui qui se prétend national du pays qu’il appartient de le prouver, et non au ministère public, son adversaire, d’établir le contraire.

Conformément à cette règle, celui qui se prétend étranger devra démontrer qu’il n’est pas marocain. Il évitera ainsi de se voir appliquer les lois sur le service militaire par ex.

Autrement dit, la charge de la preuve incombe à l’intéressé si c’est lui qui a pris l’initiative de se prévaloir de la nationalité marocaine ou de l’extranéité. Mais dans le cas contraire, elle incombe à son adversaire qu’il s’agisse d’un particulier ou du ministère public. Cette règle met l’Etat dans une situation privilégiée à cause du privilège d’action d’office qui appartient à l’administration et qui fait que la qualité de demandeur est déplacée.

Ainsi, si l’administration prend une mesure d’expulsion à l’égard d’un individu qu’elle considère comme étranger et qui se prétend national, celui-ci prendra l’initiative d’une action en justice pour faire reconnaître sa qualité de marocain et à ce titre, il aura la charge d’en faire la preuve.

                             Para 2 : la preuve de la nationalité marocaine

Différentes situations sont possibles. Il peut s’agir de prouver une nationalité attribuée à titre de nationalité d’origine, il peut s’agir également de prouver une nationalité acquise en cours d’existence. Dans les deux cas, les moyens de preuve ne sont pas identiques.

                                       A- la preuve de la nationalité marocaine d’origine

La nationalité marocaine d’origine repose sur la filiation (jus sanguinis). Pour prouver  sa nationalité marocaine, l’individu pourrait prouver cette qualité en la personne de ses ascendants en remontant de génération en génération ce qui ne facilite pas la tâche. C’est la, raison pour laquelle on était obligé d’être très libéral quant aux modes de preuve et de se contenter ainsi de preuves imparfaites.

Le code de 1958 a admis en son article 31 al. 1er que la nationalité marocaine d’origine peut être apportée par tous les moyens notamment par la possession d’état. La possession d’état est une notion courante et qui peut s’appliquer en dehors du cadre de la preuve de la nationalité.

L’al. 2  de l’article 31 la définit comme étant un ensemble de faits dont la réunion confère à une personne, l’apparence extérieure d’un Etat déterminé. Cour suprême faits permettant d’établir que l’intéressé s’est comporté comme marocain par ex. le fait d’avoir toujours vécu au Maroc en milieu marocain. Il y a là un élément d’intention qu’on recherchera dans le comportement de l’intéressé.

Qu’il a été considéré comme marocain par les autorités publiques par ex. le fait qu’il a été qualifié de marocain dans des pièces administratives comme un passeport, une carte d’identité ou des actes de l’état civil. On retiendra également le fait qu’il a été porté sur la liste électorale, qu’il a été nommé fonctionnaire. Ces différentes mentions ne peuvent pas faire preuve de la nationalité mais elles constituent des éléments de la possession d’état.

Qu’il a été considéré comme marocain par le public. Il ne suffit pas d’un fait unique, il faut un ensemble de faits et le texte exige que ces faits soient notoires, publics et non équivoques. De plus, le juge n’est lié par aucune des pièces administratives produites. Il lui appartient d’en décider.

                                       B- la preuve de la nationalité acquise

Dans ce domaine, la preuve est légale. Deux cas peuvent être envisagés :

                                                 1- acquisition de la nationalité marocaine par le bienfait de la loi

Deux cas doivent être distingués :

a- l’article 32 al. 2 prévoit que lorsque l’acquisition de la nationalité marocaine résulte d’un traité : « la preuve doit être faite en conformité de ce traité ».

b- par contre, le cas de l’acquisition par le bienfait de la loi n’est pas prévu.

                                                 2- acquisition de la nationalité marocaine par naturalisation ou réintégration

Aux termes de l’article 32 al. 1er, la preuve doit être faite : « par la production de l’ampliation ou d’une copie officielle délivrée par le ministre de la justice, du Dahir ou du décret qui l’a conféré ».

L’ampliation c’est le titre qui est remis à l’impétrant et qui vaut notification de la mesure gouvernementale. L’article 32 al. 1er exclut tout autre mode de preuve.

                                       C- les titres constatant la nationalité

                                                 1- le certificat de nationalité

Le code de la nationalité marocain prévoit la délivrance de certificats de nationalité qui peuvent constituer pour les intéressés, une preuve de leur nationalité. L’article 33 dispose que le certificat de nationalité peut être délivré soit par le ministre de la justice, soit par les autorités judiciaires ou administratives désignées par lui à cet effet.

Le ministre marocain de la justice a eu l’occasion de préciser la portée de ce texte. Dans un arrêté du 27 Octobre 1958, il a décidé que : « les procureurs commissaires du gouvernement près les tribunaux régionaux, sont seuls habilités à délivrer des certificats de nationalité marocaine aux personnes justifiant qu’elles sont cette nationalité ».

Ne sont donc pas habilités à fournir des certificats de nationalité, les agents diplomatiques et consulaires du Maroc à l’étranger.

L’arrêté ne limite pas la compétence territoriale des procureurs du roi. L’intéressé peut donc s’adresser à n’importe quel parquet. Cependant, le certificat de nationalité n’est pas délivré sur simple demande. Un minimum de preuves est nécessaire. L’intéressé rapportera ainsi la preuve de sa nationalité par les procédés connus. En fait, le procureur pourra lui-même effectuer des recherches et mener des enquêtes. En tout cas, la délivrance du certificat n’est pas obligatoire pour le procureur, qui peut en cas de doute, en référer au ministre de la justice.

Si le procureur refuse de délivrer le certificat, le requérant peut former un recours hiérarchique devant le ministre.

Lorsque le certificat de nationalité est délivré à l’intéressé, il va délivrer des effets importants. Le principe posé par le code de 1958 est qu’il attache au certificat, une présomption légale de nationalité. Bien que le texte ne le précise pas, on doit admettre que c’est une présomption jusqu’à preuve contraire.

                                                 2- le jugement déclaratif de nationalité (Article 35)

Le jugement passé en force de chose jugée, rendu en matière de nationalité suivant une procédure déterminée est le seul titre faisant parfaitement la preuve de la nationalité.

                             Para 3 : la preuve de l’extranéité

Il s’agit là de la preuve de l’absence de nationalité marocaine et non de la preuve positive d’une nationalité étrangère. Cette règle, généralement admise en droit international s’explique par deux raisons : d’abord, il n’est pas certain que l’intéressé ait forcément une nationalité étrangère, il peut être apatride. Ensuite, il n’appartient pas à la loi marocaine de dire selon quel mode de preuve une nationalité étrangère peut être établie, ce serait contraire à la souveraineté de l’Etat étranger.

La preuve de l’extranéité d’origine n’est pas prévue par le code de 1958, il faut donc en déduire que cette preuve peut être rapportée par tous les moyens. La question de savoir si un individu est ou non marocain, étant une question de fait.

Le moyen le plus adéquat sera de recourir à la possession d’état d’étrangers, c’est à dire un ensemble de faits établissant que l’intéressé s’est toujours comporté comme étranger et qu’il a été considéré comme tel par les autorités marocaines et par le public. On pourra retenir également la naissance à l’étranger, l’appartenance à la religion chrétienne etc. … Si la possession d’état d’étranger est établie, il appartiendra à celui qui soutiendrait la nationalité marocaine d’en faire la preuve.

                   Section 2 : le contentieux de la nationalité marocaine

Par contentieux de la nationalité marocaine, il fait entendre toute contestation sur le point de savoir si une personne a ou n’a pas la nationalité marocaine à l’exclusion de toute contestation relative à la détention d’une nationalité étrangère.

                             Para 1 : la compétence

Aux termes de l’article 36 al. 1er, la compétence à l’égard des contestations sur la nationalité marocaine appartient exclusivement aux tribunaux civils. A ce principe sont apportées deux exceptions :

D’une part, la juridiction administrative est compétente lorsqu’il s’agit d’apprécier la légalité d’une décision administrative relative à la nationalité (Article 36 al. 2). Il s’agit alors d’un recours pour excès de pouvoir qui sera porté devant la chambre administrative de la cour suprême. Ici, la nationalité n’est pas directement l’objet du litige, elle se trouve en jeu de façon indirecte à travers la question de la légalité de l’acte administratif envisagé. Ces actes administratifs sont assez variés, il peut s’agir d’une décision de retrait de naturalisation ou d’une décision portant déchéance d’un individu de sa nationalité marocaine.

D’autre part, l’interprétation d’une convention internationale relative à la nationalité relève du ministère des affaires étrangères (Article 36 al. 3). A la différence d’une décision judiciaire, l’interprétation donnée par le ministère a une portée générale, elle s’impose aux tribunaux, non seulement pour l’affaire à l’occasion de laquelle elle a été donnée, mais pour toute autre affaire dans laquelle la même question se trouverait posée ultérieurement. Elle est publiée au bulletin officiel. (Article 36 al. 4).

                             Para 2 : la question préjudicielle

La question préjudicielle de savoir si un individu est ou n’est pas marocain constitue devant toute juridiction autre que le tribunal civil, une question préjudicielle qui oblige le juge à surseoir à statuer jusqu’à ce que la question ait été tranchée par la juridiction compétente. Le tribunal compétent est celui du domicile de la personne dont la nationalité est en cause si l’intéressé n’est pas domicilié au Maroc, le tribunal compétent est celui de Rabat.

  Para 3 : l’action principale

C’est une action qui a pour objet principal et direct de faire juger que telle personne a ou n’a pas la nationalité marocaine, cette action est dirigée contre le ministère public qui a seul qualité pour y défendre à l’exclusion des autorités administratives. Le ministère public a également le droit d’intenter contre un particulier une action principale en reconnaissance ou en dénégation de la nationalité marocaine.

Para 4 : l’autorité de la chose jugée

Les décisions rendues en matière de nationalité ont l’autorité de chose jugée à l’égard de tous.

Related Articles

أضف تعليقاً

لن يتم نشر عنوان بريدك الإلكتروني. الحقول الإلزامية مشار إليها بـ *

Back to top button